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Dossier | Doug Weight va-t-il transformer l’animation offensive des Islanders la saison prochaine?

Alors que la saison morte est rentrée, depuis un certain temps, dans sa période la plus calme, les visages des équipes du circuit Bettman commencent à se dessiner. Du côté des Islanders, l’une des principales nouveautés se trouve sur le banc, où Doug Weight s’apprête à entamer sa première campagne complète à titre d’entraîneur-chef dans la LNH.

Nommé remplaçant de Jack Capuano en janvier dernier, le tacticien américain a posté une excellente fiche de 24-12-4 en 40 rencontres, ramenant ainsi les New-Yorkais dans la course aux Séries. Trop courts pour y participer, les Insulaires ont ensuite eu le temps de préparer la saison à venir, en actant notamment l’arrivée de Jordan Eberle, débarqué d’Edmonton dans un échange impliquant Ryan Strome.

Désormais, Weight a les cartes en mains pour apposer sa patte sur une formation des Isles qu’il a tenté de modeler à son image la saison passée. En se démarquant un peu du style Capuano, le coach a su appliquer quelques changements dans l’animation offensive de son équipe, l’un des points noirs du début d’exercice 2016/17 à Brooklyn.

En trois temps, nous reviendrons ainsi sur les caractéristiques du jeu pratiqué sous son prédécesseur, sur les ajustements que Weight a apporté et sur la façon dont ils pourront s’amplifier la saison prochaine…

L’ombre de l’ère Capuano

Pour bien comprendre les changements initiés par Doug Weight, il nous faut d’abord jeter un coup d’œil à ce que Capuano avait installé auparavant chez les Isles. En sept ans, l’ex-technicien new-yorkais a fait jouer ses attaquants dans un style à l’ancienne, favorisant les entrées en zone non-contrôlées et les phases de « dump and chase ». Sous son règne, les locataires du Barclays Center ont beaucoup misé sur l’échec avant, et se sont souvent retrouvés au sommet du classement des charges, avec les Kings de Los Angeles.

Cette façon de gérer l’animation du jeu en territoire ennemi a, par exemple, été mise en évidence par le travail de Corey Sznajder, du blog The Energy Line. En début de saison dernière, l’analyste a compilé des données sur les 19 premiers matchs disputés sous Capuano, qu’il a rassemblé sur ce tableau. Grâce à son travail, on peut ainsi constater que la part de « dump-ins » (dégagement de la rondelle en fond de ZO) utilisés par les Islanders pour rentrer en zone offensive était alors relativement supérieure à celle des « carry-ins », lorsque les joueurs passent la ligne bleue avec la possession du disque.

Chez les défenseurs, le rapport de force était clairement biaisé, aussi bien pour Travis Hamonic (31 dump-ins, 20 carry-ins) que pour Dennis Seidenberg (47-8), mais aussi, de manière plus surprenante, pour un arrière plutôt doué dans la conservation du disque, en la personne de Nick Leddy (44-34). Idem chez les attaquants, où Josh Bailey (38-32), Anders Lee (37-23), Alan Quine (15-4), Johnny Boychuk (37-15), Andrew Ladd (39-35) ou Cal Clutterbuck (40-20) ont tous privilégié les entrées non-contrôlées.

Logiquement, on trouve tout de même quelques exceptions au sein du groupe d’avants, qui restent plus enclins à manipuler le disque que les défenseurs, avec des éléments comme Brock Nelson (23 dump-ins contre 40 carry-ins), Anthony Beauvillier (19-23) et, bien-sûr, John Tavares (21-61).

Cette propension à privilégier les « dump-ins » avait d’ailleurs été soulignée en décembre dernier par  »garik16 », contributeur pour le site internet Lighthouse Hockey. Selon ses propres métriques, les Islanders de Capuano n’avaient ainsi contrôlé que 39,1% de leurs entrées en zone offensive sur leurs 22 premiers matchs.

