Repêchage 2023 : Analyse détaillée de Eduard Sale
Dire que cet attaquant Tchèque a représenté l’une de mes plus grosses déceptions cette saison serait un euphémisme. Figurant à l’intérieur de mon top 5 en octobre, il a eu droit au bénéfice du doute pendant un certain moment, mais à partir du mois de février, ma patience s’était effritée.
Dans son cas, le niveau de talent est très élevé, après tout, il y a bien une raison pour quoi il était classé si haut à différents endroits en première moitié de saison. Sa vision de jeu est définitivement supérieure à la moyenne de ses rivaux.
Cette vision du jeu fait de lui un très bon fabricant de jeux. C’est surtout par cette qualité qu’est caractérisé son jeu offensif. Il a la capacité de rejoindre des coéquipiers avec des passes transversales à travers la boîte défensive avec une aisance remarquable. Cela fait de lui un joueur qui peut très bien être le porte-étendard d’un avantage numérique. Il a cette aura pour contrôler le jeu et être le principal distributeur d’une attaque à 5. Certaines de ses passes font preuve d’une ingéniosité offensive alors qu’il parvient à tromper tout le monde sur la patinoire. Exemple, positionné au cercle droit, il s’élance pour décocher un puissant tir frappé sur réception, mais opte finalement pour une délicate passe à un joueur qui s’était libéré à l’embouchure du filet. Il parvient à faire mordre défenseurs et gardien de but, ne laissant qu’une cage béante pour son coéquipier.
Pour agrémenter à sa vision, la dextérité de ses mains est également à un niveau supérieur, ce qui lui permet de réaliser des passes difficiles que peu de joueurs peuvent réaliser, même s’ils ont identifié la meilleure option sur la glace. Sale est l’un des bons joueurs pour effectuer des passes soulevées dans ce repêchage.
Une des choses qui fait de lui un bon passeur c’est qu’il sait en tout temps où se situent ses coéquipiers sur la patinoire. Cela fait en sorte qu’il a un étonnant taux de succès avec des jeux qui seraient qualifiés de ‘désespérés’ ou de dernier recours dans le cas d’autres joueurs. Le meilleur exemple pour expliquer cela serait les passes qu’il effectue en Spinorama, mais où est-ce qu’il termine sur son coup droit plutôt que sur son revers. Il est très efficace avec ce genre de passe qu’il réalise souvent le long des bandes. Il parvient à très bien rouler la mise en échec de son couvreur, limitant de beaucoup l’impact qu’il prend et étant sur son coup droit plutôt que sur son revers, sa tête fait face au jeu et il peut repérer la meilleure option possible. Le dernier espoir que j’ai vu avoir recours couramment à ce genre de jeu était Jacob Perreault avec la Sting de Sarnia en 2020.
Une dernière chose que j’aimais beaucoup avec le jeu de passe de Sale, c’est qu’il se montrait être un excellent passeur dans les trois zones, et ainsi être une influence positive pour son équipe en sortie de zone ainsi qu’en transition. Souvent, avec les espoirs évoluant à l’attaque, on tend à regarder la qualité de leurs passes dans la zone offensive, mais pour être un joueur efficace dans la LNH, il faut démontrer être un passeur apte accompagné d’une bonne prise de décision dans les deux autres zones également. En début de saison, j’avais vu Sale effectuer des passes de toute la largeur de la patinoire, à travers de multiples obstacles, pour rejoindre un coéquipier de l’autre côté en pleine accélération. J’étais très impressionné.
Un autre endroit où il semblait avoir du terrain face à ses comparses de ce repêchage, c’était au niveau de son maniement de rondelle. En début de saison, il jouait avec beaucoup plus de confiance, et avec moins d’inquiétudes. Il défiait les défenseurs et il en a embarrassé un bon nombre à l’aide de magnifiques feintes. Il utilisait de très belles feintes en sortant d’un ‘Cycling’ offensif pour ensuite gagner le centre et s’aventurer en zone dangereuse.
