Repêchage 2023 | Le curieux cas d’Andrew Cristall
Il figurait parmi les meilleurs marqueurs de la CHL avant sa blessure. Maintenant, sa production offensive s’est quelque peu stabilisée. Andrew Cristall s’installe néanmoins à la porte du top 10 des meilleurs marqueurs de la WHL au moment d’écrire ces lignes. Or, son rang dans les différentes listes publiques varie étrangement depuis le début de la campagne. Andrew Cristall, un cas curieux pour le repêchage 2023.
S’il y a bien une certitude dans le monde du scouting, c’est que l’observateur va assurément se tromper plus souvent qu’il n’aura raison. Dans le cas de Cristall, il y aura assurément beaucoup de gens qui risquent de se tromper. La variation intense dans les rangs de cet espoir laisse croire que dans cinq ans, plusieurs devront justifier leur évaluation. Dans l’épisode du top32 de mi-saison du TSLH Espoirs, nous avons parlé longuement de ce cas curieux que représente celui d’Andrew Cristall.
Différents rangs
Parlons un peu des rangs avant d’y aller d’observations concrètes. Andrew Cristall, à l’heure actuelle, figure parmi le top10 de certains observateurs. Sa candidature est même actuellement moussée par certains qui le placent dans le top5 des meilleurs espoirs du repêchage. D’un autre côté, d’autres observateurs ne le placent pas dans le top 32 des meilleurs espoirs. Généralement, lorsqu’on fait une moyenne de ses classements, Andrew Cristall se situe dans la portion entre 12 et 20 des meilleurs espoirs pour le repêchage 2023.
Pour ma part, je le place présentement au 23e rang de ma liste personnelle. Il était à ce rang au mois de novembre et y est toujours à la mi-février pour mon classement de mi-saison. Comment un joueur peut être vu comme l’un des cinq meilleurs espoirs par certains et comme un joueur hors top20 par d’autres ?
Observations
J’ai été questionné par le journaliste Brian Wilde via Twitter concernant Andrew Cristall. On m’a demandé ce que je pensais du joueur du Rocket de Kelowna. C’est en répondant au journaliste qu’il m’est venu l’idée de pondre un texte pour bien aborder cette polarisation. D’abord, je reconnais tout le talent offensif qui se trouve dans Andrew Cristall. L’attaquant possède de très bonnes mains et est doté d’une bonne vision du jeu globalement. Lorsqu’on observe de près son rendement, on constate que ces deux éléments ressortent dans des contextes précis.
Top 32 mi-saison (Mathieu)
En effet, Andrew Cristall fait preuve d’une belle vision du jeu lorsqu’on lui donne l’espace. Certains joueurs performent très bien dans l’espace qu’on leur donne. Cristall en fait partie, mais lorsque l’étau se resserre sur lui, le jeu avorte régulièrement. C’est d’ailleurs pour cela qu’il va se tenir fréquemment en périphérie. En demeurant en dehors des points de mise en jeu, il optimise sa vision puisque les défenseurs sont occupés à fermer le centre. Par contre, une fois dans le hockey professionnel, la pression adverse viendra fermer l’étau plus rapidement. Pour compenser, Cristall devrait minimalement s’en tirer avec un coup de patin élite. Malheureusement, ce n’est pas un élément qui fait partie de son coffre à outils présentement. Donc, on parle ici d’un joueur confortable en périphérie qui n’est pas doté d’un patin de qualité pour s’échapper de la pression adverse.
Il possède le talent pour attaquer plus souvent le centre, mais il ne le fait que lorsque l’espace est suffisamment grand pour éviter les affrontements au corps à corps. C’est aussi pourquoi ses entrées de zone sont souvent inefficaces. En possession de rondelle, Cristall a le talent pour déculotter n’importe quel joueur de la CHL. Malheureusement, lors des entrées de zone par la possession de rondelle, ses feintes trop évidentes et ses trajectoires vers les zones mortes font en sorte que les jeux avortent avant d’être installés en zone offensive.
La projection
Lorsqu’on se concentre sur les outils purs de Cristall, il est normal d’apprécier le joueur. C’est un jeune homme qui peut produire des «highlights» dans certaines prédispositions sur le jeu. Il est «flashy», ça ne fait aucun doute. Ses aptitudes peuvent le placer haut dans les listes. Pour ma part, c’est surtout la projection vers la NHL qui pose problème. Si Andrew Cristall ne se développe pas en joueur top 6, il devient quoi ? Inutile. D’où la raison pourquoi il traîne l’étiquette du «boom or bust».
