Le CH et le besoin d’être négligé
Les matchs se suivent et ne se ressemblent pas nécessairement, et pourtant, le résultat est le même: les Canadiens de Montréal poursuivent cette course aux séries dans une association de l’Est où il semblerait qu’aucune équipe ne veule sortir gagnante.
Notre collègue et journaliste attitrée au Rocket de Laval, Jessika Lemay, l’a certainement dit le plus judicieusement pendant le visionnement du match hier soir:
« Le Canadien a besoin d’être sous-estimé pour performer! »
Et c’est exactement ce qui arrive avec le CH… depuis longtemps.
Évidemment, cela nous a bien servi ces dernières années à travers les déboires de la reconstruction, alors que, souvent, à l’approche d’un match qui pouvait sembler perdu d’avance, nous nous sommes retrouvés étonnamment ébahis de la tenue de notre équipe, méconnaissable l’espace d’une soirée dans le contexte d’une victoire à l’arrachée contre une puissance de la LNH, nous laissant presque croire que nous pourrions l’emporter contre n’importe qui, n’importe quel soir donné.
Cette saison, le scénario est un peu différent: les Canadiens de Montréal de Kent Hughes et Martin St-Louis commencent à prendre forme et ils jouent un hockey beaucoup plus convaincants qu’au cours des dernières années, mais cette idée que le CH n’est jamais meilleur que lorsqu’il est négligé semble toujours présente dans l’ADN de cette équipe. Et c’est une facette insidieuse de l’évolution d’une équipe, particulièrement dans un marché comme celui de Montréal où l’environnement social de la ville entourant l’équipe façonne l’ambiance et la motivation collective de l’équipe, surtout auprès des jeunes joueurs de l’organisation, alors qu’un soir on peut rêver d’une remonter spectaculaire contre une équipe aspirante à la coupe Stanley et quelques jours plus tard, on arrive à peine à imposer notre système de jeu contre une équipe ayant perdu 12 de ses 13 derniers matchs.
Un bel exemple de cette tendance est la séquence du temps des Fêtes:
- 17 décembre | Victoire 6-1 contre Buffalo – suite à deux défaites gênantes (dont 9-2 vs Pittsburgh)
- 20-21 décembre | 2 victoires contre Détroit – rare dos-à-dos contre un adversaire de division
- 23 décembre | Défaite contre Columbus – ils n’étaient pas une menace à ce moment-là
- 28 décembre | Victoire de 4-0 contre la Floride – champion de la coupe Stanley
- 29 décembre | Victoire de 5-2 contre Tampa Bay – une constante puissance de la LNH
- 31 décembre | Victoire de 3-2 contre Vegas – une constante puissance de la LNH
- 3 janvier | Défaite contre Chicago – l’une des pires formations de la LNH
- 4 janvier | Victoire en tirs de barrage contre Colorado
- 6 janvier | Victoire contre Vancouver
- 10 janvier | Victoire contre Washington – équipe de l’heure de la LNH
Lors de cette séquence, le CH a trouvé le moyen de perdre contre deux des pires équipes de la LNH, alors qu’ils ont pu soutirer des victoires inespérées contre des puissances établies. De plus, ils ont accomplis cela dans une des périodes de l’année où, dans l’histoire récente de l’équipe, ils ont toujours eu de la difficulté à connaitre du succès, alors que le temps des Fêtes a souvent marqué le début de la fin de la saison des Canadiens.
Le confort du sous-estimé
Lorsqu’il n’y a pas d’attentes, il y a certainement moins de pression de performer et il est aussi fort probable, sur une période donnée, qu’une équipe dans cette position puisse jouer avec une spontanéité et une agressivité qui leur permet d’atteindre des niveaux de performances plus élevés, ce qui explique certainement ce qui s’est passé lors de la période des Fêtes où le CH a pu soutirer la victoire à un bon nombre d’équipes de premier plan.
Ironiquement, ce sont ces mêmes performances et les suites de succès qui expliquent aussi les incohérentes défaites durant cette même période contre Columbus, Chicago et même la défaite d’hier soir contre les Flyers de Philadelphie. Dans un contexte où il existe un potentiel de performance chez une équipe comme les Canadiens, particulièrement lorsqu’il s’agit d’un apprentissage d’une culture victorieuse, il s’en suit inévitablement l’angoisse de la victoire prise pour acquis. Ainsi, lorsqu’une jeune équipe navigant dans les eaux calmes, mais vivifiantes, du succès, se retrouve dans un affrontement où il est convenu que la victoire devrait leur revenir, cette pression vient aussitôt envenimer la hargne et la combativité qui ont auparavant été gage de réussite pour se transformer en une hésitation et/ou une crainte de l’échec qui affectent la capacité à accomplir la tâche avec la constance et la concentration nécessaires.
Assurément, il ne faut pas négliger le facteur expérience. Le CH est une jeune équipe et dans son apprentissage et son évolution il y aura toujours une marge d’erreur qui sera imputée à la fragilité psychologique du groupe et sa capacité à gérer de nouvelles situations où la pression deviendra plus grande, même dans des contextes qui sembleraient familiers.
Il sera certainement intéressant de voir, dès ce soir, la réaction qu’aura le CH contre les Hurricanes de la Caroline. Seront-ils figés dans l’incertitude de leurs dernières performances? Auront-ils ce désir de se prouver qu’ils méritent légitimement de se battre pour une place en séries? Ou peut-être profiteront-ils simplement de ce retour dans la chaise du négligé pour retrouver leurs repères l’espace d’une autre rencontre « perdue d’avance » où ils auront une autre occasion de nous faire croire à de grandes choses, de nous faire miroiter ce futur que nous voulons pouvoir vivre, le plus tôt possible.
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