Gerard Gallant, l’histoire d’un coach | Partie 2, de Saint John à Las Vegas, l’éclosion d’un coach d’élite
Suite et fin de notre portrait grand format de Gerard Gallant, entamé hier sur le site. Aujourd’hui nous nous concentrerons sur l’aventure du technicien en LHJMQ, à la tête des Sea Dogs de Saint John, sur son retour en LNH avec les Panthers et sur son séjour à Las Vegas.
Pour rappel, la première partie de ce dossier est à lire ici: Gerard Gallant, l’histoire d’un coach | Partie 1, l’exploit de Summerside et les ratés de Columbus
Nouveau départ et succès chez les Sea Dogs
Été 2009. À Saint John, dans le Nouveau-Brunswick, l’équipe locale de LHJMQ entame sa mue. Pour sa cinquième saison d’existence, la franchise se réinvente avec plusieurs arrivées importantes. Jonathan Huberdeau, Tomas Jurco, Zack Phillips, Stanislav Galiev, Mike Hoffman… Tous ces noms viennent enrichir l’alignement d’une équipe qui vient également d’enrôler un nouvel entraîneur-chef.
Fraîchement débarqué de New York, Gerard Gallant se tient prêt à relancer sa carrière de coach dans une catégorie d’âge qu’il connaît bien. Plus de dix ans après avoir remporté le titre national de Junior A à Summerside, notre homme s’apprête désormais à découvrir le circuit Courteau. Un autre niveau, mais une expérience similaire, à la tête d’une équipe de jeunes joueurs encore en développement.
Ici aussi, la « Summerside Connection » entre en action pour permettre d’attirer le tacticien sur le projet. Au poste de directeur général, on retrouve en effet Mike Kelly, un autre natif de la cité insulaire. Rapidement, le courant passe entre les deux hommes, qui travaillent à établir un climat de confiance au sein de l’organisation. Greg Leland, entraîneur-assistant de Gallant durant l’ensemble de son passage chez les Sea Dogs, se souvient ainsi d’un tandem capable de déléguer d’entrée, même en phase de reconstruction:
« Cette année-là, lors du repêchage à Moncton, Mike et Gerard ont simplement laissé les dépisteurs gérer les sélections » nous explique-t-il. « Ils leur ont permis de choisir les joueurs qu’ils avaient observé toute l’année, et de prendre ceux qu’ils voyaient comme les meilleurs »fits » pour notre organisation. C’était le premier signe de ce que Turk et Mike voulaient vraiment faire. Engager les bonnes personnes et leur faire confiance pour faire leur travail. Au vu du succès qu’on a connu au cours des trois saisons suivantes, je dirais que c’était probablement la bonne méthode. »
Fort de son expérience à Columbus, c’est un Gallant endurci qui débarque sur les bancs du junior majeur, mais avec toutefois cette pointe d’humanité qui le caractérisait déjà lors de ses débuts chez les Western Capitals:
« Après avoir évolué dans la LNH durant tant d’années, comme joueur et comme coach, Gerard était pleinement conscient du côté »business » de ce sport » relève Leland. « Mais, même si cet aspect existe aussi dans la LHJMQ, j’ai tout de suite compris qu’il ne voyait pas les joueurs comme de simples éléments, et qu’il comprenais aussi qu’ils restaient des adolescents, qui essayaient de trouver leur voie, dans le hockey et en dehors. »
Petit à petit, la « méthode Gallant » s’impose à Saint John, où l’entraîneur perfectionne sa gestion des joueurs, faite de proximité et de dialogue. À travers l’organisation, le coach instaure une culture où le respect tient une place importante. Cette apparente décontraction cache, en revanche, une volonté farouche d’obtenir des résultats. Notre homme se veut franc, et mise sur l’honnêteté pour maintenir des rapports professionnels sains avec son groupe:
« Turk était amical avec les joueurs, mais en même temps, il n’avait aucun problème pour les tenir responsables de leurs actes lorsqu’il le fallait. Ce que j’ai noté, c’est qu’il n’y avait jamais de rancunes, de colères ou de doutes persistants » explique Leland. « Il allait constamment communiquer avec ses joueurs, individuellement ou en groupe, pour clarifier ses idées, tout en les supportant peu importe les circonstances […] Je pense qu’il n’avait pas oublié ce que c’était de jouer à cet âge, en junior majeur. ».