Mais quelles sont donc les répercutions tactiques de cette approche? Pour le savoir, nous pouvons nous tourner vers le travail effectué par Ryan Stimson, du site hockey-graphs.com. Lors des deux dernières saisons, il s’est intéressé aux statistiques des passes, ce qui lui a permis de déterminer, via plusieurs catégorisations, quels étaient les styles de jeu favorisés par les formations du circuit Bettman. L’ensemble des données a été collecté à 5-contre-5, par les équipes de Corsica et du « Passing Project ». Les fruits de ce travail sont disponibles sur un tableau que voici:

Un premier coup d’œil permet de constater que les Islanders version Capuano n’ont pas vraiment su exceller dans une métrique particulière, bien qu’ils se soient quelque peu distingués sur les phases de transitions et les « low-to-high plays ». C’est à cette dernière catégorie que l’équipe appartient. Ce type de système consiste à faire passer la rondelle au niveau du but, avant de la remonter vers la ligne bleue, ce qui permet d’étirer les défenses adverses.

En action, cette tactique ressemble à ce que les Kings, qui appartiennent aussi au groupe « low-to-high », réalisent ici face aux Sharks. Conséquence directe du « dump and chase » instauré par Capuano, les Islanders avaient donc tendance à remonter la rondelle vers le haut de la zone offensive, sans s’employer à la faire circuler derrière le but. Une approche avec ses qualités, bien qu’en janvier dernier, le jeu d’attaque de la formation commençait sérieusement à s’essouffler.

Amené à remplacer Capuano durant l’hiver, Weight a alors mis en place quelques petits ajustements dans la gestion de l’animation offensive. Sans effacer totalement les systèmes utilisés sous son prédécesseur, le nouveau coach des Isles est ainsi parvenu à apposer, petit à petit, sa patte sur l’attaque new-yorkaise.

Un meilleur contrôle de la rondelle?

En général, une prise de pouvoir à la mi-saison ne représente pas le contexte idéal pour pouvoir imposer ses idées. Sans surprise, Weight a donc repris quelques éléments, aussi bien les « dump-ins » que les systèmes « low-to-high », comme sur cette action, face aux Flyers. À la réception d’une passe de Josh Bailey (#12), posté au niveau de la ligne de but, on peut voir Nick Leddy (#2), positionné en entrée de zone, transmettre ensuite la rondelle à Johnny Boychuk (#55), la circulation du disque étirant quelque peu la défensive de Philly.

Toutefois, le plan d’attaque de Weight a pu être davantage varié grâce, surtout, à l’arrivée d’un homme dans son alignement. Débarqué de Bridgeport au mois de mars, Joshua Ho-Sang a eu une excellente influence sur le nombre d’entrées en zone contrôlées réalisées par les Isles. Avec le soutien de son coach, qui l’a laissé s’exprimer à sa guise, il a su poster 10 points (4 buts, 6 passes) en 21 apparitions, tout en faisant parler sa technique à de nombreuses occasions, pour apporter le danger en territoire ennemi.

Une influence que l’on peut constater sur plusieurs faits saillants, comme ici, contre les Predators. Aux abords du camp adverse, Ho-Sang (#66) fait étalage de ses capacités techniques, en se jouant de Mattias Ekholm. Il décale ensuite Scott Mayfield (#42), dont le tir sera stoppé par Pekka Rinne. Sa bonne vision du jeu lui permet également de briller autrement que sur ses « carry-ins ». Ici, face aux Hurricanes, il perçoit le départ de Calvin de Haan (#44) depuis la zone neutre, s’offrant ainsi une assistance alors que le défenseur, qui a reçu sa passe, parvient à tromper la vigilance de Cam Ward.

Malgré son style assez individuel, l’attaquant est donc en mesure de faire briller ses coéquipiers, comme Anthony Beauvillier (#72), avec lequel il possède une certaine chimie. Toujours à Nashville, on peut voir Ho-Sang effectuer un « carry-in » pour rallier le camp des Predators, avant de remettre la rondelle à son partenaire québécois, dont le lancer butte ensuite sur Rinne.

Mais leur complémentarité s’affiche surtout sur cette action, contre les Bruins, où l’attaquant ontarien ouvre les hostilités en pénétrant dans le camp adverse, avant de passer à Beauvillier, sur sa droite. Celui-ci pivote dans le coin, puis retrouve Ho-Sang derrière le filet. Ce dernier montre ensuite l’étendue de son habileté et se défait de l’adversaire poursuivant le disque, avant de le transmettre à de Haan, qui tire.

