À la loupe | Nathan Beaulieu, entre ombres et lumières
Parmi les membres de la brigade arrière du Canadien, Nathan Beaulieu apparaît de plus en plus comme un cas particulier. Unanimement reconnu comme un défenseur de qualité, niveau top-4 selon certains, l’Ontarien n’en reste pas moins très irrégulier, ce qui le place cette année dans une situation relativement complexe. Au vu de quelques unes de ses sorties, il est plutôt difficile de dire que Beaulieu est en échec sportif à Montréal. Cependant, il est clair que notre homme ne parvient toujours pas à exploiter pleinement la vaste étendue de ses qualités, au grand dam de Michel Therrien.
Un décalage entre talent et production
Le match d’hier après-midi face aux Red Wings en est ainsi une parfaite illustration. Annoncé sur la deuxième paire en compagnie de Jeff Petry, Beaulieu a rapidement été recalé sur le troisième duo, avec Zach Redmond. En conséquence, et alors que son temps de glace moyen tourne habituellement à 20:01 (avec des points à 25:00 contre les Rangers ou 27:50 face aux Capitals), il n’a passé hier que 15:27 sur la glace de la Joe Louis Arena. Pendant ce temps, Mark Barberio, monté d’un cran dans la hiérarchie des défenseurs, a patiné pendant plus de 20 minutes (20:45), dans ce qui s’est terminé en une défaite 1-0 contre Detroit. Or, s’il n’est pas question d’extrapoler à partir d’une seule décision tactique qui ne vaut guère comme unique appréciation de sa saison, il est clair que ce genre de choix, en revanche, souligne un certain malaise autour de Beaulieu. Manque de lucidité, de solidité ou de robustesse, passes dangereuses, revirements, le tout doublé d’un ratio de -6 sur les quatre matchs ayant précédé le duel face aux Red Wings, autant d’éléments qui l’ont plombé ces derniers jours.
La problématique pour Therrien et son équipe technique sera donc de savoir quel Nathan Beaulieu évoluera avec le CH pour le reste de cette campagne. Celui, timoré, de ce déplacement dans le Michigan? Ou bien ce patineur élégant, doté d’un excellent sens du jeu et de vraies qualités dans son placement, ainsi que dans l’usage de son bâton; celui que beaucoup de partisans apprécient? C’est en tout cas ce profil-là que Montréal a sélectionné au 17ème rang du Repêchage 2011 et c’est aussi ce pourquoi nombre d’observateurs l’imaginaient décoller à l’automne aux côtés de Shea Weber. Arrivés à la mi-saison, on constate cependant que malgré l’émergence d’une bonne chimie avec Petry, le jeu inconsistant d’un Beaulieu qui cumule pour l’heure 16 points (2 buts, 14 assistances) l’a relégué au rang de quatrième, voir cinquième défenseur des Habs.
Un retour à la case départ, en somme, pour celui qui peine à se faire valoir comme un arrière top-4 depuis son entrée dans le circuit Bettman. L’idée de faire de Beaulieu un Suter ou un Josi 2.0 avait germé au cours de la saison morte, sans que l’Ontarien, trop discret, ne parvienne finalement à trouver ses marques auprès de l’ancien capitaine des Prédateurs. Trop friable défensivement, pas assez physique, Beaulieu tarde aussi à exploser sur le plan offensif, bien que sa récolte actuelle de 16 unités nous indique qu’il va, logiquement, dépasser son total de 19 points accumulés en 64 rencontres l’an passé. Mais à 24 ans, un joueur avec ses qualités intrinsèques devrait bel et bien contribuer davantage, sans se contenter d’une base de 30 points l’année, surtout lorsqu’on parle d’un arrière critiqué pour son jeu en zone défensive.
Quelle est sa place réelle à Montréal?
Maintenant, le fait est que notre homme s’avère être un défenseur mobile, un bon manieur de disque et un excellent passeur. Des attributs naturels qui lui ont parfois valu l’étiquette de « défenseur du CH le plus doué avec la rondelle après Subban », lorsque le #76 traînait encore aux abords du Centre Bell. Mais comme celui-ci, Beaulieu se retrouve maintenant dans le collimateur de Michel Therrien du fait d’une certaine inconstance en défensive, qui a forcé hier le technicien québécois à réduire son nombre de minutes. Autre indicateur du malaise, cette déclaration récente de Marc Bergevin, qui se dit désormais en chasse d’un arrière possédant un profil similaire au sien, mais visiblement en mesure d’aider le Canadien dès maintenant. C’est justement là que le bât blesse pour notre homme, prometteur certes, mais qui tarde trop à passer un cap dans son jeu. Pourtant, les capacités sont là, et c’est pas à pas qu’il pourra être amené à progresser. Seulement, ce genre de parcours requiert de la patience chez l’organisation et il se peut que Montréal ne puisse plus se permettre d’attendre concernant Beaulieu.
Alors, tandis que les spéculations autour de la date limite des transactions ne se font plus, désormais, sans y inclure le Canadien, serait-ce possible de voir l’arrière ontarien quitter la Sainte-Flanelle? Sur le marché, nul doute que les solides habiletés techniques de Nathan Beaulieu, ajoutées à ses quelques coups d’éclat cette saison, ont su impressionner plusieurs DG à travers la Ligue Nationale. Qu’on se le dise, ce défenseur est un pari, un projet à mener à bien au sein d’une équipe qui pourrait lui correspondre.
Nous avons tous vu, l’an passé, à quel point Justin Schultz s’est transformé à son arrivée chez les Penguins. Aussi, un changement d’air pourrait éventuellement s’avérer bénéfique, pour les deux parties, dans le cas de notre arrière. Si, au contraire, Marc Bergevin se refusait à le laisser partir, ce sera à Michel Therrien de se montrer créatif au moment où Andrei Markov reviendra. Pour peu qu’il choisisse d’évincer Beaulieu du top-4, peut-être pourrait-il en tirer bénéfice en utilisant son joueur sur une troisième paire basé sur la vitesse de projection? Après tout, ce ne sont pas toutes les formations de LNH qui peuvent se targuer d’avoir en leur possession un joueur de troisième paire peu onéreux (1 M$ l’année) capable de contrôler de belle façon les entrées en zone adverse. C’est une richesse à exploiter, d’autant que Montréal compte sur le talentueux Carey Price dans les buts, de quoi se permettre quelques audaces sur le plan défensif. Notons que d’ici l’été prochain, Beaulieu deviendra agent libre avec restriction, et c’est peut-être aussi la raison qui devrait pousser l’encadrement du CH à définir, rapidement, un rôle précis pour son joueur dans l’alignement.
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