Faut-il blâmer Jared Bednar?
La saison galère de l’Avalanche du Colorado se poursuit, avec une nouvelle défaite concédée hier après-midi face aux Prédateurs de Nashville (3-2). Cette fois-ci, les locataires du Pepsi Center ont laissé filer une avance de deux buts, laissant le soin à leurs adversaires de revenir dans le match, avec notamment une réalisation du revenant Cody McLeod, tout juste transigé dans le Tennessee. L’organisation piétine, et malgré la présence de plusieurs noms d’envergure dans l’alignement, les résultats sont désastreux. Pourtant, dans le battage médiatique qui entoure actuellement la franchise, une figure demeure plutôt épargnée, celle du coach, le novice Jared Bednar.
Amené en catastrophe durant la saison morte pour pallier au départ surprise de Patrick Roy, l’ancien entraîneur-chef des Monsters du Lac Érié en LAH (devenus depuis les Monsters de Cleveland) est arrivé à Denver auréolé d’une Coupe Calder et d’un statut de technicien d’avenir. Une embauche qui faisait sens, d’autant que Bednar a tenu, dès ses premières sorties devant la presse, un discours relativement séduisant. Prenant acte de la mutation de la LNH vers une ligue basée sur la vitesse et l’efficacité des transitions, le nouveau technicien des Avs a alors promis de cultiver une identité conforme à ces critères:
« Je pense que mon style fonctionne dans le jeu tel qu’on le pratique aujourd’hui » confiait-il, au mois d’août, à Josh Cooper, de Yahoo Sports. « Je pense qu’on se doit d’avoir une équipe agressive, car le jeu s’accélère chaque jour. Il faut donc jouer avec un tempo soutenu. Il faut attaquer. »
De l’agressivité, l’Avalanche devait également en produire sur le plan défensif, en misant sur cette implication collective afin d’endiguer les offensives adverses. Pourtant, après une demi-saison aux commandes, le règne de Bednar dans les Rocheuses laisse pour l’heure un bilan exécrable. Engluée au dernier rang de la Ligue Nationale, pire attaque, 28ème plus mauvaise défense, son équipe pratique un hockey sans âme, et tous les partisans tournent déjà leur regard vers des échéances hors-glace : la date limite des transactions, dans un premier temps, puis le repêchage, où le Colorado pourrait bien hériter du premier choix. D’une certaine manière, le jeu pratiqué sous Bednar n’est plus au cœur des discussions, et sa tactique passe ainsi au second plan sur le radar des observateurs.
Pourtant, ce qui nous est actuellement présenté laisse franchement à désirer. Inconstante, la brigade arrière du Colorado (qui aligne pourtant des joueurs intéressants comme Tyson Barrie, Erik Johnson ou Nikita Zadorov) manque d’intensité physique, concède des échappées, tarde à nettoyer l’enclave et récupérer les rebonds laissés par Varlamov… Le portier russe, s’il n’est pas irréprochable, n’est donc pas très aidé cette saison. Offensivement, c’est également ce manque de rythme qui pénalise l’équipe, Nathan MacKinnon et Matt Duchene s’attachant à faire de leur mieux pour pallier le vide généré par un bottom-6 défaillant. Au final, c’est bien l’agressivité qui semble faire défaut à l’ensemble de l’alignement dirigé par Jared Bednar.
Une équipe mal assemblée, pour des résultats en berne
Malgré tout, plusieurs éléments viennent décharger le technicien canadien de sa responsabilité dans cette déroute. Tout d’abord, l’Avalanche étant clairement en voie de jouer son va-tout au prochain repêchage, il est logique que l’implication collective en souffre. De plus, au vu des différentes rumeurs qui entourent certains cadres de l’équipe (parmi lesquels Gabe Landeskog, Matt Duchene, Jarome Iginla ou, plus récemment, Erik Johnson), il est là-encore normal de voir leur motivation en pâtir. Tout ça n’explique cependant pas la mauvaise passe ayant affecté le Colorado cet automne, lorsque la franchise pouvait encore croire aux Séries. D’autant qu’avec plusieurs joueurs de renom sur le front de l’attaque, l’Avalanche n’apparaissait pas non plus totalement démunie au moment d’entamer cette saison. Mais rapidement, des difficultés à générer un jeu solide des deux côtés de la patinoire sont venues assombrir le ciel de Denver, avec une profondeur offensive largement questionnée par les observateurs. Nombreux sont ceux qui ont ainsi épinglé la politique sportive menée par Joe Sakic, qui a consenti nombre de contrats discutables à des vétérans improductifs. Il y a l’exemple Iginla, qui à 5,33 M$ la saison coûte encore cher à l’organisation, mais aussi les cas Carl Soderberg (4,75 M$), François Beauchemin (4,5 M$), Blake Comeau (2,4 M$) ou Joe Colborne (2,5 M$).
Un effectif bâti sur un postulat bien éloigné des préceptes de Bednar. Ainsi, l’entraîneur-chef a clairement hérité d’une équipe imparfaite, dont la chute a d’ailleurs débuté sous le règne de Patrick Roy, et risque donc de se poursuivre jusqu’à ce que la franchise se purge de quelques contrats, et reconstruise sur une base plus jeune. Alors qu’au moment de son embauche, le coach a clairement indiqué que l’accent serait mis sur la vitesse, il a cependant dû faire fonctionner une équipe où de nombreux attaquants s’illustrent par la lenteur de leur patinage. En revanche, il est bon de prendre en note que Sakic semble avoir compris le besoin d’une mutation sur le front offensif, réclamant récemment Matt Nieto au ballottage, un attaquant de profondeur réputé pour sa rapidité. Agent libre avec restriction à la fin de l’année, l’ancien Shark pourrait être l’un des éléments que Bednar souhaitera conserver d’ici les prochaines saison, au même titre que Mikhail Grigorenko, qui aura peut-être une chance de se faire valoir dans le futur au sein d’une équipe des Avs plus conforme à l’idéologie de son entraîneur.
Finalement, l’avenir de Jared Bednar à Denver n’est donc pas menacé dans l’immédiat. À la tête d’une formation qui n’a pas été construite en accord avec sa philosophie, son historique victorieux dans les mineures et la modernité de son discours sont autant d’éléments qui laissent à penser que notre homme mérite d’avoir sa chance sur une période plus longue. D’autant que dès l’an prochain, il devrait avoir dans son alignement l’un des espoirs les plus attendus du prochain repêchage, tout en dirigeant une équipe qui sera peut-être plus proche de ses principes. C’est à ce moment, seulement, que Bednar pourra pleinement prouver sa valeur de coach.
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