Une chose que j’aimais particulièrement était qu’il pouvait intégrer d’autres qualités comme ses habilités de patineur ainsi que sa force en protection de rondelle à l’intérieur de ses feintes. Exemple, il attaque le triangle d’un défenseur et cherche à le contourne sur le côté. Cependant, le défenseur s’est bien déplacé latéralement et il a engagé le corps et à tenter de pousser Sale en déséquilibre, heureusement, il est un excellent patineur et peut couvrir beaucoup de glace en une seule poussée et il est aussi très fort sur ses patins, parvenant à demeure en équilibre.
Ce qui m’amène à l’un des aspects de son jeu qui m’a le plus plu en début de saison : son jeu en situation de bataille pour la rondelle.
Subtilement, je le trouvais très fort dans cette facette. La raison principale est qu’il est très fort sur ses patins. Particulièrement, sur l’intérieur de ses lames, ce qui fait en sorte qu’il tourne très bien sur lui-même et il brille lorsque vient le temps de rouler ses mises en échec. Il joue avec une large base de patin, et même évoluant contre des hommes, il est difficile à pousser en déséquilibre. J’ai été très surpris de voir à quel point il gagnait un fort nombre de ses batailles le long des rampes dans ce calibre.
Une autre raison qui explique pourquoi j’aimais tant cette facette chez lui, c’est qu’il est aussi particulièrement fort sur son bâton. Il met beaucoup de poids sur celui-ci et il est très difficile de lever son bâton pour lui enlever la rondelle. Aussi, il l’utilise de brillante façon en repoussant le bâton d’un adversaire avec le sien, alors qu’il a la rondelle, pour se créer de l’espace et ensuite partir dans la direction qui offre le plus d’espace.
Étant principalement identifié comme un fabricant de jeux, Sale possède tout de même un bon tir. Son lancer des poignets est assez lourd et il aime lancer haut, avec une rondelle qui a beaucoup de vélocité et qui gagne en élévation rapidement, cela donne beaucoup de difficulté aux gardiens à contrôler leurs rebonds. Son tir du revers est également une arme intéressante, de plus qu’il a le maniement de rondelle pour faire mordre les gardiens à une feinte juste avant.
Quant à la qualité de son coup de patin, qui a été mentionné à quelques reprises déjà, j’admets que c’est une qualité que chez lui que j’ai surévaluée en première moitié de saison. Sa vitesse demeure bonne et il peut représenter une menace pour les défenseurs lorsqu’il n’a pas la rondelle alors qu’il aime bien aller se blottir derrière eux. Il obtient des chances en surnombre de la sorte, mais même s’il ne reçoit pas la rondelle, il force les défenseurs à reculer et cela ouvre de l’espace pour ses coéquipiers. En première moitié de saison, je trouvais que c’était réellement un patineur ‘naturel’ où cette habilité semble simplement innée en lui et tout semble facile. C’était peut-être un peu généreux. Il n’a rien à envier à la moyenne des espoirs, mais il ne s’élève pas si haut au-dessus de la mêlée.
Ce qui m’avait le plus séduit dans son habilité de patin (j’inclurais aussi les aspects qui ont été mentionnés dans son jeu en protection de rondelle plus tôt) c’est qu’il semblait toujours démontré des notions d’intelligence supérieure à l’intérieur de son patin. On a un exemple ici, il a une certaine longueur d’avance sur le défenseur, mais pas assez pour se frayer un chemin jusqu’au filet, il va alors repousser le bâton du défenseur avec sa jambe, tout en continuant à pousser avec sa jambe extérieure pour conserver une vitesse optimale et va ensuite habilement contourner le filet et remettre devant pour une chance de marquer.
Par contre, comme je mentionnais, sa vitesse n’est pas aussi grande que je l’aurais cru à première vue. Toutefois, ce qui me dérange le plus, c’est que l’attaquant Tchèque joue toujours à la même vitesse. Il n’utilise pas de subite accélération et des arrêts brusques pour créer de la séparation. J’ai horreur (!) des joueurs ultra rapides qui ne savent jouer qu’à une seule vitesse (Oliver Moore, Isaac Howard) alors cela pose encore plus problème lorsque ledit joueur en question ne possède pas une vitesse élite.
