Repêchage 2023 : Analyse détaillée de Quentin Musty
De tous les espoirs de la cuvée 2023, aucun n’incarne aussi bien l’expression ‘être capable du meilleur comme du pire’ que Quentin Musty. Il est le joueur qui fut le plus gros bond sur ma liste cette saison. Costaud ailier gauche américain, il fut le premier choix au total de l’encan de repêchage OHL en 2021.
Son talent pur est indéniable, mais le plus gros défi avec lui est d’évaluer adéquatement son intelligence sur la patinoire. Je le répète souvent, mais tracer la ligne entre un joueur offensif qui expérimente sur la patinoire et un joueur qui commet des erreurs dues à une mauvaise évaluation de sa situation peut être un exercice plutôt nébuleux.
Dans le cas de Musty, j’ai retrouvé trop de jeux faisant partie de la 2e catégorie en première moitié de saison. Lorsque je voyais son nom bien implanté dans un top 32, je me disais que j’avais à faire à un observateur qui ne parvient pas à bien juger le sens du hockey des joueurs.
Voici en revue le genre de reproches que je lui faisais ;
En avant-plan, il y a ses prises de décisions avec la rondelle. À plusieurs occasions, un jeu simple, mais avec une garantie de réussite s’offrait à lui et il préfèrait tenter le jeu spectaculaire à faible coefficient de réussite.
On a un exemple ici, David Goyette se présente sur le flanc gauche et il bénéficie de beaucoup d’espace. Musty est déjà en train de faire reculer les défenseurs, il aurait pu lui remettre le disque, poursuivre sa course au filet pour amener les défenseurs avec lui et laisser Goyette manœuvrer pour prendre un tir.
À la place, il y va d’une passe derrière son dos à un coéquipier qui était déjà couvert et qui, de toute façon, aurait eu moins d’espace pour manœuvrer que Goyette.
C’est ce genre d’exemple qui permet de faire la distinction entre ‘gestion de risque’ et ‘jeux stupides’. C’était ça le plus gros problème de Musty en début de saison, on retrouvait beaucoup trop de jeu de la sorte.
Un peu dans la même lignée, Musty passa à côté de plusieurs chances A+ de marquer pour remettre à un coéquipier (parfois derrière lui). Le pire c’est que cela a mené à plusieurs buts dans la saison et c’est très spectaculaire à voir, mais s’il fait ce genre de jeux dans la LNH et que sa passe se fait couper alors qu’il était seul face au gardien, son entraîneur risque de lui faire sauter quelques présences.
En voici un exemple, Musty s’est défait de deux adversaires dans l’enclave d’une magnifique feinte, il se retrouve seul devant le gardien, amène la rondelle sur son revers, mais effectue une passe derrière lui en diagonale à un coéquipier.
Le jeu s’est résulté en un revirement, alors qu’il aurait très bien pu loger la rondelle dans la partie supérieure.
Un autre aspect qui me faisait douter de son IQ fut sa conscience environnementale. Cela englobe reconnaître sa position sur la glace, ainsi que celle de ses coéquipiers et de ses adversaires. Dans le cas de Musty, le plus inquiétant dans cette facette, c’est qu’il ouvrait la porte à se faire frapper très, très durement. Il fut chanceux à plusieurs reprises d’évoluer dans un circuit junior, car il se serait fait sonner les cloches s’il avait été dans la LNH. Même que ce qui devait arriver arriva et il encaissa certaines percutantes mises en échec.
Voici un exemple qui résume bien le tout. Encore une fois, il a un jeu très simple à sa portée. Il pourrait simplement remettre la rondelle du revers à l’un de ses défenseurs pour qu’eux puissent assurer la relance. À la place, il va chercher à vendre cette option à son couvreur, pour ensuite effectuer un soudain changement de direction et de vitesse pour s’en défaire.
Dans la même séquence, il fut deux erreurs. La première fut d’échouer à établir suffisamment de séparation avec son couvreur. La deuxième, et la plus importante, il ne réalisa pas que Windsor avait un défenseur qui l’attendait de pied ferme dans le haut de la zone neutre.
J’ai laissé tomber l’image qui montrait la suite de la séquence (trop flou), mais on voyait que le premier joueur ne mordit pas du tout à la feinte de Musty et qu’il fut en mesure de revenir épaule à épaule avec ce dernier, et le défenseur vint lui aussi fermer le jeu, jouant la rondelle. Mais, il aurait très bien pu lui assener une lourde mise en échec et lui fermer les lumières.
