Agents Libres | Le paradoxe Cody Franson
De retour cet été sur le marché des agents libres, le défenseur canadien Cody Franson (19 points en 68 matchs) va ainsi tenter de décrocher une nouvelle entente dans la Ligue Nationale. Pour cet arrière traînant une réputation de joueur irrégulier, il sera néanmoins difficile de s’offrir un contrat juteux…
Un joueur atypique
Que ce soit chez les Predators, les Maple Leafs ou les Sabres, le natif de Sicamous (Colombie-Britannique) a toujours été un joueur plutôt clivant en raison de son profil assez particulier. Doté d’un beau gabarit (6’5 », 224 livres), Franson n’est pourtant pas un défenseur ultra-physique, son manque d’agressivité étant même décrié à l’occasion. Mais en parallèle, son habileté technique et son apport en zone offensive lui ont malgré tout permis de s’attirer les faveurs de certains observateurs. Ses partisans peuvent d’ailleurs mettre en avant ses bonnes statistiques avancées, qui contrastent avec la perception qu’on peut avoir de ses performances.
De fait, Franson compile depuis plusieurs saisons des chiffres positifs d’un point de vue analytique. Par plusieurs aspects, l’arrière paraît avoir les qualités requises pour évoluer sur une seconde paire (voir mieux), comme illustré par cette »HERO chart », un outil d’évaluation individuelle des joueurs édité par le site internet « OwnThePuck » :
Ici, on constate que la production générale de Franson, comparée à celle d’un deuxième défenseur type, est plutôt conforme à ce qu’on pourrait attendre d’un arrière top-4. Les données compilées entre 2015 et 2017 font ressortir une capacité convenable à générer des tirs et des assistances, mais surtout, un apport certain dans la suppression des lancers adverses à 5-contre-5. Sur cette métrique, Franson récupère une note de 8/10, contre 5/10 pour l’arrière type.
Mais s’il est si solide défensivement, pourquoi peine-t-il donc à rebondir sur le marché de l’autonomie? En premier lieu, il y a bien-sûr son manque criant de vitesse. Déjà handicapé par son gabarit, Franson n’est clairement pas un joueur rapide, ses difficultés à se projeter vers l’avant, à réduire les espaces avec les attaquants, voir même à patiner en arrière étant souvent mises en avant par ses détracteurs. Dans une Ligue Nationale qui continue de valoriser la vitesse de ses jeunes talents, ce profil atypique fait tâche.
Si cela n’amoche pas nécessairement les statistiques de Franson, la perception de son jeu s’en retrouve en revanche biaisée. Idem pour son apport à la première passe, marqué par certains aléas dans ses prises de décision. Notre homme est aussi bien capable de se sortir habilement de certaines phases sous pression, comme ici face aux Oilers (il porte le #6), que de faire de choix précipités, à l’instar de cette action contre les Hurricanes.
Ces petites erreurs sont bien-sûr communes à tous les défenseurs, mais le Canadien en est toutefois un habitué, ce qui écorne son image. De plus, son manque de vitesse peut également le pousser à la faute, lui qui a concédé 17 pénalités mineures cette saison chez les Sabres. Pourtant, Franson peut très bien constituer un bel obstacle pour ses opposants, en étant capable de museler l’adversaire, comme ses stats à la suppression des tirs tendent à le prouver. Lorsqu’il défend avec son bâton, l’arrière est notamment capable d’avoir une longue portée, gênant ainsi le porteur du disque, comme ici face à Edmonton. Une qualité qui compense quelque peu son patinage aléatoire.
Quelle place dans sa future brigade défensive?
Offensivement, son profil est également assez particulier, puisqu’il diffère encore des attentes que l’ont pourrait avoir au vu de son physique. À l’inverse d’autres gros défenseurs droitiers, notre homme ne possède pas un lancer frappé très lourd, et se repose davantage sur son tir du poignet. Bien placé, Franson est ainsi capable de tromper la vigilance du portier adverse grâce à cette arme, comme l’illustre ce but inscrit en février dernier, lors d’un match opposant les Sabres aux Rangers.
Couplé à son habileté de passeur, son bon tir sur réception lui permet donc de contribuer en territoire ennemi et de générer des lancers. Une qualité qui explique la bonne tenue de ses métriques de possession, Franson étant parvenu à poster un CorsiF de 50,4% à 5-contre-5, malgré une majorité de mises en zone défensive (53,7%), le tout au sein d’un collectif médiocre.
Ces quelques qualités sont-elles suffisantes pour lui permettre d’assurer un rôle top-4? Difficile à dire, d’autant plus que son manque de vitesse, déjà handicapant, risque d’empirer une fois le cap de la trentaine passé. Franson a également peiné à exploiter sa palette technique sur le jeu de puissance, où il n’a compilé que deux points (1 but, 1 assistance). Son apport en infériorité numérique a aussi été minimal en 2016/17, avec 50 secondes d’utilisation par match, en moyenne, à 4-contre-5.
Trop lent à forces égales, trop peu décisif sur les unités spéciales, il pourrait donc être amené à endosser un statut plus confidentiel, en dépannant sur la deuxième paire, sans y tenir un rôle permanent. S’il n’est peut être pas judicieux de l’aligner face aux meilleurs attaquants adverses, reste que Franson rajouterait une certaine profondeur à n’importe quelle brigade défensive, en apportant ses capacités offensives et son savoir-faire à ligne bleue.
Déjà, cette saison, la qualité des éléments adverses auxquels l’arrière a fait face était parfois limitée. Pour la mesurer, nous disposons d’une métrique dénommée »Opp GF60 ». Cette statistique compile les buts marqués par les opposants d’un joueur par tranches de soixante minutes de jeu. À 2,25 de moyenne sur la saison 2016/17, ce total est le deuxième moins élevé parmi les défenseurs réguliers des Sabres, ce qui tend à signifier que Franson n’a pas toujours fait face aux adversaires les plus prolifiques.
À l’arrivée, on retiendra que le défenseur possède bien des qualités intéressantes, à l’origine de ses bonnes statistiques avancées. Bon passeur, doué pour limiter les tentatives adverses et générer des tirs, Cody Franson est encore capable d’être un bon contributeur au niveau LNH. À bientôt 30 ans, l’ancien Torontois est néanmoins très handicapé par la vitesse limitée de son patinage, un défaut qui pourrait l’empêcher d’être pleinement efficace sur un top-4. Manquant parfois de lucidité, Franson reste un vétéran intéressant qui, à tarif réduit, pourra probablement satisfaire les exigences d’une équipe prête à lui faire confiance. Pour peu que ces attentes restent réalistes.
Sources Statistiques: hockey-reference.com, puckalytics.com, ownthepuck.wordpress.com.
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