Les points soulevés ci-haut font tous partie intégrante de la raison pourquoi j’ai de la difficulté à projeter Cristall dans un rôle de joueur d’impact dans la NHL. La périphérie, le patin moyen, la frayeur devant la pression et le manque d’implication global sont pour moi des choses qui l’empêcheraient potentiellement d’atteindre son plafond maximal. Car on peut l’avouer, son plafond offensif est assez haut. Son plafond est aussi très bas et en fonction de mes observations, accéder à son plafond maximal est peu probable en raison des lacunes flagrantes dans son jeu.
Top 32 mi-saison (Pascal)
C’est ce qui explique pourquoi Cristall peut se classer bas dans certaines listes: sa projection vers la NHL. Parce que la majorité des gens qui l’ont bas reconnaissent son talent. Toutefois, c’est lorsqu’on parle de projection que ça se gâte.
Présentement, Andrew Cristall cumule des points. C’est impressionnant, il faut l’avouer. A-t-il un impact pour autant lorsqu’on observe ses matchs. À même une rencontre, Cristall peut sortir un solide jeu pour ensuite s’effacer du reste du match. C’est un joueur qui semble beaucoup se regarder jouer et regarder sa fiche également. À plusieurs reprises, on le voit délaisser la zone offensive alors que le disque n’est même pas contrôlé par son équipe. Et pas juste pour attendre en zone neutre pour une passe, mais aussi pour aller changer. L’ensemble de l’oeuvre sur la patinoire permet de se poser une réelle question: Andrew Cristall est-il seulement un producteur junior ?
On se rappelle de Jagger Firkus l’an dernier. Un joueur avec plein de qualités individuelles, mais qui ne faisait nullement progresser le jeu. On se souvient aussi de Jordan Dumais, qui cumulait les points à grand coup de pelle, mais qui présentait plusieurs doutes quant à sa projection chez les professionnels. Je dirais qu’on peut entrer le cas Cristall entre ces deux exemples cette saison. Et étonnamment, les observateurs qui l’ont très haut sont parfois les mêmes qui ont vanté Firkus l’an dernier.
Cas polarisé: est-ce justifié ?
Dernier point, mais non le moindre. Le cas de Cristall est très polarisé chez les différents observateurs. Dans les dernières semaines, on semble emprunter différents raccourcis qui m’agacent un brin. En effet, on semble répartir les clans de la façon suivante:
Ceux qui mettent Cristall haut reconnaissent le talent et ceux qui le placent bas aiment les gros joueurs (en d’autres mots, haïssent les petits joueurs).
Quelle affirmation dénouée de sens ! Surtout en considérant que les gens (et j’en fais partie) qui placent Cristall bas sont aussi des observateurs qui ont en haute estime des joueurs comme Zach Benson (5’10), Mikhail Gulyayev (5’10), Oliver Moore (5’11), Gabe Perreault (5’11) et Ryan Leonard (5’11). Ce sont tous des joueurs souvent placés plus haut que Cristall et qui sont tous sous la barre de 6′. Est-ce vraiment un cas de gabarit pour Cristall ? Absolument pas.
Classements de mi-saison TSLH Espoirs
Le cas de Cristall est polarisé parce que les observateurs le veulent bien. Laissez-moi vous expliquer comment ça se passe présentement dans le merveilleux monde du scouting amateur. Andrew Cristall est placé haut présentement et les arguments tendent souvent vers les qualités individuelles et les statistiques. Lorsqu’il est placé bas, ces mêmes personnes qui le classent haut sortent l’argument du gabarit. Et lorsqu’on prend la peine d’expliquer que ce n’est pas le cas, les réponses se font rares.
Lorsqu’on observe le joueur, on constate que le problème ne provient pas du gabarit. Les raisons la projection d’Andrew Cristall vers la NHL n’est pas avantageuse provient de plusieurs points observables en dehors des faits saillants.
Personne ne peut prétendre avoir la vérité dans le cas de Cristall. J’en reviens à ma première phrase du présent texte: s’il y a bien une certitude dans le monde du scouting, c’est que l’observateur va assurément se tromper plus souvent qu’il n’aura raison. Maintenant, qui se trompera ? Et surtout, qui aura l’humilité de l’avouer ? Je vous garanti que je ferai partie de ceux qui présentera un mea-culpa si ce joueur devient un marqueur de 100 points comme certains aiment nous le vendre. Je ne suis pas convaincu que l’ascenceur ira dans l’autre sens…
Consultez le rapport d’observation de mon collègue Pascal pour une autre opinion sur Andrew Cristall:
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