À la loupe | La frustration s’empare des Devils
Tomber face au pire bilan de la Ligue Nationale est une chose. Le faire au cours d’une série de neuf défaites consécutives (dont deux en prolongation) en est une autre. Pourtant, jeudi soir, c’est bien cette triste performance qu’ont réalisé les Devils du New Jersey, renversés à Denver par l’Avalanche du Colorado, sur la marque de 3 buts à 2. Une déroute qui a, logiquement, jeté un froid sur cette organisation un peu perdue cette saison, malgré un bon départ en 2016. C’est donc avec de nombreux questionnements et surtout, une vraie frustration, que les hommes de John Hynes ont rallié le désert hier, afin d’affronter ce soir les Coyotes de l’Arizona, une autre franchise qui squatte les bas-fonds de la LNH.
Si l’on pensait que la transaction Hall-Larsson avait rebattu les cartes au Prudential Center, force est de constater que son effet s’est dilué dans des problématiques plus larges. La faiblesse de la ligne bleue, le manque de jeunes talents (la banque d’espoirs des Devils est classée 29ème de la Ligue par Hockey’s Future) et une attaque de plus en plus exsangue ont fini par avoir raison des attentes des partisans. Mais au-delà du simple volet de la performance, la question de la solidité mentale de ce groupe paraît également avoir son importance. Après la défaite face à l’Avalanche, John Hynes a ainsi dressé un portrait assez alarmant de l’état psychologique de son alignement:
« Celle-là je vais vous la faire facile: nous n’étions pas prêts à jouer en première période » a-t-il expliqué à Andrew Gross, de NorthJersey.com. « La préparation du match est en cause. Cory (Schneider) a vraiment bien joué. Il était prêt à jouer dans le premier tiers. Nous savons ce qui s’est passé. Nous avons bien joué dans le deuxième, puis le troisième. C’est ce qui a fait la différence entre gagner et perdre, nous avons eu un bon travail du gardien en première période, mais nous n’étions pas prêts à jouer, on a fait l’effort pour venir égaliser et puis, finalement, c’est une phase de jeu apathique qui nous a coûté le match. »
Un manque de préparation qui se répercute sur la glace. Les carences au niveau de la motivation et de la détermination sont flagrantes. Sont-elles symptomatiques d’un discours de coach qui ne passe plus? Ou bien d’une groupe de professionnels qui manquent à leurs obligations? Le blâme est probablement à mettre sur l’ensemble des parties impliqués, le groupe paraissant touché par un spleen irréversible. Cet état d’esprit est peut-être mieux symbolisé par les propos post-rencontre de Cory Schneider, repris sur NorthJersey.com, après la déroute dans les Rocheuses:
« Les Séries ? C’était le but, la mission. Je suis arrivé ici après avoir connu beaucoup de succès à Vancouver et ces moments sont difficiles à égaler. Quand vous êtes au début de votre carrière, c’est tout ce que vous souhaitez » a-t-il lancé. « Même si on comprend la situation, ça n’enlève rien. Le sentiment d’être en séries, c’est le meilleur qui soit. Je me suis engagé ici, car je pensais que cette formation avait un bon plan à long terme et un futur prometteur. Je le crois toujours et je suis le gars qui veut faire partie de la solution. »
Présentant pour l’heure le pire bilan de l’Association de l’Est (25-30-12, 62 points en 67 rencontres), les Devils sont bien loin de cet objectif des Séries. La fin de la présente campagne s’annonce même assez longue, alors que les parties sans enjeu vont se succéder. Néanmoins, la renoncement ne peut certainement gommer toute la frustration accumulée par cette équipe, pourtant bien ancrée dans la course au tournoi printanier en milieu de saison.
