Jesse Pulkkinen : Analyse détaillée
À chaque saison, des joueurs méconnus émergent durant l’année et se forgent un résumé suffisamment riche pour se valoir des considérations dans la première ronde du repêchage. Nul n’aurait pu anticiper au début du calendrier qu’un défenseur Finlandais âgé de 19 ans (ignoré au dernier repêchage) aurait pris le monde du hockey par surprise de la sorte. Ayant commencé à observer Pulkkinen en novembre au tournoi des 5-Nations, j’avoue avoir été légèrement irrité de le voir obtenir un rôle prépondérant pour la Finlande au WJC, puisqu’il ne demeurerait plus un secret aux yeux du public.
Ce qui détonne le plus lorsqu’on regarde ce défenseur de 6’6 est son inébranlable confiance avec la rondelle. Ayant effectué mes premiers visionnements de ce joueur dans un calibre U20 (5-Nations), j’ai été ébahi de voir à quel point il décida de conserver exactement le même style de jeu éclatant à ses premiers pas chez les professionnels, en Liiga. Et je dis cela sur une note positive. Souvent, la transition chez les Pros peut se montrer épineuse chez certains jeunes qui doivent tempérer leurs envolées. Dans le cas de Pulkkinen, il a convenu que son savoir-faire avec la rondelle pouvait représenter un atout majeur à sa formation alors il décida d’exploiter au maximum ses capacités, et ce, avec le lot d’erreur qui peut en découler. Ses entraîneurs semblent sur la même longueur d’onde que lui alors qu’il bénéficie de toute la latitude possible pour exprimer son talent.
Son aisance avec la rondelle sur son bâton est remarquable. Il peut manœuvrer habilement et déjouer des joueurs en situation d’un-contre-un. Là où il peut se démarquer de la masse, c’est que les joueurs possédant une portée aussi longue que lui n’ont simplement pas ce genre de grâce avec le disque.
Cette combinaison se marie parfaitement bien à son calme. Même lorsque mis sous pression à la ligne bleue offensive, il n’est jamais contraint à se débarrasser de la rondelle, car d’une seule manœuvre, il peut placer celle-ci hors d’atteinte de son adversaire.
Ce sang-froid s’observe aussi dans sa propre zone. Pulkkinen est, avec Sam Dickinson des Knights de London, le(s) défenseur(s) le plus ‘Poised’ du repêchage. Les deux opèrent cependant de façon différente. Dickinson va plutôt faire usage d’une rapide prise d’information suivie d’un pivot en direction opposée d’où provient la pression. Pulkkinen, pour sa part, va capitaliser sur sa dextérité avec sa main, ainsi qu’avec sa longue portée et son gabarit imposant. La plus grande différence entre les deux se situe du fait que Dickinson égalise la vitesse à laquelle la pression arrive avec son contre-mouvement, Pulkkinen, lui, ralentit le jeu pour émousser l’ardeur de l’échec-avant adverse et pour réorganiser la structure de son équipe, donnant le temps à ses propres coéquipiers de venir lui donner du support.
C’est une qualité primordiale à avoir chez un défenseur en ce qui me concerne. Plus que jamais, à l’intérieur d’un match, le Momentum peut changer d’un côté comme de l’autre, et lorsque c’est l’autre équipe qui s’en empare, il peut être difficile de se sortir du gouffre. De pouvoir compter sur un défenseur qui n’abdique jamais à la panique peut s’avérer très profitable.
De cette force chez Pulkkinen naissent cependant quelques questions. La première est à se demander si Pulkkinen n’est pas un joueur ‘Low Pace’. À chaque année, la rapidité d’exécution collective des équipes semble augmenter et c’est un doute légitime à se demander comment sa façon d’opérer va être perçue par son groupe d’entraîneur dans la LNH. Pour évaluer le tout de façon le plus éclairé possible, nous devons également prendre en considération le contexte dans lequel le joueur évolue. La Liiga n’est pas une ligue généralement orientée vers l’offensive. Les schémas des formations ne sont pas axés sur un échec-avant prononcé pour forcer l’adversaire à commettre des erreurs.
Le plus important à regarder lors de ces séquences est le positionnement de ses propres joueurs d’avant, à savoir si une ou des options de passes avaient été possibles pour faire progresser le jeu plutôt que de revenir sur ses pas et de ralentir la cadence de la partie. Bien que je vais toujours ardemment défendre le ‘Scouting’ par biais de vidéo, je dois admettre que ça comporte aussi quelques limites et cela en fait partie : il était souvent difficile de voir la position de tous les autres joueurs sur la patinoire, donc, cela était plus difficile de juger la pertinence des jeux de Pulkkinen.
Je m’efforçais donc à porter une attention particulière à sa première passe pour savoir s’il peut apporter une valeur à son équipe en transition. Forcée d’admettre, dans un très grand nombre de séquences, sa relance suite à un jeu où il ralentit le rythme est sans bavure ! Sa première passe est un aspect reluisant de son jeu.
