Jakub Dobes: une impression de déjà-vu
Ceux qui ne connaissaient pas Jakub Dobes avant la saison du Rocket et qui voient ses performances actuelles, je peux comprendre l’inquiétude. On a souvent vendu le profil Dobes comme étant un potentiel numéro 1 dans la NHL. Or, à ses débuts professionnels, il peine à s’imposer comme #1 dans la AHL.
L’adaptation à la ligue américaine n’est pas une chose facile. Que ce soit pour un joueur ou pour un gardien, le système de jeu et la rapidité d’exécution de la AHL ne sont pas toujours maîtrisés par les jeunes espoirs. Pour un gardien, les recrues doivent composer avec un trafic plus important devant eux et les tirs sont de bien meilleures qualités. Jakub Dobes, aussi bon qu’il pouvait l’être dans la NCAA, passe aussi par ce processus.
«C’est un jeune gardien de but et présentement il a beaucoup d’adversité. Oui, on doit jouer mieux devant lui, et lui aussi a besoin de faire plus d’arrêts clés. Ça fait partie de son développement et ça fait partie de grandir comme gardien de but dans la ligue américaine. Il faudra qu’il apprenne à mieux gérer ses matchs,» expliquait JF Houle à la fin du match de ce vendredi à Rochester.
Devant lui, ce n’est pas toujours rose. En défensive chez le Rocket, c’est le même discours après chaque défaite. On peine à faire le ménage devant le filet et on ne couvre pas les bâtons de la bonne façon. De ce fait, Jakub Dobes est souvent laissé à lui-même. Malheureusement, l’athlète de 22 ans n’est pas en mesure de sortir le gros arrêt opportun. À l’inverse, il cède trop souvent sur des tirs faibles. Pour l’instant, il affiche une moyenne de 5,83 et une efficacité de 0,840. Oui, on peut être déçu. Lancer la serviette ? Attendez un peu…
Une impression de déjà-vu
Lorsque j’observe le début de saison de Jakub Dobes, je ne peux que repenser à mes premiers visionnements du gardien tchèque. C’était en 2020. Le CH venait de choisir le gardien évoluant dans la USHL au 5e tour de l’encan 2020. Je ne le connaissais pas au moment du repêchage, donc je suis allé observer ses matchs de la saison 2019-2020 pour mieux apprendre à connaître l’espoir sur la patinoire. Franchement, j’étais perplexe. Dobes se présentait à moi comme un gardien à gros gabarit, avec une technique peu conventionnelle et qui ne profitait pas suffisamment de son gabarit. Il se battait souvent avec la rondelle et son positionnement creux dans son demi-cercle faisait qu’il «goalait petit» malgré sa bonne stature. D’ailleurs, ce n’était pas une grande saison pour lui dans la USHL sur le plan statistique au moment où le CH en a fait son choix de 5e ronde.
Dobes a toutefois progressé de façon fulgurante. Déjà la saison suivante, il affichait une constance nettement supérieure à la saison d’avant. Son positionnement était mieux et sa gestion des rebonds l’était également. Jusqu’à ses débuts en NCAA, Dobes a progressé d’une belle façon après une première impression très moyenne. Une fois en NCAA, lorsqu’on l’utilisait à outrance, Dobes s’est imposé comme l’un des meilleurs espoirs des Canadiens de Montréal. En trois saisons complètes à suivre le rendement de Dobes dans les différentes ligues, je le qualifierais ainsi:
Jakub Dobes est un gardien combattif qui bâtit sa confiance lorsqu’il demeure constamment dans l’action. C’est un gardien qui n’affiche pas une technique parfaite, mais qui va tout faire pour stopper la rondelle devant lui. Le gardien est aussi très compétitif et a démontré dans le passé qu’il est capable de rebondir au lendemain d’un match plus moyen.
Au moment d’écrire ces lignes, Jakub Dobes commence sa carrière professionnelle. Tout n’est pas à recommencer, mais presque. La AHL, c’est une bonne coche au-dessus de la NCAA, voire même plusieurs coches. Et j’ai vraiment une impression de déjà-vu avec les performances de Dobes en USHL il y a 3-4 ans. Est-ce inquiétant ? Pour ma part, je ne le suis pas puisqu’il a démontré une capacité à progresser rapidement dans le passé. Il faut toutefois prendre son mal en patience dans son cas.
