Opinion: La meilleure recrue ne remportera pas le trophée Calder
Je vous le donne, le titre peut porter à confusion. Mais laissez-moi prendre le temps de m’expliquer. Cette recrue est le défenseur des Sénateurs d’Ottawa, Jake Sanderson. Le trophée Calder, lui, est décerné au patineur de première année s’étant le plus démarqué dans la Ligue nationale de hockey.
Cette saison, le meneur afin de remporter l’honneur est l’attaquant du Kraken de Seattle Matty Beniers. Les noms de Mattias Maccelli (Arizona), Mason McTavish (Anaheim) et Wyatt Johnston (Dallas) sont également à considérer. Sans oublier le gardien des Oilers Stuart Skinner, qui semble être plus qu’un simple feu de paille à Edmonton.
Le premier choix au total du repêchage de 2021, Owen Power, est un défenseur et il revient souvent dans la conversation. Mais je crois bien qu’il ne devrait pas être le seul.
Au-delà des statistiques
Défenseur n.m : Joueur qui s’oppose à l’attaque de l’adversaire ; plus particulièrement, joueur dont les qualités propres ou la fonction favorisent cette opposition. (Source : Dictionnaire Larousse).
En langage hockey, ça veut dire que la tâche d’un défenseur est de protéger l’espace. Ça va plus loin que le nombre de points. C’est le jeu de transition, les tirs bloqués, la position du bâton et comment il parvient à limiter le temps de possession de ses adversaires en zone offensive. Je pourrais continuer encore longtemps, mais vous avez compris le principe.
Sur patins, Sanderson n’est pas le plus flamboyant. Il ne va pas être auteur de montées spectaculaires avec la rondelle, mais ça ne lui empêche pas de bien évaluer ses options quand il a le disque sur son bâton. C’est bien beau passer de la zone défensive à la zone ennemie en deux temps trois mouvements, mais il faut calculer le risque que ça comporte.
Les risques. Sanderson connaît ça. Non, pas parce qu’il en commet beaucoup, mais plutôt parce qu’il est capable de les reconnaître. La preuve, tout indique qu’il terminera la saison régulière avec six pénalités mineures. Ça peut sembler être une statistique bien banale quand on regarde le profil d’un joueur sur HockeyDB.
Par exemple, quand on fouille un peu, on en vient rapidement à la conclusion que ne pas être pénalisé souvent veut aussi dire ne pas se positionner dans des situations compromettantes. Chez les défenseurs ayant passés plus de 900 minutes sur la patinoire, une liste contenant 176 noms, Sanderson se classe au 48e échelon pour le plus grand nombre de minutes de pénalité octroyés à l’adversaire.
Non seulement, il n’est pas puni souvent, mais il sait comment faire payer ses rivaux. Sanderson en n’est qu’à sa première saison et il est déjà familier avec l’environnement du circuit de hockey le plus relevé au monde. Il joue un style de jeu très professionnel. On aurait dit qu’il a une dizaine d’années d’expérience derrière le logo. Vous aurez peut-être remarqué, j’ai modifié l’expression. Pour être honnête, je n’ai jamais vraiment compris pourquoi on disait derrière la cravate.
Mystère et boule de gomme.
Nez-à-nez avec Owen Power
Entre vous et moi, je tomberais en bas de ma chaise si je voyais Jake Sanderson porter le titre de recrue de l’année. Pas parce que je ne crois pas qu’il le mérite, je pense que si vous vous êtes rendus jusqu’ici, vous comprenez le point de ce papier. Mais parce qu’il n’a pas tout cassé offensivement. En 76 matchs, il a récolté quatre buts et 31 points. Une fiche similaire aux 35 points d’Owen Power.
S’en est un autre qui ne va pas gagner. Il va être dans les candidats potentiels, peut-être même dans les finalistes. Va-t-il être rappelé pour une deuxième entrevue? J’en doute.
La réalité est que ce type de défenseur n’est pas reconnu très souvent dans les soirées de trophées individuels, qu’on le veuille ou non. C’est un peu comme ça que ça fonctionne. On ne pose pas trop de questions. C’est aussi pour cette raison que le trophée Norris, remis au meilleur défenseur, couronne l’arrière le plus productif plus souvent qu’autrement. Les deux vont un peu ensemble. Un peu pour cette raison aussi qu’Erik Karlsson en a gagné deux et qu’il complètera fort probablement le tour du chapeau en juin.
Je m’égare.
Durant les 25 dernières années, seulement trois joueurs évoluant à la position de défenseur sont repartis avec le trophée Calder à la maison. Moritz Seider a été le dernier la saison passée. Cale Makar l’avait remporté deux ans auparavant, à la suite d’une saison de 50 points en 57 rencontres. Avant Tyler Myers en 2010, le dernier défenseur à avoir gagné le Calder était Barrett Jackman en 2003.
Pour vous dire, j’avais un an.
D’autant plus surprenant, depuis l’expansion de la LNH en 1978, c’est arrivé seulement à trois reprises que deux défenseurs ont été parmi les finalistes. Ce serait donc assez spécial si Power et Sanderson devaient être nominés les deux. Ils joindraient Quinn Hughes et Cale Makar dans ce groupe sélect.
Encore là, Makar possédait une moyenne de .88 points par match en 2020. Quinn Hughes le suivait de près avec .78. Makar méritait de remporter le Calder, mais vous comprenez où je veux en venir.
Power vs Sanderson: Le jeu offensif
Les 16 points de Sanderson en avantage numérique le classe au 25e rang des défenseurs les plus productifs en pareilles occasions. Une récolte supérieure à Victor Hedman et Alex Pietrangelo.
Chez les petits nouveaux, Calen Addison devance Sanderson d’un seul petit point, mais il évolue en moyenne une minute de plus en avantage numérique. La recrue des Sénateurs affiche un temps de jeu moyen de 2 min 29 en supériorité numérique et 3 min 16 en cas de situations inverses.
Si l’on retourne à Buffalo, Power est pas mal utilisé à toutes les sauces aussi, tellement qu’il mène les Sabres au niveau du temps de jeu à cinq contre cinq. Chez les défenseurs recrues, Power vient au premier rang pour les mentions d’aide (31) et au niveau des points (35). Ça va de soi également pour les points amassés à forces égales (26), alors qu’il se retrouve au sommet. Qui est tout juste derrière ?
Vous l’aurez deviné. Jake Sanderson.
C’est beaucoup de statistiques dans une seule chronique. Mais ne sortez pas votre calculatrice. Tout ça, c’est pour vous dire que même si l’apport offensif de Power et Sanderson ne s’est pas transformé en une saison de 50 points, ils ont réussi à contribuer au succès de leur équipe respective.
Est-ce que c’est assez pour leur permettre de remporter le trophée Calder ? Ce sera difficile de détrôner les 24 buts et 58 points de Matty Beniers avec le Kraken. S’il est votre choix, je ne vous blâme pas. Il est bon. Et il y en a un bon nombre des recrues qui se démarquent cette saison et qui seront encore meilleures dans deux ans.
La plus grande récompense du trophée Calder est de voir la relève en action. Après tout, le travail de Sanderson sera souligné sur la glace et non sur un trophée.
Pas pire remontant, non?
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