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Dossier | Quelle place pour les statistiques avancées à Las Vegas?

Avec le repêchage d’expansion en ligne de mire, les regards sont tournés vers Las Vegas, où la direction des Golden Knights travaille d’arrache-pied dans l’optique de faire sortir de terre une équipe compétitive. Autour du directeur général George McPhee, c’est toute une philosophie que la franchise d’expansion tente d’établir, en mariant influences modernes et académiques. Et à l’instar des 30 autres organisations de la Ligue Nationale, les locataires de la T-Mobile Arena doivent eux aussi composer avec l’émergence des statistiques avancées.

Pour McPhee, c’est peu dire que les analytiques sont partie intégrante de son travail. Fréquemment interrogé sur la question lors de ses diverses sorties médiatiques, le DG de Las Vegas n’a pas caché tout son intérêt pour ce champ nouveau, en constante évolution:

« Nous y croyons beaucoup. C’est remarquable, le nombre de choses que ces données peuvent clarifier pour vous » a-t-il avoué en entretien sur le site officiel de la franchise. « Nous allons essayé de trouver cet équilibre entre opinion et analytiques. La meilleure expression que j’ai pu entendre à ce sujet, c’est que c’est un club supplémentaire dans votre sac de golf. Et je crois que c’est assez juste. »

Pour rappel, McPhee a débuté sa carrière de haut-dirigeant en 1992, du côté de Vancouver. À l’époque, non seulement la révolution statistique ayant touché le sport professionnel ne s’était pas produite, mais le hockey en lui-même était pratiqué de manière très différente. Fort de ses nombreuses années passées à la tête des Canucks et surtout, des Capitals, lors desquelles il a pu assister à une mutation spectaculaire du jeu, l’homme fort des Golden Knights a aussi été confronté à l’émergence de cette nouvelle discipline, avec son lexique et ses codes. S’il se veut donc moderne et résolument ouvert d’esprit, McPhee se trouve parfois un peu désorienté face à cet environnement, comme il le laisse transparaître dans ce récent entretien accordé à Kevin McGran, du Toronto Star :

« J’ai été vraiment fasciné par tout ce que peuvent révéler ces données. Et puis, vous avez tous ces jeunes qui parlent une autre langue. Mais je suis convaincu que ça a une place très importante dans le jeu. On doit y faire attention, et on doit l’utiliser. »

Pour dompter ce langage différent, le DG doit donc s’entourer de gens qualifiés, capables de développer les formules qui permettront à Vegas d’utiliser cet outil correctement et de définir le cadre dans lequel la direction y aura recours. Pour ce faire, l’ancienne tête pensante des Caps a ainsi procédé à une embauche particulièrement importante afin de compléter son état-major.

Misha Donskov, l’homme à tout faire

Enrôlé à l’automne 2016 dans l’optique d’aider l’équipe à préparer le repêchage d’expansion, Misha Donskov officie à Las Vegas comme directeur des opérations hockey. Binational russe et américain, le dirigeant possède un parcours assez original, comme présenté dans ce papier de Sports Illusrated signé Alex Prewitt. Doté d’une petite expérience de joueur, notre homme s’offre un cours passage en Europe au début des années 2000 (un an en Suède et une autre saison en Norvège). Revenu à la maison, Donskov travaille ensuite aux côtés de son père, au sein de l’école de hockey familiale, basée à Columbus. Diplômé en administration des affaires à l’Université Miami dans l’Ohio, il obtient par la suite un master en kinésiologie à l’Université de Western Ontario.

Petit à petit, Donskov va revenir au hockey, après un passage au sein d’une compagnie d’équipement médical. Il dirige des camps d’été pour les Blue Jackets, puis les Thrashers, avant d’obtenir un poste de coach assistant au sein des Knights de London, dans l’OHL. Devenu assistant-DG dans la foulée, il rejoint les 67’s d’Ottawa et effectue le même parcours. Finalement, c’est en débarquant en 2014 comme haut-dirigeant pour Hockey Canada qu’il finit par croiser la route de George McPhee, lequel est vite impressionné par son incroyable polyvalence. Analyste vidéo à ses débuts, Donskov parvient ensuite à développer une application permettant aux membres de l’équipe technique de rester en contact au cours de la saison de LNH, et surtout, il développe le portail analytique de l’organisation.

