Construire une équipe championne: le cas des Golden Knights de Vegas !
Un texte de Stéphane Gaudreault
Au Québec nous sommes férus de hockey et l’un de nos meilleurs débats est comment notre équipe favorite peut arriver à mettre la main sur le précieux trophée Stanley. À l’aube de cette nouvelle saison, j’ai décidé de mettre en lumière le cas particulier des derniers grands vainqueurs (2023), les Golden Knight de Vegas.
Plusieurs prendront l’angle de la composition des trios, de la grosseur des défenseurs, de l’importance d’un premier centre. De mon côté, je vais prendre l’angle managérial. Voici la composition de l’équipe – 20 joueurs réguliers (la composition réelle des trios et duos a pu varier) :
Barbashev – Eichel – Marchessault
Smith – Stephenson – Stone
Howden – Karlsson – Amadio
Carrier – Roy – Kolesar
Martinez – Pietrangelo
McNabb – Theodore
Hague – Whitecloud
Hill
Brossoit
Juin 2017, la LNH est fébrile : un nouveau club va naître. Les chevaliers dorés de Vegas, ville du vice, se joignent à la grande danse. Plusieurs DG des autres clubs sont en ville depuis quelques jours et ils sont manifestement en mode « gambling ». 10 des 30 autres clubs réalisent des transactions pour orienter le choix du repêchage d’expansion de Vegas. À tout honneur, débutons par les coups de génie (ou d’idioties pour les clubs adverses).
– Floride reçoit un choix de 4e (Jack Gorniak) et cède Reilly Smith pour orienter le choix d’expansion de Vegas vers Jonathan Audy-Marchessault (pas assez de place sur le chandail) et gagnant du trophée Conn-Smythe 2023.
– Anaheim cède le défenseur Shea Theodore (13 points et temps de jeu 20:08 dans les séries 2023) pour orienter vers un choix d’expansion de moindre qualité (Clayton Stoner).
– Minnesota reçoit un choix de 3e (Connor Dewar) et cède Alex Tuch pour orienter le choix vers Eric Haula (un bon professionnel jouant encore régulièrement dans la ligue). En novembre 2021, Tuch sera l’une des pièces maitresses (avec des choix 1er et 2e et un jeune espoir Peyton Krebs) pour acquérir le meilleur pointeur des séries et premier centre de grande qualité – Jack Eichel. Haula de son côté prendra le chemin de la Caroline en juin 2019, contre le grand centre Nicolas Roy.
Dans les transactions un peu plus équilibrées :
– New York Islanders se débarrasse du contrat de Grabovski (1 an – 5M$) et oriente le choix d’expansion vers JF Bérubé, gardien qui n’a pas réellement réussi à percer. Vegas en contrepartie reçoit un jeune Bischoff (vieux prospect), un 1er (Erik Brannstrom) et 2e (Mastrosimone). Brannstrom (avec un 2e (Sokolov) et un joueur de soutien Lindberg) deviendra la pièce de la maitresse dans la transaction amenant Mark Stone en février 2019.
– Columbus effectue une transaction pour protéger les jeunes versions de Joonas Korpisalo et Josh Andersen et se débarrasser du contrat de David Clarkson (3 ans – 5,25 M$). En contrepartie, Vegas choisit à l’expansion William Karlsson (17 pts en série 2023) avec une compensation de 1er (Vesalainen) et un 2e (Fagemo) choix.
– Tampa Bay cède le jeune Nikita Gusev qui avait une certaine réputation dans le temps (sans réellement percer par la suite), un 2e (Alexandre Texier) et un 4e (Cotter) pour orienter le choix d’expansion vers le couteux Jason Garrison (un an à 4,6 M$). Le 2e (Texier) est transigé 3 jours plus tard contre Kaegan Kolesar.
– Buffalo cède un 6e (Patera) pour protéger je ne sais qui (peut-être un plus jeune Girgensons). Vegas choisit le rugueux William Carrier.
Les trois autres transactions avant le repêchage d’expansion n’ont pas permis d’aboutir à un joueur de l’équipe championne 2023, mais elles sont également intéressantes à présenter.
– Winnipeg reçoit le 1er choix cédé par Columbus (Vesalainen), mais cède en contrepartie leur 3e choix (Vukojevic) et leur 1er choix, le futur capitaine du Canadien de Montréal, Nick Suzuki. Par la suite, l’échange Suzuki + Tatar + 2e (Fagemo) vs Pacioretty est clairement à l’avantage de Montréal. Pacioretty ayant quitté Vegas l’an passé pour la Caroline, sans réel impact pour Vegas.
– Pittsburgh cède leur 2e (Commesso) pour s’assurer que Vegas choisisse leur future tête d’affiche pendant quelques années, Marc-André Fleury. Pittsburgh qui venait de gagner la coupe Stanley n’a plus passé proche par la suite de remettre la main sur le gros Trophée.
– Caroline a cédé un 5e (Jack Dugan) pour protéger je ne sais qui (rien d’évident à première vue) ? Le choix d’expansion Connor Brickley n’a jamais joué à Vegas.
Pour ce qui est de la séance de repêchage d’expansion, outre les quelques joueurs nommés précédemment et en lien avec des transactions, Brayden McNabb est l’unique autre joueur (de Los Angeles) ayant gagné la coupe en 2023. Ainsi, il y a 10 joueurs sur 20 dont la provenance provient en tout ou partie des échanges prérepêchage d’expansion et du repêchage lui-même.
Les autres transactions
En décembre 2019, le deuxième centre de Vegas Chandler Stephenson contre uniquement un choix de 5e ronde (Ty Murchinson – 0 match LNH) auprès de Washington.
