Analyse détaillée de Juraj Slafkovsky
Slafkovsky est un ailier slovaque de 6’4 ayant un coffre à outils des plus nantis chez les espoirs qu’on a pu observer lors des dernières saisons.
Il est difficile de pointer ce qu’il fait de mieux sur la glace, car il y a tellement de ses attributs qui se situent à un haut niveau et il ne compte pas sur l’un de ceux-ci plus qu’un autre.
La première chose dont je parlerais à propos de Slafkovsky est ses excellentes mains et la confiance dont il fait preuve sur certains jeux. Il a un excellent contrôle de rondelle et il est en mesure de manœuvrer en circulation lourde, même face aux hommes. Possédant un bon répertoire de feintes, j’ai vu Slafkovsky se moquer à plusieurs occasions d’un attaquant adverse à la ligne bleue alors qu’il avait pris la position d’un défenseur qui s’était avancé dans la zone offensive. Il ne manque pas d’audace et de créativité. Il peut aussi bien déjouer un joueur lorsqu’il a son erre d’aller comme qu’il peut le faire alors qu’il reçoit la rondelle en étant statique dans un coin de patinoire où il laisse le joueur adverse venir sur lui et s’en défait avec une succession de mouvement vif d’épaules, ce qu’on appelle familièrement en anglais un ‘Shimmy-Shake’. Lorsqu’il a joué dans la ligue des moins de 20 ans en Finlande, c’était assez incroyable les feintes qu’il sortait à l’occasion. C’est une qualité rarissime de pouvoir déjouer des joueurs lorsqu’à pleine vitesse, c’est très impressionnant de voir cela chez un joueur de son gabarit. Plus tard dans la saison, vers le mois de décembre, Slafkovsky a commencé à jouer avec un bâton plus long (plus à ce sujet plus tard), ce qui en temps normal occasionne des répercussions sur le maniement de rondelle d’un joueur, mais Slafkovsky en a seulement retiré du positif. Il a conservé toute sa dextérité et cela lui a également permis d’allonger sa portée avec la rondelle.
La chose qui m’impressionne le plus chez lui est la variété de jeu qu’il est en mesure de penser et d’effectuer ainsi que sa ‘deceptiveness’ (tromperie/induire en erreur). Lorsque je parle de variété de jeu, je ne fais pas nécessairement mention de ses différentes armes telles que son lancer et son gabarit. Je demeure toujours dans l’éventail des idées créatives dont il fait preuve avec la rondelle. Slafkovsky représente une énigme pour ses adversaires, car il peut les battre de tellement de manières et aussi, car il cache super bien ses intentions. Un exemple de cela est lorsqu’il descend à l’un des cercles des mises aux jeux et commence à prendre un élan de lancer des poignets tout en ayant le regard droit au but et qu’il attend à la dernière seconde qu’un défenseur se compromettre pour bloquer le lancer pour finalement passer à un coéquipier dans l’enclave. Je l’ai vu faire ce genre de jeux venant des deux côtés. Slafkovsky analyse très rapidement ce qui se produit sur la glace et il peut réagir en fonction de ce qu’il voit s’il croit qu’il peut réaliser un meilleur jeu. Dans la même ligne de pensée de retarder ses tirs pour passer à un coéquipier, c’est arrivé à plusieurs reprises que Slafkovsky s’apprêtait à tirer et lorsqu’il s’apercevait que le défenseur optait pour une approche trop agressive envers lui, il sortait une feinte de son chapeau à l’improviste et en profitait pour s’avancer à un endroit encore plus dangereux.
À plusieurs reprises je l’ai vu induire volontairement ses adversaires en erreur comme bon lui semblait. Un de ces exemples est sur l’un des jeux les plus impressionnants que j’ai vus cette saison, tous joueurs confondus : évoluant à la pointe lors des avantages numériques, Slafkovsky s’est emparé de la rondelle derrière son filet après un dégagement de l’adversaire, il a transporté la rondelle par le flanc gauche jusqu’en zone neutre où il a tourné ses hanches dos au jeu comme s’il s’apprêtait à remettre la rondelle au joueur derrière lui (ce qu’on appelle la stratégie du ‘slingshot’), voyant cela, les joueurs de l’équipe adverse ont porté leur attention sur le joueur qui suivait et à la seconde même qu’ils ont ajusté leur positionnement et attention sur l’autre joueur, Slafkovsky s’est retourné face au jeu, a complètement déculotté le défenseur à la ligne bleue qui ne l’attendait pas et à assuré l’entrée de zone en possession du disque pour son équipe.
