Ivan Demidov : Analyse détaillée
Ivan Demidov est l’un des talents bruts des plus exaltants qui nous aura été donné de voir lors des dernières saisons. Ayant supplanté Matvei Michkov pour un poste au sein du SKA de St-Petersburg en début de saison et ayant produit à un rythme historique dans la MHL, Demidov peut cumuler les faits saillants comme aucun autre joueur dans cette cuvée ne peut le faire.
Ce qui attire les regards sur lui, d’entrée de jeu, est son maniement de rondelle fantastique. Demidov possède l’une des meilleures paires de mains que nous avons vues ces dernières années chez un espoir. Son contrôle de rondelle lorsque les défenseurs cherchent à la lui soutirer est très impressionnant. Il parvient à conserver une dextérité et un fin contrôle même lorsqu’il doit déplacer la rondelle dans des endroits un peu plus précaires. Il parvient à s’adapter rapidement si un accès lui est fermé, car son aisance avec la rondelle sur son bâton est simplement inégalée. De ce fait, il parvient à créer des occasions de marquer à partir de rien.
Il parvient à en faire bénéficier ses coéquipiers puisqu’il incorpore très bien sa créativité offensive à ses talents de fabricants de jeux. Il possède une très belle vision et voit des lignes de passes qui ne semblent pas ouvertes à priori. Il excelle pour ce qui est des passes transversales à travers la boîte défensive. Il peut également garder ses adversaires sur leurs talons alors que l’aspect d’imprévisibilité dû à son maniement de rondelle est toujours présent. Pour ajouter à cela, Demidov a commencé à intégrer de plus en plus des menaces de tirs pour attirer l’attention sur lui, avant de remettre à un coéquipier, dès lors qu’une ligne de passe s’ouvre.
Par contre, l’aspect le plus prévalent dans la fabrication de jeu de Demidov est qu’il utilise beaucoup des passes à contre-courant. Alors qu’il coupe dans le centre sur son coup droit, il va effectuer des passes en direction de l’endroit d’où il arrive. Encore une fois, la dextérité de ses mains est au rendez-vous alors qu’il parvient à atteindre sa cible alors qu’il passe tout en ramenant ses bras vers l’intérieur de son corps, plutôt que de passer en éloignant ses mains du corps.
Pour ce qui est de finir les jeux, Demidov n’est pas le marqueur le plus émérite. On aura l’occasion d’en reparler plus tard, mais pour ce qui est des qualités qu’il apporte à cette facette du jeu, son placement de rondelle sur ses lancers est judicieux. Il cherche à faire travailler les gardiens alors qu’il va prioriser les tirs tout juste entre la mitaine et la jambière.
J’aime aussi le fait qu’il parvient à décocher de bons tirs sur réception même si la passe semble trop en avant de lui.
C’est surtout lorsqu’il va avoir suffisamment d’espace seul à seul face au gardien de but adverse qu’il va être en mesure de loger la rondelle au fond du filet. Je ne m’éterniserai pas sur les feintes qu’il peut sortir, car il a déjà été mention de ses mains, en revanche, il préconise un jeu assez unique devant les gardiens où, en attaquant le filet du côté gauche, il parvient à élargir considérablement sa base de patin à la toute dernière seconde et amène la rondelle sur son revers. Sa portée avec la rondelle s’accroît drastiquement en un clignement de yeux et les gardiens se retrouvent pris à dépourvu.
Regarder simplement jusqu’à quel point il ouvre les pieds.
Cette démonstration plutôt unique m’amène à vous parler de son patin.
Sur le plan technique, il est, comme à l’instar du reste de son jeu, très spectaculaire.
Demidov aborde le fameux ’10-2’ avec abondance. Il l’utilise à une fréquence que je n’avais jamais vue chez d’autres joueurs.
Bien qu’élégant, cette technique est rarement utilisée à bon escient. J’ai vu à maintes et maintes reprises des espoirs patiner de la sorte sans que ça leur serve à quoique ce soit.
C’est ici que Demidov se démarque du lot. Il apporte un lot considérable de substance à cette technique alors que, plutôt que de s’en servir dos à la bande comme nous le voyons souvent, Demidov se sert de ce style pour gagner le centre de la zone offensive. De plus, cela lui sert à garder la rondelle plus loin de la portée de ses adversaires et il parvient également à repousser leur bâton grâce à sa jambe avant.
Il se sert aussi de cette technique à des endroits inusuels alors qu’il effectue des entrées de territoire en plein centre de la patinoire en se servant du ’10-2’ pour gagner un aspect d’imprévisibilité.