Jouer pour son futur
Ce deuxième échec consécutif de l’ère Hynes amène logiquement une réflexion quant à l’avenir de certains joueurs, qui s’interrogent sur leur place au New Jersey. À l’aune d’une fin de saison morose, ou la moindre victoire semble difficile à aller chercher, on constate ainsi que les Devils jouent de moins en moins pour leur futur en tant qu’équipe, et davantage pour leurs destinées personnelles. Ce sentiment est parfaitement exprimé par Taylor Hall qui, après six saisons sans Séries passées à Edmonton, devient rompu à l’art du final sans saveur:
« Pour être franc, lorsqu’on ne va pas prendre part aux Séries, je ne crois pas que ce soit égoïste de dire qu’on joue pour son futur » a-t-il expliqué à NorthJersey.com. « S’il y a bien quelque chose que j’ai appris l’an passé, ce qu’il y a toujours des gens pour surveiller les 15 derniers matchs. Sur le plan individuel, il faut être responsable et je crois que faire ça, c’est aussi une façon d’aider l’équipe. »
Même son de cloche chez l’ancien joueur du Canadien, Devante Smith-Pelly:
« Tout le monde joue pour quelque chose. Il y a toujours des dépisteurs, des gens de cette équipe, ou d’autres équipes » a-t-il assuré. « Si ton contrat court sur un an, tu essaies évidemment d’en obtenir un autre. Si tu es sur une entente à long terme, tu penses à jouer pour ton pays, aux Championnats du Monde, ou montrer à une autre équipe, si ta franchise ne veut plus de toi, ce que tu es capable de faire. »
À l’heure actuelle, les pensées des joueurs semblent donc se diriger en priorité vers la suite de leurs carrières respectives. Cependant, on note que la plupart des éléments de l’équipe s’avèrent sous contrat pour un an de plus, au minimum, avec le New Jersey, alors que seuls quelques-uns d’entre eux se dirigent vers des négociations imminentes. C’est notamment le cas de Damon Severson, Beau Bennett, Joseph Blandisi et Jacob Josefson, qui compteront parmi les futurs agents libres avec restriction des Devils l’été prochain, tandis que le gardien remplaçant Keith Kinkaid est en passe de se retrouver libre comme l’air. En parallèle, quelques joueurs de seconde zone comme Stefan Noesen, Yohann Auvitu, Blake Coleman ou Kevin Rooney seront bientôt RFA. Mais concrètement, l’ensemble des membres du top-6 offensif, ainsi que 3 des défenseurs top-4 du New Jersey sont sous contrat pour l’an prochain. Le ressort de la motivation en vue d’une nouvelle entente est donc difficilement exploitable pour John Hynes.
Hynes, justement, est également dans le collimateur de certains observateurs. Comme l’a récemment expliqué Greg Wyshinsky, de Yahoo Sports, l’ancien homme fort du programme national de développement d’USA Hockey semble avoir du mal à faire appliquer sa méthode. Pourtant focalisé sur l’attaque, l’entraîneur des Devils dirige une équipe médiocre au chapitre des lancers, avec un pourcentage de tirs-pour à 5-contre-5 de 46.97, juste devant les Coyotes et l’Avalanche. En matière de mises en zone offensive, Wyshinsky relève que les Diables pointent au 29e rang de la LNH, avec 28.8% de leurs « shifts » à forces égales débutés en territoire adverse. Seul l’Arizona fait pire. L’échec de l’implantation d’une mentalité d’attaque viable est donc particulièrement alarmante, même si Hynes compte sur quelques circonstances atténuantes. On le constate notamment en observant la situation financière de la formation et son « Cap Space » projeté à 8,95 M$ sur CapFriendly.com. Un espace qui ne demande qu’à s’agrandir avec l’expiration prochaine du contrat de Marc Savard, acquis des Panthers en juin dernier, et qui occupe 4 M$ sur la masse salariale des Devils. Une équipe aussi flexible ne peut qu’être relativement pauvre en qualité.
Hynes a-t-il ce qu’il faut pour relancer la machine? Ray Shero devra-t-il se lancer dans de grandes manœuvres cet été? Quid du prochain Repêchage, annoncé très faible? Autant de questionnements qui gangrènent la fin de saison d’une franchise clairement démobilisée, qui laisse derrière elle ses principes de jeu et abandonne souvent son gardien, le seul joueur performant dans la déroute du Colorado. Avec de l’argent à dépenser, malgré une attractivité en baisse, la prochaine intersaison du New Jersey pourrait s’avérer intéressante. Quant au groupe actuel, difficile, au vu des situations des uns et des autres, d’imaginer une fin de saison qui ne sera pas marquée par une démobilisation accrue.
[STATS_EQUIPE]NJD[/STATS_EQUIPE]
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