Lors de la saison, j’ai fait preuve de clémence envers lui compte tenu qu’il évoluait dans un circuit professionnel à 17 ans seulement. Or, les matchs où son implication faisait défaut ont commencé à s’agrandir et tout d’un coup, l’échantillon était suffisant pour que les doutes soient bien fondés. J’attendais avec impatience le tournoi des 5-Nations en février alors que j’allais pouvoir l’évaluer contre des jeunes de son groupe d’âge. Son implication fut très sporadique, pour ne pas dire dérisoire. Un bon moyen d’évaluer le caractère d’un joueur, c’est de porter une attention particulière à la façon dont il va répondre suite à une mauvaise présence. Lors d’un match contre la Suède, Sale évoluait à la pointe et il n’a pas été en mesure de bien saisir une rondelle bondissante et elle quitta le territoire offensif. Un attaquant adverse s’amenait à toute vitesse en zone neutre pour s’en emparer, Sale, qui avait déjà une bonne longueur d’avance, s’est replié de façon très molasse, lorsqu’il réalisa qu’un adversaire venait pour lui mettre pression, il a cherché à protéger la rondelle sans trop d’ardeur et il en perdit possession. Il est rentré au banc, furieux, en on a pu le voir crier un mot qui commence par la lettre ‘F’ et qui rime avec ‘Loufoque’. C’était l’opportunité idéale de voir de quel bois il se chauffe et avec quelle hargne il allait embarquer sur la patinoire à sa présence suivante. Or, rien n’a semblé changer. Il a même raté quelques couvertures défensives dans les minutes suivantes, et il ne semblait rentrer dans les coins avec plus de colère et de hargne. C’est à ce moment que j’ai lancé la serviette. Ça peut sembler dramatique et sévère un peu, mais la composition mentale d’un joueur révèle autant de la génétique que son gabarit ou sa force physique. Et ça, c’est un fait ! On ne s’aventurera pas trop profondément dans les neurosciences, mais c’est prouvé que la configuration du cerveau des gens impacte fortement leur comportement et leur résistance au stress et au défi. Il y a une raison pourquoi des personnes semblent être des junkies d’adrénaline, d’autres qui savent prendre de gros risque en position de pouvoir et qu’à l’autre spectre, il y a des gens plus passifs et très organisés. De nos jours, les joueurs ont accès à des psychologues sportifs et des préparateurs mentaux qui les aident à franchir leurs obstacles mentaux, mais même si je respecte énormément cette profession, cela à tout de même une limite. Tout comme, au même titre, l’entraînement physique ne pourra pas faire d’un mauvais patineur le prochain Pavel Bure. Le désir d’être le meilleur, c’est quelque chose d’inné. Tu l’as ou tu ne l’as pas. Je suis préparateur physique et avec l’expérience, je suis en mesure de dire en un seul coup d’œil qui sont les personnes qui vont tricher leur entraînement et ceux qui vont suivre à la lettre ce qui leur est prescrit.
Ces inquiétudes ont semblé me valider au Championnat du monde U-18 où Sale n’a pas été un joueur d’impact. Je trouve encore que c’est un beau talent et j’aimerais, sincèrement, qu’il puisse rebondir et devenir un attaquant top 6. Par contre, son cas me rappelle drôlement celui de Oskar Olausson en 2021 ; un attaquant européen qui performe bien contre des adultes en début de saison, mais pour qui le manque d’implication et d’hargne au travail semble retenir d’atteindre son plein potentiel. J’ai joué de prudence dans le cas de Olausson en le classant tout de même au 18e rang de ma liste en 2021, et depuis ce temps, j’attends toujours le jour où il va faire preuve de désir de compétitionner sur la glace et jouer à la hauteur de son talent. Son passage en OHL a été très décevant et il ne produit pas en AHL.
Commentaires