Cette activité de Ho-Sang n’est pas passée inaperçue aux yeux de Doug Weight, qui a fait progressivement augmenter son temps de glace durant la dernière campagne. Sur ce graphe de hockeyviz.com, on constate que la ligne de l’attaquant (en orange) le conduit au-dessus des 15 minutes de temps de glace en fin de saison, au même niveau que Josh Bailey, et devant Anders Lee. Sa chimie avec Anthony Beauvillier a également été récompensée, le Québécois ayant été son partenaire de jeu le plus fréquent, comme cet autre graphe nous l’indique.

Weight semble donc apprécier l’aisance technique et le contrôle du disque, qui ne doit pas être uniquement l’affaire de John Tavares à Brooklyn… Parmi les piliers de cette approche, on retrouve également le défenseur Nick Leddy (#2), qui brille par son apport dans la zone neutre. Ici, face aux Rangers, il amorce la transition vers l’avant en remontant le disque en milieu de patinoire, avant de le transmettre à Beauvillier, qui lance sur Lundqvist. Anders Lee (#27) récupère ensuite le rebond, et parvient à marquer.

Ce type de jeux est une constante chez Leddy, qui est un maître dans l’art du « carry-in ». On peut le voir à l’œuvre ici, face aux Sabres, où il contribue nettement au but de Cal Clutterbuck (#15), ou bien ici, contre les Hurricanes, où son effort permet à Brock Nelson (#29) de prendre un lancer devant l’enclave. Nelson, justement, est un autre élément capable de contrôler les entrées en zone offensive, comme sur cette action, face aux Rangers

Mais à l’arrivée, ces quelques extraits sont-ils représentatifs d’une vraie tendance chez les Isles de Doug Weight? Pour le savoir,  »garik16 », le rédacteur de Lighthouse Hockey, s’est plongé dans ses statistiques jaugeant les performances de la formation dans la zone neutre. Sur sa métrique nommée le « Neutral Zone Score »***, les Isles ont fini à 49,5% avec Weight, juste en dessous de la moyenne de la Ligue. C’est peu, mais cela constitue tout de même une petite amélioration par rapport au début de campagne, où l’équipe de Capuano avait posté un 49,1% après 22 matchs. Un rebond à saluer, surtout lorsqu’on sait que les Islanders ont passé plus de temps sur la route durant la deuxième partie de saison.

Sur le plan individuel, le rédacteur a aussi publié un tableau affichant le pourcentage de « carry-ins » réalisé par les joueurs new-yorkais. Ses mesures permettent de mettre en avant les performances de Nick Leddy et Josh Ho-Sang, tous deux au-dessus de la barre des 55%. Leddy, en particulier, s’est amélioré par rapport au début de saison. Sous Capuano, Corey Sznajder avait en effet estimé son taux de « carry-ins » à 43,6%…

Notons qu’en tête, c’est bien évidemment John Tavares qui trône à près des 65%. Mais aviez-vous vraiment besoin d’une compilation d’extraits pour savoir que JT restait le métronome des Islanders?

La stabilité ou la rupture?

Même si on ne s’attendait pas à voir Weight révolutionner les systèmes de sa formation en cours de saison, force est de constater que certaines caractéristiques du style Capuano seront probablement reconduites chez les Isles l’an prochain. Le taux de « dump-ins » reste assez élevé, et l’équipe continue de s’investir sur l’échec avant.

Pour autant, rien n’indique que Weight se contentera de reproduire la tactique de son prédécesseur. La confiance accordée à Ho-Sang, ainsi que la légère amélioration des performances dans la zone neutre, semblent présager de petits ajustements. Et puisqu’on ne peut pas rentrer dans la tête du coach américain pour y deviner ses plans, intéressons nous donc aux changements qui ont touché, ou toucheront, cette équipe des Islanders.

