Analyse détaillée d’Ethan Gauthier
Évoluant pour le Phoenix de Sherbrooke, Ethan Gauthier est la figure de proue chez les espoirs de la LHJMQ en prévision du repêchage de la LNH 2023.
Ce que j’aime le plus chez l’espoir québécois est l’identité qu’il possède. Cela peut souvent être vu de façon dérisoire lorsqu’on appelle un jeune joueur un ‘complément’, mais il en est tout autre dans l’évaluation que j’en fais. Les qualités auxquelles je fais référence chez une bonne pièce complémentaire, sont des qualités qui sont presque en voie de disparition dans le hockey de nos jours où une emphase (parfois exagéré) est mise sur les habilités pures, et pas assez sur la compréhension du jeu.
L’une des choses que j’aime chez ce genre de joueur, c’est également la maturité, l’intelligence et le sens critique que démontre le joueur dans son auto-évaluation. Autant il est souhaitable de voir les jeunes talents expérimenter sur la glace (quitte à faire des erreurs occasionnelles), autant qu’il est appréciable lorsque des joueurs savent comment jouer à l’intérieur de leurs limites.
Je fais également référence à l’aspect physique, qui est une qualité qui se perd de plus en plus chez les jeunes espoirs. À plusieurs reprises cette saison, j’ai vu Gauthier asséner de spectaculaires mises en échec à un adversaire qui avait la tête basse en possession de rondelle.
Gauthier est, autrement dit, un joueur qui excelle dans les petits détails. L’endroit où il démontre un savoir-faire bien au-delà de la moyenne est, pour moi, au niveau de son jeu en protection de rondelle. Ce sont plusieurs fines subtilités qui viennent élever cet aspect de son jeu à un niveau supérieur.
En tête de liste, il y aurait la façon proactive de Gauthier d’identifier et reconnaître les menaces pour lui sur la patinoire, et d’ensuite adopter une position corporelle avantageuse.
On le voit dans l’exemple ici regarder par-dessus son épaule pour apercevoir un joueur qui arrive de derrière et le repousser avec son bras libre.
D’un point de vue plus technique, Gauthier, qui présente un gabarit de 5’11, 176 lbs, a une parfaite compréhension de comment utiliser les leviers à son avantage.
Nous avons un exemple ici où on le voit lui-même initier le contact en abaissant son centre de gravité, il repousse le joueur avec son bras libre tout en distançant la rondelle hors d’atteinte en étendant sa portée.
Un aspect qui n’est pas assez souvent mentionné dans la protection de rondelle est le placement de rondelle. Ce n’est pas qu’une simple question de repousser physiquement ses adversaires, il faut également placer la rondelle dans un endroit qui ne leur est pas accessible avec leur bâton. Il est possible de prévaloir dans cette facette en dépit d’un gabarit imposant. Pour ce faire, le joueur doit garder la rondelle très près de sa base de patin. Brad Marchand, Pavel Datsyuk et Mason MacTavish , pour nommer un espoir récent, sont tous des joueurs qui se sont distingués par cette technicalité.
On a un exemple ici.
Il y a un très beau pivot entre deux joueurs, mais ce qu’il faut porter attention est à quel point il garde la rondelle près de ses patins.
Un autre aspect plus avancé dans la protection de rondelle de Gauthier est qu’il va conserver sa cadence de patin avec sa jambe éloigné pour conserver sa vitesse et se distancer de son couvreur. Peu de joueurs pensent à le faire. Il est en mesure de non seulement gagner du temps pour ses coéquipiers, mais il est en mesure de créer de l’offensive par lui-même avec cette habilité, car il demeure en mouvement.
C’est vraiment dans les endroits ouverts qu’il excelle. Le long des bandes, il se sert moins de son corps et cherche plutôt à battre ses couvreurs avec des changements de direction et il n’a pas ‘l’évasion’ des petits joueurs agiles.
Avec la rondelle, le porte-couleur du Phoenix de Sherbrooke a ce que j’appelle des mains ‘réactives’. Ce n’est pas nécessairement un joueur doté d’une grande créativité offensive qui va volontairement manipuler ses adversaires, mais il a la vivacité au niveau de ses mains pour éviter un harponnage à la toute dernière seconde.