J’ai aussi cherché des séquences où sa prise de décision et son exécution s’effectuent rapidement en situation de pression imminente, à savoir si des faiblesses possibles pourraient surgir lorsqu’il quittera la Liiga. J’ai vu suffisamment d’exemples pour dissiper mes doutes. Je crois que c’est simplement de cette façon qu’il préfère jouer, mais qu’il saura adapter ses habitudes dans un climat différent.
(À noter que ce ‘Poise’ aura également joué à son propre détriment à quelques occasions et qu’il y a tout de même un peu de peaufinage à réaliser).
Un autre aspect identitaire chez Pulkkinen est le jeu physique. Du haut de ses 6’6, il capitalise pleinement sur les avantages que la nature lui a offerts. Je suis prêt à avancer que le défenseur Finlandais figure parmi les 5 joueurs les plus robustes de tout le repêchage. En termes de quantité, il est l’un des joueurs qui a distribué le plus de coups d’épaule à l’intérieur de mes visionnements pendant la saison. Certaines d’entre celles-ci furent très percutantes.
Il joue avec ce que l’on dit en anglais, beaucoup de ‘Piss and Vinegar’ dans son jeu. Il aime jouer dure et rendre la vie pénible à ses adversaires. Cela lui a permis de remporter beaucoup de batailles pour des rondelles libres alors qu’il s’y prend par tous les moyens nécessaire pour s’assurer que son équipe s’empare du disque.
Ce que j’aime chez Pulkkinen c’est qu’il utilise ses mises en échec à bon escient alors qu’il s’en sert régulièrement pour séparer le porteur de la rondelle de cette dernière, ce qui demeure avant tout, le principal but d’une mise en échec.
Une autre nuance que le défenseur Finlandais maîtrise bien est comment il se sert de sa forte charpente de façon proactive pour protéger la rondelle lorsqu’il va récupérer celle-ci en fond de territoire. Tout juste avant de prendre possession du disque, il va freiner et initier un contact avec son dos de sorte à prendre l’attaquant en échec-avant a dépourvu. Il se retrouve alors l’instigateur dans un scénario ou il serait censé être la cible de la mise en échec.
Pour revenir sur l’aspect offensif de son jeu, Pulkkinen n’est pas le plus dangereux des tireurs en provenance de la ligne bleue, mais sa confiance offensive, la qualité de ses mains et sa longue portée lui permettent tout de même de s’offrir des approches intéressantes.
Regarder ici comment qu’il élargit sa base de patin pour repousser le bâton d’un adversaire et ainsi se permettre de gagner l’enclave.
Son coup de patin est quelque peu difficile à évaluer. D’un côté, étant donné qu’il joue à un ‘Pace’ plutôt lent, un rapide coup de patin ne lui conférerait pas vraiment d’avantages supplémentaires. Lorsqu’il transporte la rondelle, il semble se déplacer à une vitesse satisfaisante. Lors de certaines séquences, il fait preuve d’une agilité surprenante du haut de ses 6’6.
Je dirais que pour un joueur de la sorte, compte tenu de sa position et de sa taille, le plus important est de savoir si les attaquants adverses parviennent à le contourner par l’extérieur et dans son cas, ça ne se produit pas.
Par contre, en fin de présence, il peut arriver que ses premières enjambées ne soient pas à point. Et aussi, il a parfois la fâcheuse manie d’effectuer ses pivots du mauvais côté, heureusement pour lui, il peut se reprendre avec sa longue portée et limiter les dégâts, mais règle générale, c’est habituellement quelque chose qui ne pardonne pas.
Cela peut sembler un exercice périlleux de classer un joueur de 19 ans si avantageusement, par contre, il y a certaines choses à préciser avec le développement et la progression des joueurs : le développement n’est jamais linéaire. C’est vrai avec les espoirs autant que ça peut l’être dans d’autres sphères de la vie. Je pourrais dresser plusieurs parallèles avec la préparation physique, profession que j’exerce. Partant de très loin l’an dernier, Pulkkinen aura connu un développement simplement hors de l’ordinaire et nous devons l’évaluer actuellement. Dans un domaine où personne n’est à l’abri des périodes de stagnation ou même, de régression, il pourrait être sage d’accorder de la valeur au bout de chemin qu’il a fait et aux atouts présents dans son arsenal que ses rivaux ne peuvent se permettre d’offrir ; gabarit, jeu physique, calme avec la rondelle, audace. Pour le bien de l’exercice, on pourrait également évaluer son jeu actuel relativement à celui des joueurs issus du repêchage de 2023 et, pour moi, je le classerais sensiblement au même endroit que je le classe actuellement dans la cuvée 2024.
C’est un joueur pour qui j’ai plus d’arguments pour le monter dans une liste que pour le descendre.
Analyse vidéo :
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