D’après Scott Salmond, qui agit à titre de Vice-Président des opérations hockey pour l’Unifolié, son désormais ex-collaborateur est un  »fit » parfait pour la franchise des Golden Knights :

« Ce qui rend Misha aussi spécial, c’est sa faculté à se connecter avec les gens » note-t-il dans un entretien avec Steve Carp, du Las Vegas Review-Journal. « D’une certaine manière, ici, nous sommes un peu comme Vegas, puisque nous assemblons une nouvelle équipe, sauf que nous faisons cela tous les ans. Et lorsque l’on fait tout ça, on tient à s’entourer des bonnes personnes, comme Misha. C’est un coach, un directeur général, un dépisteur. Il peut faire ce qu’il veut. Les analytiques, ce n’est qu’une partie de ce qu’il est. Je l’ai souvent décrit comme notre  »couteau suisse », parce que ça colle bien. En matière de management, il n’y a rien qu’il ne puisse faire. Il est aussi polyvalent que ça. »

Toutefois, ce sont bien ses connaissances dans le domaine des statistiques avancées qui seront mises à contribution dans le Nevada, où George McPhee possède une grande confiance en lui. Et non content de lui confier la tâche de développer le secteur analytique des Golden Knights, le DG lui fixe également un cap:

« Nous avons nos fournisseurs et nos analystes. Il y a des moments où, en tant que directeur général, on n’est pas sûr de nous sur certains joueurs, ou sur une certaine opération… ou sur ce qu’une équipe fait. On peut alors travailler avec ces données, et cela nous donne une partie de l’histoire » assure-t-il au site officiel de l’équipe. « Cela nous permet de poser davantage de question. Et meilleures sont les questions, meilleures sont les réponses. »

En clair, les statistiques avancées sont pour McPhee un outil de décryptage, qui peut permettre d’apporter des précisions sur une problématique particulière. Le travail des analystes ne s’arrête d’ailleurs pas à l’évaluation individuelle des joueurs, mais aussi à l’appréciation d’un collectif adverse. S’il ne souhaite pas dévoiler les formules qu’il utilise pour mener à bien ces prérogatives, Donskov a bien voulu expliquer quelle était sa vision du rôle à donner aux stats avancées dans son organisation. Simple, sa doctrine se veut tout sauf sectaire:

« C’est un atout, à la fois pour soutenir notre vision sur plusieurs choses, mais aussi pour affiner notre évaluation sur certains joueurs, ou certaines équipes et creuser tout ça plus profondément. On ne l’utilise pas pour prendre des décisions arbitraires » explique-t-il au Review-Journal. « Nos dépisteurs peuvent passer un nombre d’heures incalculable à regarder et évaluer des joueurs. Ils connaissent et comprennent leurs forces et leurs faiblesses mieux que quiconque. Les analytiques nous offrent une perspective supplémentaire, une information basée sur les données. »

Une vision des choses non-dogmatique, qui vise avant tout à utiliser les statistiques avancées comme un élément à prendre en compte dans l’appréciation du jeu. De cette manière Donskov, qui reste relativement jeune (40 ans), peut se permettre d’éviter la confrontation avec une vieille garde moins acquise à la cause des analytiques. Et ainsi, faire respecter son point de vue au sein de l’organisation.

Et Gerard Gallant dans tout ça?

L’entente inter-générationnelle sera à coup sûr un enjeu important au sein de l’état-major des Golden Knights. Outre Donskov, un analyste tel que Tom Poraszka, connu pour avoir géré pendant plusieurs saisons le fameux site internet GeneralFanager.com, apportera sa touche statistique et mathématique à l’heure de prendre des décisions lors du repêchage d’expansion. De leur côté, des personnalités comme Kelly McCrimmon (assistant DG), la patron historique des Wheat Kings de Brandon, Scott Luce (directeur du dépistage amateur), ou David Conte (conseiller spécial / scout pro), l’ex-bras droit de Lou Lamoriello aux Devils, apporteront une vision plus classique à George McPhee.