Pour continuer dans le manque de reconnaissance contextuel de Musty, ses jeux ne semblaient pas planifiés en première moitié de saison. Il battait un joueur d’une feinte, mais ne réalisait pas qu’un autre adversaire était en position de le couvrir et il se retrouvait dans l’entonnoir. Le tout, car il évaluait mal la position des joueurs adverses sur la glace.
Ça revient un peu au fait qu’il privilégiait constamment les jeux spectaculaires au détriment de ceux efficaces.
À mes yeux, le maniement de rondelle des joueurs est très souvent mal évalué par les gens. L’emphase est mise sur les jeux ‘attrape l’œil’ alors qu’un bon maniement de rondelle devrait être collatéral à un bon hockey IQ. Exemple, pour manipuler un adversaire, pour se créer de l’espace, pour retarder son jeu, etc. Cela provient du fait que le joueur a aperçu une ouverture possible qui ne sera uniquement accessible qu’en éliminant une variable sur la glace grâce à ses mains. Pour ce faire, il faut savoir lire les défenseurs, leurs alignements corporels, leurs mouvements, leurs yeux, etc. C’est quelque chose qu’il ne faisait pas, ou du moins, qu’il faisait mal en première moitié de saison. Il tentait des feintes dans le seul but de tenter des feintes, sans arrière-pensée à savoir ce que ce jeu allait lui apporter.
Un autre reproche que je lui adressais était concernant son engagement sur la patinoire. Son jeu défensif en souffrait, encore plus lorsque l’on combine cela aux problématiques liées à sa conscience de l’espace sur la patinoire. On pouvait également voir une certaine lacune avec son désir de compétitionner avec la rondelle dans la zone offensive. Alors qu’il aurait pu batailler en situation d’un contre un et protéger sa rondelle, il déléguait à ses défenseurs, les mettant souvent dans des situations précaires à la ligne bleue offensive. Il leur déléguait des responsabilités qu’il ne pouvait pas assumer.
Cela fait beaucoup de points négatifs émis sur le joueur (après tout, on ne parle pas d’un joueur polarisant pour rien), mais si il est aussi haut dans ma liste, c’est qu’il a démontré à certains points dans la saison, une croissance dont je n’avais jamais été témoin auparavant en ce qui concerne l’intelligence d’un joueur, et dans une certaine mesure, l’engagement aussi. Son talent pur atteint aussi des niveaux absurdes.
Les habiletés de fabricants de jeux d’un joueur ont toujours représenté pour moi un bon baromètre de son intelligence. C’est possiblement la meilleure qualité de Musty. À son meilleur, il figure facilement parmi l’élite de cette cuvée dans ce département.
Il y a différentes façons d’être un bon fabricant de jeux ; ça peut être en ralentissant le jeu, en démontrant une bonne vision pour repérer des joueurs oubliés, ça peut être en attirant l’attention sur soi, ça peut être en étant en mesure de rejoindre des coéquipiers alors qu’il y a beaucoup de bâtons dans la ligne de passe, etc. Dans le cas de l’attaquant des Wolves de Sudbury, c’est en majorité grâce à sa grande créativité offensive. Plusieurs de ses passes surprennent ses adversaires, car ils ne se doutent pas qu’il va opter pour un tel jeu.
Musty adore jouer d’est en ouest lors des entrées de zone. C’est l’une des plus grandes constantes dans son jeu. Il va gagner la zone offensive par la gauche et il va couper littéralement au centre près de la ligne bleue. Je l’ai vu réaliser plusieurs passes de la sorte qui m’ont ébahi. L’une fut effectuée de son revers, entre les deux défenseurs, pour rejoindre un coéquipier qui s’était démarqué derrière eux. C’est l’entrée en croisé de Musty qui a permis à son coéquipier de se faufiler à cet endroit, mais de le rejoindre d’une passe du revers, malgré plusieurs obstacles sur son chemin et le tout, en étant en mouvement, c’est extrêmement impressionnant.
Une autre séquence s’est dessiné originalement de la même façon, mais cette fois, plutôt que de composer sur son revers, Musty a vendu un tir des poignets et alors que les défenseurs se sont immobilisés pour chercher à bloquer le tir, il a exécuté une passe soulevée d’une grande délicatesse par-dessus leurs bâtons/jambes pour rejoindre un coéquipier qui s’était blotti derrière eux.
Son fantastique maniement de rondelle couplé à une vision de jeu supérieur mène à certaines des plus belles pièces de jeu que j’ai vu de la saison.
Le plus impressionnant fut de constater à quel point sa prise de décision gagna en maturité.
