À quand le prochain gardien de but générationnel?
Depuis quelques années, la LNH nous offre du hockey de plus en plus spectaculaire. De jeunes joueurs électrisants comme Connor McDavid, Cale Makar et Jack Hughes, pour ne nommer que ceux-là, offrent un spectacle rafraichissant aux amateurs de hockey. Alors que l’offensive semble vouloir prendre l’ascendant sur la défensive dans le circuit Bettman, les gardiens de but doivent baigner dans cette toute nouvelle réalité.
En effet, depuis quelques années, la position de gardien de but est devenue plutôt imprévisible. On peut penser à Adin Hill et ses prouesses des dernières séries éliminatoires, entre autres, alors qu’il n’était même pas le gardien partant des Golden Knights de Vegas au début du tournoi printanier. Si quelques noms émergent lorsque vient le temps de parler des meilleurs gardien de la LNH, il est difficile pour ces derniers d’exercer leur dominance sur une base régulière.
Au cours des 10 dernières saisons, soit de la saison 2013-14 à la saison 2022-23, aucun gardien a mis la main sur le trophée Vézina, remis au meilleur gardien de la saison dans la LNH, à plus d’une reprise. Pourtant, les autres trophées individuels d’envergure offrent une bien moins grande parité. Lors des 10 dernières campagnes, Alex Ovechkin a remporté le trophée Maurice-Richard à six reprises, Patrice Bergeron a mis la main sur le trophée Selke à cinq occasions et Connor McDavid a gagné le trophée Art Ross cinq fois, notamment. Les trophées Hart, Lady Byng et Norris ont également été remportés au moins deux fois par un même joueur au cours de cette période.
Des années avant cette disette, Patrick Roy a remporté le trophée Vézina trois fois en quatre ans, entre 1989 et 1992, Dominik Hasek l’a remporté six fois en huit saisons, entre 1994 et 2001 et Martin Brodeur l’a remporté quatre fois en cinq saisons, au tournant des années 2000. Pour leur part, Ed Belfour et Tim Thomas l’ont chacun remporté à deux reprises dans une période de trois ans. Qu’est-ce qui explique donc le fait que les gardiens de but modernes semblent avoir des difficultés à répéter leurs prouesses sur une base régulière? J’émettrai cinq hypothèses qui pourrait nous aider à répondre à la question.
1- Saisons moins achalandées
Le style papillon, la position « RVH » et les déplacements latéraux, entre autres, affectent plus que jamais la longévité des gardiens de but. Si des gardiens peu orthodoxes comme Martin Brodeur, Tim Thomas et Craig Anderson, par exemple, ont joué jusqu’à 40 ans et plus, des gardiens de la nouvelle génération ont été contraints de mettre un terme à leur carrière beaucoup plus hâtivement. C’est le cas de Carey Price, Tuukka Rask et Ben Bishop, notamment.
Ainsi, les équipes sont beaucoup plus soucieuses lorsque vient le temps de gérer l’utilisation de leurs gardiens de but. Désormais, les premiers gardiens ne jouent pas beaucoup plus que 50 matchs par saison. Ainsi, le deuxième gardien de l’équipe est beaucoup plus employé qu’autrefois. Comme les équipes misent sur deux bons gardiens, plutôt que de fonder tous leurs espoirs sur un seul gardien, il est difficile pour les meilleurs gardiens de la LNH de se détacher de la concurrence à travers le circuit. C’est un élément qui pourrait expliquer la récidive quasi inexistante parmi les gagnants du trophée Vézina d’année en année.
2- Carrière plus courte chez les gardiens de but
Comme mentionné précédemment, les gardiens de but sont moins sollicités lors des saisons régulières. De plus, leur carrière a tendance à être plus courte qu’elle ne l’était jadis. Pekka Rinne, Robin Lehner, Carey Price, et Ben Bishop, entre autres, ont subi des blessures aux diverses articulations du bas du corps, qui ont eu pour effet d’entacher leur belle carrière dans le circuit Bettman. Comme les carrières des cerbères sont teintées de blessures et qu’elles sont généralement moins longues, il est difficile pour eux d’exercer leur dominance à long terme sur une base régulière.
3- Une ligue plus axée vers l’offensive
Dans l’introduction, il était mentionné que la LNH offrait du jeu de plus en plus spectaculaire d’année en année. Ainsi, la ligue est de plus en plus axée vers l’offensive. En effet, de 2007-08 à 2016-17, jamais 20 joueurs de la LNH ont atteint le plateau des 80 points au cours de la même campagne. Au cours des six saisons suivantes, soit de 2017-18 à 2022-23, c’est arrivé à quatre reprises qu’au moins 20 joueurs ont atteint ce plateau. Les deux seules saisons durant lesquelles ce plateau n’a pas atteint étaient les saisons 2019-20 et 2020-21… qui furent toutes deux écourtées en raison de la pandémie.
D’ailleurs, au cours des deux dernières saisons, 34 et 31 joueurs, respectivement, ont atteint le plateau des 80 points au cours d’une même campagne, ce qui représente les deux sommets du 21ème siècle, l’ancienne marque étant de 28 joueurs (atteinte en 2006-07 et en 2018-19). Cette tendance vers l’offensive a une incidence directe sur le rendement des gardiens de but.
4- Le rendement de la défensive
Qui dit ligue plus offensive, dit défensive plus poreuse. En effet, avec le dynamisme des attaquants de la nouvelle génération et la proactivité des défenseurs, qui se portent plus que jamais en attaque, l’ajustement des défensives est beaucoup plus complexe qu’autrefois.
Des systèmes offensifs plus permissifs et plus circulaires donnent davantage de maux de tête aux entraîneurs lorsque vient le temps d’établir un système défensif efficace, par rapport au système plus linéaire, formé de corridors imaginaires, qui avait la cote dans la LNH au cours des dernières décennies. Un rendement boiteux des gardiens de but est un corollaire du rendement de la défensive, et vice versa.
5- Parité plus forte que jamais dans la LNH
Désormais, il est de plus en plus difficile de prédire le rendement des équipes de la LNH, de saison en saison. Peu d’observateurs avaient prédit que les Bruins de Boston battraient de prestigieux records au cours de la dernière saison, et que le Kraken de Seattle participerait aux séries éliminatoires, notamment.
Ainsi, comme les victoires sont un élément important à considérer lorsque vient le temps d’élire le vainqueur du trophée Vézina, l’équipe doit offrir de bons résultats à son gardien de but, tant en attaque qu’en défensive. Qui sait, peut-être que les Flames de Calgary et leur gardien Jacob Markstrom rebondiront en 2023-24, et que ce dernier mettra la main sur le trophée Vézina!
Somme toute, bien que ces hypothèses peuvent en partie expliquer le manque de récidive parmi les gagnants du trophée Vézina, la LNH d’aujourd’hui ne compte pas dans ses rangs la présence d’un gardien de but générationnel de la trempe de Patrick Roy, Dominik Hasek ou Martin Brodeur. Andrei Vasilevskiy est, selon plusieurs, le meilleur gardien de but au monde, mais mérite-t-il le statut de gardien générationnel? Au moment d’écrire ces lignes, Sergei Bobrovsky est le seul gardien actif à avoir remporté le trophée Vézina à deux occasions. À quand un gardien générationnel qui saura répéter l’exploit à de multiples reprises?
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