Occupant cette position lors des unités spéciales, il a souvent été le joueur qui menait la charge pour les contre-attaques et la diversité de jeux dont il a fait preuve était vraiment impressionnante. Il a aussi le talent nécessaire pour faire des montées d’un bout à l’autre.
J’enchaînerais ensuite avec ses talents de passeurs ainsi que sa vision de jeu. La raison pour laquelle je décide de parler de cet aspect après avoir parlé de ses mains et de sa créativité est que ces qualités amplifient de beaucoup l’efficacité de Slafkovsky comme passeur. Sa remarquable dextérité avec la rondelle lui confère le statut d’un des meilleurs espoirs que j’ai vu pour effectuer des jeux sur leur revers. Mine de rien, peu de joueurs sont en mesure d’effectuer des jeux de haut niveau de ce côté. Le meilleur espoir des dernières années dans cette nuance était Matthew Boldy. Le plus impressionnant est que dans la plupart des situations, effectuer une passe du revers n’était pas sa première option. Plus souvent qu’autrement c’était pour remettre à un joueur qui fonçait au filet. Des passes d’une distance surprenante et même des passes soulevées qui atterrissaient directement sur le bâton de son coéquipier. Aidé par sa portée et sa dextérité, il est aussi arrivé qu’en situation de 2 contre 1 le défenseur se couchait de tout son long pour bloquer la ligne de passe et que Slafkovsky étende sa portée et parvienne tout de même à passer du revers à son ailier.
En avantage numérique je l’ai vu feindre des tirs frappés de la ligne bleue pour finalement y aller d’une passe très précise à travers la boîte défensive au complet à un coéquipier à l’embouchure du filet.
Ses talents de passeurs sont d’autant plus mis de l’avant par le fait que les défenseurs adverses n’ont pas le choix de lui concéder de l’espace sur la glace, car ils doivent se méfier de son imprévisibilité, ce qui ouvre beaucoup de glace pour ses coéquipiers.
Dans plusieurs aspects du jeu, il a démontré des nuances et du raffinement et ses passes n’en font pas exception. Lors de sorties de zone, je l’ai vu utiliser la bande pour parvenir à passer à un coéquipier alors qu’il se trouvait plusieurs joueurs de l’équipe adverse coupant toutes les options. Cela est également arrivé à plusieurs reprises où Slafkovsky y est allé de passes sur réception. Ça démontre une excellente compréhension du positionnement de ses coéquipiers sur la glace et qu’il a déjà planifié ses actions à l’avance dans sa tête. Cela fait partie de ce qu’on appelle le ‘pace’ auquel un joueur joue. Ce n’est pas seulement le rythme auquel il patine, mais aussi la vitesse à laquelle il peut traiter l’information devant lui, réfléchir et exécuter ses jeux.
Lorsqu’on porte attention à son tir, il y a du très bon et d’autres trucs qui laissent à désirer. Son tir sur réception provenant de la pointe ou du haut des cercles est tout simplement violent. Son tir des poignets lors des avantages numériques lorsqu’on lui concède de l’espace est également très menaçant ; décocher sans élan et avec beaucoup de vélocité. Cependant son arsenal de tir n’est pas autant vaste que celui de ses feintes ou de ses passes.
En effet, je ne l’ai pas encore vu démontrer qu’il pouvait prendre des tirs alors qu’il était en accélération. Ses meilleurs tirs surviennent surtout lorsqu’il est arrêté ou à très basse vitesse. C’est peut-être dû à un manque de coordination. À ce stade-ci je ne m’attends pas à ce qu’il devienne un expert dans cette facette comme l’est Shane Wright, mais j’aimerais le voir développer sa capacité à pouvoir prendre de bons tirs lorsqu’il ressort du cercle lors d’un ‘cycling’ en zone offensive comme le faisait Dylan Holloway qui n’était également pas reconnu pour avoir un si bon lancer. C’est d’ailleurs de cette façon que Slafkovsky a marqué son premier but en Liiga ainsi qu’aux Olympiques.