L’autre challenge sera bien-sûr de créer une symbiose entre le département analytique et l’équipe technique du coach Gerard Gallant. Cette question est évidemment intrigante, l’ancien entraîneur-chef des Panthers ayant fait la une cet automne, lorsqu’il était question de sa frilosité vis-à-vis des stats avancées, évoquée comme la raison principale de son congédiement en Floride. Depuis, le natif de l’Île-du-Prince-Édouard a eu l’occasion de revenir sur cette controverse, en entrevue avec Pierre LeBrun, pour ESPN:

« Ce n’était pas vraiment à cause des analytiques. Pour moi, cela fait assurément partie du travail de coach, mais ce n’est pas tout non plus. Dans mon esprit, si j’accepte un poste, les analytiques en font bien-sûr partie, je dirais 25 à 30% du temps, peu importe le pourcentage que vous souhaitez mettre sur ça » a-t-il avancé. « C’est un outil, sans aucun doute. Si on récupère la bonne information, on en est très heureux. Tous les coachs utilisent les analytiques, on passe tous par les mêmes choses. »

Aussi, le technicien assure que son licenciement tient davantage à une question de personnalité, que d’approche sur le sujet:

« Je n’ai pas été viré à cause des analytiques. J’ai adoré entraîner en Floride, mais je suis un gars têtu parfois ; peut-être que j’en ai dit un peu trop, peut-être que j’ai un peu trop fait part de mon opinion » a-t-il concédé. « Lorsqu’ils m’ont demandé ce que je pensais, j’ai peut-être été trop honnête, et parfois ça ne vous aide pas. Peut-être que ce n’était pas toujours ce qu’ils voulaient entendre. À partir de là, je ne sais pas trop ce qui s’est passé… »

Ainsi, Gallant ne se considère pas comme un réfractaire aux statistiques avancées. En revanche, les chiffres postés par ses équipes ne laissent en aucun cas l’impression que sa philosophie de jeu soit très  »analytics friendly ». Alors que les indices de possession sont primordiaux de ce point de vue, sa formation des Panthers, si brillante il y a un an, n’a posté qu’un Corsi de 48,70% à 5-contre-5 lors de l’exercice 2015/16, bon pour le 20e rang de la Ligue Nationale. En matière de tirs aux buts, les Floridiens se classaient en 26e position (1,798). Toutefois, Gallant avait su bien structurer défensivement son escouade pour qu’elle ne concède guère trop de chances de marquer, tout en misant sur un pourcentage aux tirs redoutable de 8,84%, le deuxième meilleur de la LNH cette saison-là, derrière les Rangers (8,95).

Toutefois, rien n’indique que sa relation avec Donskov et le reste du département analytique en sera forcément glaciale. Comme vu précédemment, l’ambition principale de McPhee et de ses collaborateurs est d’utiliser les stats avancées comme un moyen d’évaluer joueurs et équipes adverses, sans que cela ne vienne nécessairement dicter une philosophie de jeu précise à la formation alignée par Gallant. Il y a fort à parier que le technicien canadien aura les mains libres pour faire jouer son équipe comme il l’entend, pour peu que celle-ci présente des résultats décents. Coach émérite, Gallant devra prendre les recommandations de sa direction avec diplomatie, tout en bénéficiant de ces conseils pour s’aiguiller au mieux vis-à-vis du style qu’il vise à implanter à Vegas.

À l’arrivée, la relation qui lie la nouvelle organisation des Golden Knights aux analytiques est à l’image de la haute-direction elle-même : en gestation, mais déjà marquée par les expériences des uns et des autres. Avec McPhee et Donskov aux commandes, la franchise semble embrasser sans réserve ce mouvement de plus en plus populaire à travers la LNH. À eux, désormais, de transformer cette tendance moderne en approche gagnante.

Sources Statistiques: Puckalytics.com

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