En février 2020, Alec Martinez a été obtenu de Los Angeles contre deux choix de deuxième ronde (Ben Roger, 2021 – 0 match LNH et Will Cuylle, 2020 – 4 matchs en LNH).
Brett Howden est devenu un chevalier en juillet 2011, contre les droits de signature de Nick De Simone (4 parties avec Calgary) et un choix de 4e ronde 2022 (Noah Laba).
Le gardien d’office pour la majorité des parties des séries 2023, Adin Hill a couté un choix de 4e ronde en 2024 en août 2022.
Le petit dernier Ivan Barbashev est arrivé en février 2023 en provenance de Saint-Louis contre un ancien 1er choix de Vegas – Zach Dean.
Les joueurs autonomes
Zach Whitecloud est sorti de l’Université pour signer un premier contrat à titre de joueur autonome en août 2018.
Le 1er défenseur Alex Pietrangelo a signé une lucrative entente de 8,8 M$ pour 7 ans en décembre 2020 (lors du retour de la pandémie).
Le gardien suppléant Laurent Broissoit a signé pour 2 ans en juillet 2023 pour 2,325 M$.
Autres
Michael D’Amadio a été réclamé au ballottage (de Toronto) en octobre 2021 et un seul joueur a été repêché et développé par Vegas, soit le choix de 2e ronde 2017, Nicolas Hague.
Au total
- 11 joueurs ont été obtenus par transaction
- 4 joueurs via le repêchage d’expansion
- 3 joueurs autonomes
- 1 joueur au ballotage
- 1 joueur repêché.
Quoi retenir ?
Le cas des GKV est difficilement imitable. La « nouveauté » du repêchage d’expansion 2017 a ouvert une fenêtre d’opportunité pour échanger des « ne prends pas lui ou prends-lui » contre des joueurs réels et de hauts choix, ce qui n’arrive pas dans des circonstances normales dans la LNH. En contrepartie, Vegas n’avait pas un historique d’anciens joueurs repêchés auparavant et constituant une forme de noyau préalable. Cependant, il y a tout de même quelques éléments managériaux à retenir dans ce cas type pour le Canadien de Montréal.
La 4e ligne
Il y a eu beaucoup de stabilité au sein du 4e trio en 22-23 pour Carrier – Roy – Kolesar. Bien sûr, les blessures, les essais temporaires ont lieu, mais ces trois joueurs ont développé une réelle complicité. En gros, ils ont bâti une chimie propre aux 4e trio, ce qui les a rendus très efficaces.
Les équipes ont avantage à imiter ce modèle, la 4e ligne est souvent utilisée pour insérer des joueurs (jeunes ou marginaux) n’ayant pas l’ADN 4e ligne, ce qui m’apparait une erreur. Un nouveau joueur n’ayant pas les caractéristiques 4e ligne doit pouvoir s’insérer sur une 3e ligne directement ou mieux, s’il n’est pas capable alors il sert à quoi !
Occasion de croissance
J’imagine le discours initial de Gerald Gallant aux joueurs en 2017, mais à mon avis, il devait contenir ce message : « Vous provenez d’équipes ne vous appréciant pas assez pour vous protéger et conserver vos services. De notre côté, nous vous avons choisi parce que nous pensions que vous avez un potentiel qui était inexploité par votre ancien club. Nous vous donnerons la chance d’exploiter ce potentiel. » Il existe un paquet de joueurs un peu coincé dans une organisation n’ayant pas la possibilité de les faire croître, il faut savoir les dénicher, le cas Chandler Stephenson est un bon exemple.
Occasion de croissance, mais pas « toute cuite dans le bec »
La plus grande différence entre Montréal et Vegas est la manière qui est prise pour accorder les occasions de croissance. Chez le Canadien, les meilleures occasions des croissances sont accordées présentement aux jeunes plus talentueux. À Vegas, peu de jeunes même talentueux ont eu la chance de croître au sein du club. Ces occasions ont été accordées à des joueurs plus prêts et affamés.
Le CH est en transition présentement et il ne peut pas faire des miracles, mais il doit tendre à offrir ces occasions de croissance à des joueurs plus prêts et affamés, par exemple offrir une chance à Harvey-Pinard au lieu de faire graduer trop rapidement un jeune étant peut-être plus talentueux, mais moins prêt.
Gestion des jeunes
Vegas n’a pas été un endroit très accueillant pour les jeunes talents. Probablement parce qu’ils ont été compétitifs dès la première année (2017-2018 – final de la coupe Stanley). Les jeunes et les choix ont été allègrement transigés pour du renfort. Est-ce un exemple à suivre ?
Dur de répondre non lorsque la résultante est l’obtention de la récompense suprême. Mais, il s’agit d’une stratégie tout de même risquée. Par contre, plusieurs choix et jeunes ont été transigés pour obtenir des joueurs établis (Barbashev vs Dean) ou de grands talents (Stone vs Brannstrom + choix ET Eichel vs Krebs + choix). En gros, il ne faut pas trop s’attacher à nos jeunes quand vient le temps d’ajouter un joueur de haut niveau.
Culture d’équipe
Nous n’avons pas accès à la chambre, mais vu de l’extérieur Vegas semble être un club ayant une culture d’équipe forte basée sur l’effort et le succès. L’ajout de joueurs talentueux n’est pas toujours gage de succès (Johnny Hockey à Columbus par exemple), mais dans le cas de Vegas, les ajouts de Stone, Pietrangelo et Eichel ont tous été un succès.
Certains critiqueront mon opinion sur Eichel, mais à mon avis, il s’agit de trois leaders ce qui a contribué à leur adaptation et inclusion dans le club de Vegas. En résumé, oui à l’ajout de grands talents par transaction ou via le marché de l’autonomie, mais le joueur doit être avant tout un bon leader et le club doit avoir une bonne culture implantée.
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