Comme c’est souvent le cas, évaluer le patin d’un espoir n’est pas toujours évident pour plusieurs raisons ; premièrement, évaluer des joueurs sur vidéo comporte beaucoup de limites relativement à le faire en personne, les angles de caméra qui diffèrent d’un match à l’autre peuvent donner des impressions différentes. Deuxièmement, la saison est très longue. Surtout pour des jeunes de cet âge, il se peut qu’à certains moments, la fatigue les rattrape et que ça s’apparente sur leur patin. Il se peut également qu’à d’autres occasions, le joueur doive composer avec des blessures qui l’embêtent.
Un peu à cette image, le patin de Slafkovsky était en demi-teinte cette saison. Par moment, on aurait préféré le voir ajouter une vitesse supplémentaire, par d’autres, on aurait dit qu’il est un patineur au-delà de la moyenne, et ce, en jouant contre des hommes. Par moment il semblait en mesure de couvrir beaucoup d’espace en peu de temps avec son patin et parfois il semblait manquer un peu d’explosion dans les petits espaces. Cependant, son agilité est très bonne dans cesdites espaces, surtout pour un joueur de son gabarit.
Ce qu’on voit en premier dans son cas, c’est sa posture inorthodoxe. C’est peu fréquent de voir un joueur de sa taille avoir une technique sans faille. Dans le cas de Slafkovsky, certaines nuances semblent exacerbées par la façon dont son corps est fait. Je serais curieux de voir les données anthropométriques du joueur, car lorsqu’on le regarde, il semble avoir un très long tronc, ce qui change son centre de gravité et la distribution de sa masse corporelle. Généralement dans de tels cas, il est bon pour le joueur de jouer avec un bâton plus court pour ne pas avoir le tronc trop à la verticale sur la glace et tirer avantage de la force gravitationnelle lors des accélérations en inclinant le tronc. Slafkovsky joue déjà avec un bâton court, mais sa posture semble tout de même un peu curieuse. Pencher son corps davantage l’aiderait à maximiser l’apport de ses muscles fessiers lors de ses poussées. Il gagnerait aussi à augmenter encore son degré de flexion au niveau des genoux.
Quelque chose qui a semblé l’aider est qu’il semble en très bonne condition physique et est en mesure de terminer de longues présences tout en conservant un haut niveau d’intensité.
Somme toute, sa mécanique ainsi que sa posture ont fait des progrès pendant la saison et ne représentent pas de points d’interrogation pour moi. Je suis également en mesure de formuler l’hypothèse comme quoi il a encore beaucoup de progrès à faire physiquement (en termes de force physique et de puissance), ce qui va aider à amener son patin à un niveau supérieur.
À 6’4, il est évident que son gabarit allait être mentionné à plusieurs reprises, mais comment l’utilise-t-il ? Slafkovsky n’est pas un joueur qui va nécessairement chercher à punir l’adversaire, mais l’affronter sur une base régulière représente un défi pour les défenseurs. Il est capable à l’occasion de distribuer de très bonnes mises en échec. Ça ne sera pas son identité, mais ça lui arrive ici et là d’avoir ce petit côté dérangeant où il va donner des coups d’épaules à ses adversaires en rentrant au banc de son équipe.
Autre que l’aspect rudesse, Slafkovsky se sert très bien de son corps pour protéger la rondelle avec son bras libre. Il est également très efficace lorsqu’il coupe au filet, en abaissant son épaule et en gagnant en levier sur le défenseur.
Comme je mentionnais plus tôt lorsque je parlais de son patin, Slafkovsky est agile et on peut le voir lorsqu’il est en poursuite de rondelle où il va gagner sa position sur le défenseur avec finesse. Advenant le cas où ça ne fonctionne pas, il a le gabarit et la force pour jouer la carte du jeu physique.
Son physique n’est pas la seule chose qui est déjà à maturité, son jeu défensif est remarquable pour un joueur de son âge et de son talent. Il est très solide en zone neutre, avec ou sans la rondelle. Et comme lorsqu’Il est en contrôle du disque, Slafkovsky analyse rapidement le jeu lorsqu’il n’a pas celui-ci. Il va être le premier à reconnaitre lorsqu’un de ses défenseurs quitte sa position pour aller le couvrir et il va se replier d’avance lorsqu’un de ses défenseurs tente un ‘pinch’ advenant le cas où ça ne fonctionne pas et qu’il y ait un revirement. Dans sa zone je l’ai vu à plusieurs reprises faire d’excellentes interventions pour empêcher un joueur de tirer de l’enclave. Cependant, ce qui est le plus impressionnant dans son jeu défensif est sa capacité à subtiliser la rondelle à un adversaire avec son bâton lors de repli. C’est quelque chose qui est revenu extrêmement souvent dans mes notes sur le joueur.