En plus de cela, il a rajouté de la diversité à sa façon de rejoindre ses coéquipiers. Avant c’était principalement grâce à sa créativité, mais désormais, il peut aussi retarder des jeux en se servant de son gabarit, il peut aussi remettre la rondelle près de la peinture réservée au gardien de but après avoir réalisé une percée au filet, etc. Non seulement il s’est diversifié, mais il a également amené beaucoup de substance à son arsenal.
Ses mains ont été mentionnées à quelques reprises déjà et cela fait assurément parti de ses plus grands atouts.
Sa dextérité est tout à fait exceptionnelle. La constance qui revient le plus avec son maniement de rondelle c’est à quel point il excelle à feindre des lancers pour tromper les défenseurs à sa guise. C’est surprenant de voir un joueur en mesure d’aussi bien vendre son intention de décocher un tir alors qu’il est en mouvement et qu’il a déjà mis tout son poids sur son bâton se raviser à la dernière seconde et sortir une feinte à la place.
Fut une séquence où il reçut une passe dans l’enclave et qu’il s’apprêtait à tirer sur réception, le défenseur en avant de lui s’agenouilla pour bloquer le lancer. Musty fit juste une petite réception de rondelle (en suivant son élan de tir frappé) pour la déplacer de 2-3 pieds vers sa gauche pour se placer en position de tirer sans faire bloquer son tir et il marqua habilement par-dessus l’épaule du gardien.
C’est aussi un endroit où on fut en mesure de constater une amélioration quant à sa prise de décision, et aussi quant aux lectures de jeux qui précédaient ses actions.
L’une des raisons pour laquelle il parvient si bien à vendre son tir, c’est qu’il en possède un très bon.
Son tir du poignet est particulièrement lourd. Il peut battre des gardiens de loin et même s’ils n’ont pas la vue voilée.
Comme tous les autres aspects de son jeu, on peut témoigner d’un gain en maturité alors qu’il passe moins souvent à côté de chance de tirer pour passer (ça lui arriver encore de temps à autre cependant).
On remarqua également une amélioration de son IQ dans sa façon d’utiliser son tir en ce qui trait de sa façon de lire ses coéquipiers ; lors de jeux en croisées, en allant se positionner derrière un coéquipier qui transporte la rondelle pour être une option en remorque, etc.
Autre que ses prises de décisions parfois très douteuses, le coup de patin de Musty était également un élément qui aurait pu l’empêcher de s’insérer plus haut dans les différentes listes.
Sa vitesse a pris une coche considérable, et même son agilité sur patin aussi. On le voit désormais en protection de rondelle bouger les pieds, ouvrir les hanches et tourner le dos à son adversaire, ce qu’il n’aurait pas été en mesure de faire.
Je me demande si certaines constantes dans son jeu n’ont pas été influencées par cette limitation antérieure, exemple, la plupart de ses entrées de zone par la gauche se déroulent avec lui qui coupe vers le centre. Il a été expliqué en quoi il utilise bien ce jeu, mais s’il peut désormais utiliser sa vitesse renouvelée pour attaquer les défenseurs en cherchant à les battre de vitesse le long de la bande, ça le rendrait encore plus dangereux, et surtout, plus imprévisible.
Par moment dans la saison, Musty a démontré être un vrai ‘Pain in the Ass’ à affronter, comme dirait les Anglais. Il frappait souvent, et frappait fort. Parfois même à la limite de la légalité. C’est également un joueur qui aime déranger sur la patinoire, que ce soit après les sifflets, ou simplement en trash-talkant. C’est quelque chose qu’on a pu observer dès le tournoi Hlinka en début de saison.
Fut un point dans la saison où je croyais que tous les inconvénients dans son jeu s’étaient résorbés et j’avais fait un 180 degrés complètement concernant mon évaluation sur lui. Lorsqu’il est à son meilleur, il a définitivement l’air de l’un des meilleurs joueurs de ce repêchage. Par contre, certaines vieilles habitudes ont refait surface lors de la 2e moitié de saison, le fameux ‘stuff de junior’. Par contre, dans un repêchage où je n’aime pas la profondeur, son talent demeure très alléchant, et le fait qu’il m’est démontré, par moment, être en mesure d’atténuer ces fâcheuses manies, me suffisent pour le classer à cet endroit sur ma liste. C’est un joueur sur qui tu tentes le coup de circuit, et il a montré suffisamment de hargne et de robustesse pour élargir l’éventail de sa projection, advenant le cas où il ne se développe pas tel qu’espéré.
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