Le plus gros bouleversement de l’été fut sans conteste l’échange de Ryan Strome, envoyé à Edmonton en retour de Jordan Eberle. Critiqué pour ses efforts défensifs limités, ainsi que son inefficacité durant les Séries, l’attaquant albertain sort malgré tout d’une bonne saison sur le plan statistique, avec un total de 51 points, dont 20 buts, en 82 matchs avec les Oilers. Mais son apport dans la zone neutre est-il suffisant pour impacter sensiblement l’animation offensive des New-Yorkais?

A priori non. D’après Corey Sznajder, le taux de « carry-ins » posté par Eberle en 2016/17 est de 51,4%, ce qui reste intéressant, mais pas décisif. Très clairement, l’impact du nouvel arrivant risque de se faire sentir davantage au chapitre des tirs tentés, où il possède une réelle influence. Avec Eberle sur la glace, les Oilers 2016/17 ont ainsi pris un nombre important de lancers dans l’enclave à forces égales, comme ce graphe de hockeyviz.com nous l’indique. En son absence, ce total a drastiquement chuté. C’est d’autant plus remarquable qu’Eberle n’a passé que peu de temps auprès de Connor McDavid durant la dernière saison, ses partenaires les plus réguliers ayant été Milan Lucic et Ryan Nugent-Hopkins.

Pour assurer la conservation du disque et le contrôle des entrées en zone, Weight pourra en revanche se tourner vers la jeunesse. À seulement 20 ans, Mathew Barzal est attendu comme une potentielle addition cet automne à Brooklyn. L’ancien choix de première ronde au repêchage 2015 est déjà apparu à deux reprises avec les Isles l’an passé, avant de retrouver la WHL. Auteur de 79 points (10 buts, 69 assistances) en 41 matchs avec les Thunderbirds de Seattle, le jeune joueur y a fait étalage de ses qualités de fabricant de jeu, et postule pour une place avec New York dans un futur proche.

Avec sa palette technique développée et son sens de la passe, Barzal pourrait avoir un apport intéressant dans la possession du disque. Dans leur banque d’espoirs, les Islanders comptent aussi sur Ryan Pulock (22 ans), un autre ancien choix de premier tour, qui avait été sélectionné lors de l’encan amateur 2013. Aligné avec les Sound Tigers de Bridgeport durant l’exercice 2016/17, ce défenseur offensif a cumulé 46 unités (15 buts, 31 assistances) en 55 rencontres de LAH. Doté d’un bon lancer et utile sur le jeu de puissance, peut-être aura-t-il également les capacités pour bien bouger la rondelle à 5-contre-5…

Enfin, le dernier message envoyé par Weight concerne son équipe technique. Au cours de la saison morte, le tacticien a en effet enrôlé trois nouveaux assistants : Luke Richardson, Scott Gomez et Kelly Buchberger. Pour superviser les gardiens, les Isles ont misé sur Fred Brathwaite, qui a remplacé Mike Dunham. Ce faisant, l’entraîneur-chef semble donc avoir marqué son territoire, en se créant un environnement plus propice à développer sa propre philosophie.

Si, comme dit précédemment, il est impossible de rentrer dans la tête du coach yankee pour savoir ce qu’il souhaite réellement mettre en place à la reprise du camp d’entraînement, reste qu’une chance existe pour que ses petites retouches se transforment en changement de culture. Tout en conservant un fond de jeu classique, Doug Weight pourrait bénéficier de l’apport de la jeunesse pour dynamiser un peu plus l’animation offensive de ses Islanders.

Cela sera-t-il suffisant pour retrouver les Séries Éliminatoires? Difficile à dire. Mais quoi qu’il arrive, une certitude demeure quant à l’avenir des Islanders: c’est bien John Tavares qui en reste le garant.

*** Neutral Zone Score: Aussi connu sous le nom de « Neutral Zone Fenwick », il s’agit, pour faire simple, de la projection de l’indice Fenwick (qui recense tous les tirs hors cible et tirs cadrés) d’un joueur (ou d’une équipe) si l’on exclut les lancers pris après des mises au jeu. Il constitue une manière d’isoler uniquement les tirs issus du jeu en zone neutre.

Statistiques: lighthousehockey.com, theenergyline.wordpress.com, hockey-graphs.com, hockeyviz.com.

[STATS]2089[/STATS]

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