Difficile, arriver en AHL après la NCAA ?
Observons de près les gardiens qui ont fait le saut de la NCAA vers la AHL en bas âge. Car rappelons-le, Jakub Dobes serait encore en âge de jouer dans la NCAA présentement. Du côté du Reign d’Ontario, Erik Portillo débute sa carrière en AHL à 23 ans après 3 saisons au Michigan. Le portier n’a joué qu’un seul match jusqu’ici et a cédé à deux reprises pour remporter son match. Il est derrière David Rittich au sein du club-école des Kings, donc il pourra prendre le temps d’apprendre. En comparaison, on attend de Jakub Dobes qu’il soit le gardien de confiance du Rocket. Je pense qu’il a le potentiel de le faire, mais clairement, il doit passer par une adaptation au départ. Et il n’a point de vétéran pour l’appuyer là-dedans.
Le deuxième exemple se trouve du côté de Norfolk. Le gardien de but québécois Yaniv Perets débute sa carrière professionnelle en ECHL après une domination dans la NCAA. En deux matchs jusqu’ici, il affiche une moyenne de 3,55 et une efficacité de 0,899. Perets a été l’un des meilleurs gardiens de la NCAA au cours des 3 dernières années. Avec lui chez les Admirals, Thomas Milic fut l’un des gardiens par excellence dans la CHL dans les dernières années. Milic affiche un rendement de 1,90 et de 0,920. Milic présente un dossier de 1-0 alors que Perets a perdu ses deux matchs joués jusqu’ici.
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Dryden McKay a aussi dominé la NCAA comme gardien de but au Minnesota. À ses deux premières saisons dans les rangs professionnels, on l’a assigné à la ECHL. Il maintient son efficacité en haut de 900 et sa moyenne valse entre les 2,50 et 3,00 en deux ans. Dans la AHL, il n’a joué que deux matchs présentement et c’était l’an dernier. Il y affiche une moyenne de 3,38 et une efficacité de 0,885.
Jack LaFontaine s’est illustré en 3 saisons dans la NCAA. Dès son arrivée chez les professionnels en 2021, on l’a vu en action dans les trois ligues principales: la NHL, AHL et la ECHL. Il s’est fait détruire dans la NHL en deux présences. Outre avec Syracuse où il a connu du succès, son rendement est plutôt ordinaire tant dans la AHL que la ECHL. Il affiche régulièrement des moyennes supérieures à 3 et des efficacités sous la fameuse barre psychologique du 900.
Est-ce que cet exercice fut conçu pour détruire les chances de voir Dobes être bon cette saison ? Non. Le dénominateur commun de ces 4 gardiens présentés ci-haut est le suivant: ils ont tous évolué devant des puissances de la NCAA et ont montré une constance impressionnante en frais de statistiques sans pour autant présenter de progression. En d’autres mots, ces 4 gardiens s’appuyaient sur de réelles forces de frappe en NCAA et n’ont pas nécessairement présenté de progression particulière dans leur jeu en général. Ils sont arrivés bons dans la NCAA et sont sortis au même niveau.
Pour Dobes, c’est pas mal l’inverse. Il s’est constamment illustré en portant son club sur ses épaules, en n’étant peu appuyé devant lui et il a constamment montré une progression à travers les années. Je pense qu’il est donc plus possible de croire que Dobes s’améliorera considérant ces facteurs. Par contre, l’exercice sert à prouver une chose: dominer dans la NCAA n’est clairement pas gage de succès dans la AHL. Ainsi, Dobes devra revenir à la base. À ce qui lui a permis de progresser entre la USHL et la NCAA.
JF Houle le mentionne souvent en point de presse: «La AHL, ce n’est pas une ligue facile ni pour les joueurs ni pour les gardiens.» On le voit dans le cas de Dobes et je crois qu’on pourra juger sa progression plus après les Fêtes.
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