Ayant partagé sa saison entre le circuit professionnel en Liiga ainsi que dans la ligue des moins de 20 ans en Finlande, Slafkovsky a vu son utilisation ainsi que son rôle changer sur les avantages numériques. En Liiga on l’employait principalement devant le filet. Ce qui peut avoir du sens dû à son gabarit pour voiler la vue du gardien ainsi que par la qualité de ses mains pour sauter sur les retours de lancer. On le voyait aussi à l’embouchure du filet là où il pouvait alimenter le joueur dans l’enclave.
Cependant, je préfère de loin le voir employé à la pointe comme c’est le cas dans la ligue U-20 en Finlande ainsi qu’au tournoi Hlinka. Il peut utiliser son violent tir sur réception et ça lui permet également de pouvoir contrôler le jeu, ce que je le crois capable de faire au prochain niveau.
Sur le plan offensif, il tardait à mettre des points au tableau, mais je ne l’ai pas pénalisé comme je l’ai fait avec d’autres joueurs, car il avait démontré qu’il pouvait être une menace et utile sur différents points ; créatif offensivement, gros et rapide, tir menaçant sur l’avantage numérique, très bon fabricant de jeux, utile dans les coins ainsi que devant le filet, responsable défensivement.
Il fut toutefois quelques matchs que j’ai commencés à éprouver certains doutes à son égard. Lors de certains matchs, on ne l’a pratiquement pas vu avec la rondelle et il semblait toujours en retard sur le jeu. Même avec la rondelle, je trouvais que son exécution était un peu lente. En consultant mes notes du tournoi Hlinka, je me suis aperçu que c’est quelque chose que je m’étais noté lors de la finale contre les Russes, alors que le ‘pace’ était plus rapide et qu’on l’avait moins remarqué.
Je n’étais certainement pas le seul à avoir remarqué une baisse de régime dans son jeu, car peu de temps après, il fut rétrogradé dans la ligue des moins de 20 ans. J’ai regardé 2 ou 3 de ces matchs et il fut tout simplement dominant. Ça m’avait beaucoup rassuré, mais en même temps je voulais voir plus de ce joueur chez les professionnels. Ce qui va passer sous le silence et qui est hyper important selon moi, c’est l’attitude dont Slafkovsky a fait preuve lors de ce renvoi. Il a pris son mal en patience, a accepté son sort et a redoublé d’ardeur au travail. C’est un scénario qu’avait vécu Lucas Raymond lors de son année de repêchage et son éthique de travail avait été très douteuse dans la ligue des moins de 20 ans en Suède lorsqu’il fut rétrogradé.
Cela a fait le plus grand bien à Slafkovsky. Il a repris confiance et est revenu en Liiga en tant que joueur transformé. Il a regagné l’audace qu’il avait dans son jeu et on l’a vu commencer à oser des jeux comme il le faisait avant. Il a commencé à transporter la rondelle, à défier les défenseurs à un contre un, à couper vers le centre de la glace, à diversifier sa sélection de tirs (tant l’emplacement que le type de lancer en soi).
Le reste n’est qu’histoire : Slafkovsky a brillé sur les plus grosses scènes alors qu’il a été nommé joueur par excellence des Olympiques et qu’il a très bien fait au Championnat du Monde. La progression fut constante et les arguments pour le mettre en premier sont nombreux. À mes yeux, il supplante Wright pour ce qui est du Compete-Level et du désir de faire une différence sur la patinoire. Bien que j’adore le joueur et que je le vois définitivement être l’une des pièces maitresses de la formation avec laquelle il évoluera, je ne suis pas convaincu qu’il sera un grand producteur de points. Cela dit, lorsque nous allons réévaluer ce repêchage dans plusieurs années, le contexte dans lequel les joueurs auront été placés risque d’avoir une plus grosse incidence que celui des autres repêchages. Prenons en exemple Slafkovsky, si les Devils du New Jersey jettent leur dévolu sur lui au 2e rang et le clou au flanc de Jack Hughes, il pourrait très bien s’avérer le meilleur joueur de cette cuvée.
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