C’est un peu ce que je mentionnais en guise d’introduction par ses compétences qui complémentent bien des coéquipiers plus talentueux : il ne sera pas le joueur qui va contrôler le jeu, mais, positionné dans le ‘Bumper’, ses mains sont suffisamment rapides pour capter la rondelle et la placer pour préparer son tir en une seule motion.
Il a démontré certains flashs de créativité et d’audace lors de certaines séquences où en rentrant dans le territoire ennemi, un adversaire venait rapidement refermer le jeu sur lui, n’ayant pas la force d’accélération ou la vitesse nécessaire pour le battre, Gauthier freinait, et dans une position statique appâtait son adversaire qui fonçait sur lui à pleine vitesse, à la dernière seconde il lui passait la rondelle entre les patins et l’esquivait, repartant dans l’autre direction.
En tant que passeur, il y existe des parallèles à faire avec son maniement de rondelle ; sans être hyper créatif, sa prise de décision et son exécution sont rapides, on peut même le voir dans le ‘Bumper’ (tient, tient) prendre les bonnes options rapidement alors qu’il est sous pression.
Il est souvent à son meilleur dans les séquences où il est appelé à faire des jeux rapides. Il est très à l’aise de derrière le filet ainsi que de la ligne des buts pour remettre à ses coéquipiers, il n’a pas de problèmes aussi à passer sur son revers.
Une fois de plus, c’est dans les nuances et les subtilités qu’il va démontrer son savoir-faire. Dans la zone neutre, il a la rondelle et un 2 contre 2 se dessine, mais il n’a pas la vitesse pour rentrer à l’aile et tenter un jeu, il va alors dériver vers la bande en ralentissant subtilement pour attirer un défenseur sur lui, il va laisser son coéquipier gagner en vitesse et il va envoyer la rondelle du revers d’une passe soulevé dans un endroit libre pour que ça devienne une course pour une rondelle libre vers le haut de l’enclave (son coéquipier a presque eu un tête-à-tête avec le gardien adverse). Cela démontre aussi une compréhension des limitations de son jeu, ce que je mentionnais plus tôt.
D’une note moins positive, je n’aime pas vraiment son playmaking en provenant du long des bandes. Il a souvent tendance à faire des passes en se retournant sur lui-même, que ce soit en contre-attaque ou un coup installé dans la zone offensive. Ayant une bonne idée du portrait du joueur, je ne crois pas qu’il tente ces jeux par fantaisie. Souvent, c’est que c’est son dernier recours. Or, le taux de succès fut vraiment faible, et surtout, il a d’autres qualités sur lesquelles il peut se reposer pour acheter du temps, exemple, sa protection de rondelle.
Pour ce qui est de son patin, sa vitesse est plutôt moyenne. Il se tire tout de même d’affaire, mais il lui manque une petite coche d’accélération, ce qui peut expliquer lesdites passes en se retournant sur lui-même lorsqu’il rentre dans la zone offensive le long de la bande.
Pour ce qui est de la projection de Gauthier, ce qui est intéressant est que pour la plupart des espoirs, la question est de savoir s’ils parviendront à améliorer leurs faiblesses pour atteindre la LNH ou pour y connaître du succès, dans son cas à lui, la question est plutôt de savoir s’il peut atteindre un niveau encore supérieur dans les choses qu’il fait déjà bien pour s’établir comme un bon complément dans une formation.
C’est un genre de joueur que j’aime bien, le prototype idéal étant un Zach Hyman (faisons abstraction de sa production cette saison). C’est d’ailleurs pourquoi j’avais Josh Doan dans mon top 32 en 2021.
Il n’a malheureusement pas le gabarit ainsi que la vitesse idéale pour exceller dans ce genre de rôle, ce qui fait en sorte que je vois moins de flexibilité dans sa projection et que je le vois plus comme joueur de Bottom-6.
Il ne faut cependant pas minimiser l’apport de ce genre de joueurs en séries éliminatoires ! Avec sa façon de jouer, un entraîneur se fera plaisir de l’insérer dans sa formation.
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