À la loupe | La situation devant le filet reste nébuleuse chez les Hurricanes
Au lendemain d’une belle performance de Cam Ward, auteur de 28 arrêts dans la victoire des Hurricanes à Nashville (4-1), les interrogations autour du poste de gardien s’intensifient en Caroline. Après avoir accueilli Scott Darling durant la saison morte, la franchise se retrouve désormais face à un drôle de constat: le nouveau venu, destiné à endosser le rôle de titulaire, peine à égaler les statistiques de son aîné.
Darling en souffrance face à la pression du partant?
Pourtant, les chiffres postés par Ward sont loin d’être impressionnants. Jusqu’ici, le vétéran affiche un taux d’arrêts de 91,1% en 11 rencontres. Darling, dont la dernière apparition cette semaine fut désastreuse (défaite 8-1 face aux Maple Leafs), n’affiche lui qu’un médiocre 89,6% de tirs stoppés. Une moyenne bien en-deçà des attentes, qui illustre à quel point le cerbère semble peiner à s’adapter au rôle de partant.
Des difficultés clairement mises en lumière par les statistiques. Développé par Rob Vollman, le « Quality Start Percentage » (QS%), est basé sur le nombre de bons départs réalisés par un gardien au cours de la saison. Comment définit-on un bon départ? Ici, Vollman fait référence aux matchs où le portier aligné d’entrée a su maintenir un taux d’arrêt supérieur ou égal à la moyenne actuelle de la ligue (91,2% cette saison). Seule exception, les rencontres avec un maximum de 20 tirs au but adverses, pour lesquelles on attribuera un bon départ à chaque gardien ayant posté, au minimum, un taux d’arrêt de 88,5%.
Depuis l’entame de la saison, Darling, qui a fait face à un rythme plus soutenu en raison de ses nouvelles responsabilités, n’a posté que 43,5% de QS, sur 23 matchs amorcés. À travers la Ligue, le QS% moyen tourne traditionnellement autour de 53%. Une stat qui ne met donc pas en valeur la campagne du portier américain, surtout lorsqu’on observe qu’il avait bouclé sa dernière année chez les Blackhawks avec un prometteur 63%, en 27 départs.
La charge de travail imposée au cerbère est-elle à l’origine de cette grosse baisse de régime? Honnêtement, il est tentant de répondre oui, surtout lorsque l’on constate que le processus inverse semble être profitable à Cam Ward. Cette année, le vétéran compte en effet 63,6% de bons départs (11 matchs amorcés), contre seulement 49,2% en 2016/17 (61 départs). Moins utilisé, l’ex-titulaire des Canes paraît retrouver des couleurs. Toutefois, il est difficile d’affirmer, au vu de son irrégularité chronique, que Ward serait en mesure de maintenir ce tempo dans un rôle plus important.
Un pari risqué, pour un tandem instable
Par certains aspects, l’écart séparant le duo des Hurricanes est notable. Les performances décevantes de Darling se reflètent notamment dans son GSAA (Goals Saved Above Average)***, de -10,25, soit le pire total pour un gardien ayant pris plus de 20 départs en LNH cette saison. Ward, de son côté, n’excelle guère avec un -0,23, mais demeure néanmoins plus proche de la moyenne de la Ligue. Dans les deux cas, ces chiffres restent assez décevants.
Devant eux, la défensive de la Caroline semble pourtant faire le travail avec efficacité, en limitant le nombre d’opportunités dangereuses allouées aux opposants. Ce graphe, de hockeyviz.com, montre ainsi que les adversaires des Canes prennent un total de tirs non-bloqués relativement bas à l’intérieur de l’enclave. Une tendance qui devrait aider à faire bien paraître les deux cerbères, épargnés de nombreux lancers difficiles à stopper. Mais malgré cela, les Canes restent privés d’une contribution solide et régulière devant le filet, ce qui les pénalise logiquement dans la course aux Séries.
En combinant Darling à Ward l’été passé, Ron Francis semble avoir tenté un pari assez risqué. Débarqué de Chicago dans un échange (contre un choix de troisième ronde), puis prolongé pour quatre saisons, l’ancien Blackhawk touchera ainsi 4,15 M$ par jusqu’en 2021. Un investissement conséquent pour un cerbère qui n’a pas vraiment connu une trajectoire linéaire, en n’accédant à la LNH qu’à l’âge de 26 ans, et après avoir baroudé dans les mineures. Presque trentenaire, Darling devrait logiquement commencer à décliner sur le plan physique, ses performances pouvant en pâtir à moyen terme. Aussi, il est impératif qu’il parvienne à retrouver son jeu au plus vite, pour éviter aux Hurricanes de faire face à une situation plus que tendue à son poste.
De son côté, Cam Ward retrouvera le marché de l’autonomie l’été prochain, après avoir été prolongé pour deux saisons en 2016, avec un salaire annuel de 3,3 M$. Difficile de dire ce que l’avenir peut réserver au cerbère historique de la Caroline, qui garde des attaches fortes avec Raleigh. De sa décision future dépend probablement l’avenir de l’équipe au poste d’auxiliaire, une donnée d’autant plus importante que les Canes semblent actuellement dépourvus de solution interne pour endosser ce rôle. En LAH, chez les Checkers de Charlotte, le jeune Alex Nedeljkovic (21 ans) peine pour l’heure à s’imposer (90,1% d’arrêts en 18 rencontres), tandis que Jeremy Smith ne parvient guère à faire mieux que son coéquipier (90,4% de tirs stoppés en 16 matchs). Sans relève apparente en Ligue Américaine, la Caroline paraît donc encore plus dépendante de son duo actuel.
Cette situation nébuleuse n’est clairement pas à l’avantage de la franchise, à court comme à moyen terme. Même si les Hurricanes disposent de la souplesse financière nécessaire pour combler un éventuel manque dans les buts à la saison morte, nul doute que la haute-direction souhaiterait probablement pouvoir investir cet argent dans d’autres secteurs de jeu. Aussi, le pari Scott Darling se doit d’être une réussite. Sous contrat pour quatre ans, le cerbère va devoir se ressaisir pour donner raison à ses dirigeants. Un challenge qui paraît difficile.
Mais si l’ancien portier de Chicago a su prouver quelque chose durant sa carrière, c’est bien qu’il ne faut pas l’enterrer trop tôt.
***Goals Saved Above Average: Cette statistique se calcule en prenant le nombre total de tirs auxquels le gardien a fait face, et en y appliquant le pourcentage d’arrêts moyen de la Ligue. On détermine ainsi si les performances du cerbère sont inférieures, ou supérieures, à ce qu’aurait posté un portier standard de LNH. Cette métrique permet donc de replacer le ratio de tirs stoppés dans un contexte plus large, en prenant en compte le nombre de lancers concédés par la défensive de chaque gardien.
Statistiques: hockey-reference.com, hockeyviz.com.
[STATS]5475[/STATS]
[STATS]3500[/STATS]
[STATS_EQUIPE]CAR[/STATS_EQUIPE]
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