Demidov démontre aussi une agilité remarquable. Il peut effectuer des pivots sur lui-même en espace restreint à un niveau très élevé. Ce qui est le plus fascinant dans son cas, c’est qu’il exécute de tels pivots tout aussi habilement avec l’intérieur de ses lames de patin qu’avec l’extérieur. De tels pivots avec l’intérieur des lames (donnant également l’opportunité de travailler du coup droit plutôt que d’être contraint à aller sur son revers) sont très rarissimes.
Puisque nous parlons de ce qui est substantiel, le jeu le long des rampes de Demidov présente quelques qualités intéressantes. Son contrôle de rondelle couplé à ses brusques pivots en espaces restreints font de lui un joueur difficile à contenir pour ses adversaires.
Par contre, ce que j’ai le plus apprécié de lui dans cette facette est son engagement et sa dévotion à arriver le premier sur le disque.
Bien que cela peut sembler banal, Demidov effectue régulièrement ce jeu où, près de la bande, un adversaire vient pour le frapper, et plutôt que de rejeter la rondelle en fond de territoire, il se baisse vivement et passe entre son adversaire (sous lui) et la bande. Lorsque j’étais jeune, Evgeni Malkin était possiblement mon joueur favori et c’est un jeu qu’il réalisait régulièrement. J’aime particulièrement la détermination qui ressort de ce type de séquence où le désir de faire la différence offensivement évince la crainte de se faire frapper.
Quelque chose que j’ai aimé avec le jeu de Demidov cette saison est que, suite à sa rétrogradation dans un circuit inférieur, son niveau d’implication sur la patinoire est demeuré le même. Il a fait preuve d’une bonne attitude. Bien que pas les plus percutantes, Demidov termine un bon nombre de ses mises en échec.
Sans la rondelle, il n’y a aucune réticence chez Demdiov de se replier défensivement. Il travaille même ardemment pour soutirer le disque à ses adversaires, ce qu’il parvient à faire avec un certain taux de succès en utilisant des ‘Stick-Lifts’.
Maintenant, pour ce qui est des faiblesses dans le jeu de Demidov, il y a, en tête de liste, un surplus de fantaisie dans son jeu avec la rondelle. Il cherche souvent à tenter les jeux qui vont faire partie des faits saillants de la semaine, quitte à se faire enlever la rondelle. Dans ces situations, il faut toujours savoir peser correctement le taux de pertes de rondelle avec le taux de jeux réussis. Dans le cas de Demidov, même s’il y a bon nombre d’échecs à ses fanfares, je crois que les chances de marquer fabriquées à partir de rien compensent suffisamment. En fait, j’irais jusqu’à dire que c’est même quelque chose de ‘normal’. Lorsqu’un joueur possède ce niveau d’habileté individuelle, il peut se permettre des risques que d’autres ne peuvent puisqu’il y a toujours des chances que cela aboutisse à quelque chose. Il ne suffit que de jeter un coup d’œil aux 7 joueurs ayant commis le plus de revirements l’an dernier ; David Patrnak, Evgeni Malkin, Leon Draisaitl, Artemi Panarin, Erik Karlsson, Nikita Kucherov, Mitch Marner. Cela va être ainsi chaque saison.
C’est quelque chose que, par le passé, je jugeais plus sévèrement. Peut-être trop sévèrement même. J’ai en tête ici Logan Cooley. Ce qui fait en sorte que je ne m’en soucie moins avec le jeune Russe est que lors de son passage (bien que l’échantillon soit plutôt mince) en KHL, il parvenait à tempérer son excentricité avec la rondelle et arborait un style de jeu beaucoup plus mature.
Ce qui m’inquiète le plus avec lui, c’est que pour le moment, il manque notablement de force physique. Cela se répercute sur trois aspects différents à l’intérieur de son jeu ;
De un, cela le pénalise sur les confrontations physiques, ayant de la difficulté à avoir le dessus sur son adversaire le long des bandes ou dans les coins.
De deux, ce manque de force s’observe également sur son lancer. J’avais effleuré brièvement le tout au passage tout à l’heure, mais le tir de Demidov n’est pas suffisant fort en ce moment pour menacer les gardiens de but. Cela pourrait limiter considérablement son ‘Ceilling’ en termes de production de points au prochain niveau.
Et finalement, ce qui est le plus important pour moi, Demidov manque ce qu’on appelle une vitesse de séparation. Ce n’est pas un joueur qui dégage beaucoup de puissance à chaque enjambée et cela fait en sorte qu’il présente quelques difficultés à se détacher d’un couvreur. Il est contraint à être un joueur d’une seule vitesse. (Sa mécanique de patin nécessite un peu de travail également puisqu’il patine un peu trop penché sur lui-même).
Au final, Demidov a le talent pour électriser la foule de la formation qui le repêchera soir après soir. Même si certaines inquiétudes persistent quant à sa force physique, il a démontré un niveau étonnant de vouloir et de désir même en étant rétrogradé dans un calibre inférieur. Son engagement n’aura jamais à être remis en question.
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