Un leader apprécié par sa jeune escouade, mais dont le comportement fédérait également à l’intérieur de la franchise. En restant à l’écoute de ses collaborateurs, Gallant parvenait ainsi à valoriser leur apport:
« Il y avait un respect mutuel entre Turk et ses joueurs, mais c’était pareil avec tout le monde au sein de l’équipe technique, de l’organisation et même avec les gens de la patinoire, les partisans, le reste du staff… Il est comme ça, c’est tout » ajoute Leland. « Turk montrait du respect envers tout le monde, même ceux qu’il ne désirait pas vraiment avoir avec lui. Il faisait en sorte que tous les membres de l’équipe se sentent valorisés, chacun pouvait apporter sa contribution. Il écoutait, puis prenait sa décision. »
Un environnement agréable, où les collègues peuvent rirent, se taquiner, mais savent aussi à quel moment se mettre sérieusement au travail. Et toujours cette capacité à déléguer, à ne pas interférer, qui semble faire de Gallant un entraîneur-chef apprécié par ses collaborateurs…
Mais ce qui importe, au bout du compte, ce sont les résultats sur la glace. Et rapidement, le travail de l’équipe technique de Saint John porte ses fruits. Pour leur première campagne de LHJMQ, les Sea Dogs version Gallant postent le meilleur bilan de la saison régulière. Un succès qui sera dupliqué en Séries Éliminatoires, où la troupe du Nouveau-Brunswick réalise un parcours brillant, jusqu’à sa défaite en finale de la Coupe du Président contre les Wildcats de Moncton.
Malgré tout, le travail de Gallant attire l’attention, et le coach conclu cet exercice 2009/10 auréolé du Trophée Brian Kilrea, décerné au meilleur entraîneur de la Ligue Canadienne de Hockey. Il faut dire que sous son mandat, les Sea Dogs ne se contentent pas d’obtenir des résultats, mais développent aussi un style attrayant et efficace. Peu dogmatique, »Turk » recherche avant tout à obtenir de ses joueurs une implication sans faille dans tous les compartiments du jeu:
« Il ne veut pas que son équipe se repose et attende que l’adversaire dicte le rythme » relève Leland. « Il veut que ses joueurs aient faim de puck, qu’ils défendent avec passion et qu’ils travaillent dans les trois zones. […] C’est lié au fait qu’il jouait ses quatre lignes et ses six défenseurs de la même manière, et qu’il n’avait pas peur de tous les utiliser contre n’importe quelle ligne adverse. Cela les incitaient à jouer sur un tempo soutenu, sans oublier la confiance que ça pouvait donner à chaque joueur. »
Si, de l’aveu de Leland, Gallant se focalise davantage sur des valeurs de combat que sur des principes techniques très précis, c’est aussi cette exigence vis-à-vis de ses troupes qui lui permet d’obtenir un certain succès. Une intransigeance qui reste néanmoins couplée à une gestion humaine proche des joueurs, via laquelle l’entraîneur met l’accent sur des éléments positifs. Chez les Sea Dogs, cette approche fut par exemple appliquée aux séances de vidéo, que Leland a souvent supervisé:
« Lorsque nous faisions de la vidéo à Saint John, ce qui n’était pas aussi fréquent que chez d’autres équipes, c’était du positif à 95% » note l’ex-coach assistant. « Les entraîneurs consacrent souvent beaucoup de temps et d’énergie à enseigner des choses à leurs joueurs… et on les entend dire qu’ils veulent que leur équipe joue de la »bonne manière ». Et bien, pour nous, la vaste majorité des extraits que nous mettions en avant montraient nos gars en train de faire quelque chose de bien. »
Et si jamais le propos devait se montrer plus dur, Gallant et ses collègues veillaient toujours à préserver le moral des joueurs et l’unité de l’équipe:
« Nous montrions rarement des exemples de mauvais jeux, ou des extraits qui auraient mis en avant un joueur de manière négative. Si nous l’avons fait, c’était toujours en rappelant que l’erreur commise par untel ou untel dans le clip avait été répétée par toute l’équipe. Aussi, aucun joueur ne se sentait isolé ou pointé du doigt » relève Leland. « Nous n’utilisions pratiquement jamais des extraits de l’autre équipe, mis à part peut-être de leurs unités spéciales. Gerard disait toujours que l’important, c’était nous, et ce que nous devions faire pour avoir du succès. »
C’est donc forts de cette philosophie particulière que les Sea Dogs entament leur saison 2010/11. Si quelques incertitudes existent après les départs de deux de leurs trois meilleurs pointeurs durant l’été (Mike Hoffman et Nick Petersen), l’alignement trouve rapidement son rythme de croisière, dans le sillage d’un énorme Jonathan Huberdeau (105 points en 67 matchs pour sa deuxième saison en junior).
Une nouvelle fois en tête à l’issue de la saison régulière, les locataires de l’Harbour Station débutent leur parcours en Séries Éliminatoires de manière tonitruante, avec une victoire 10-0 à domicile face aux Screaming Eagles de Cap-Breton. Un coup de force annonciateur des succès à venir pour les hommes de Gerard Gallant, qui s’offrent un balayage logique de leurs adversaires en première ronde.
Dans la lignée de cette performance, les Sea Dogs parviennent ensuite à disposer sans trop de mal des Tigres de Victoriaville (4-1), puis des MAINEiacs de Lewiston (4-0) pour se hisser jusqu’en finale de la Coupe du Président. Face à eux se dressent les Olympiques de Gatineau, classés 5èmes lors de la saison régulière, et emmenés par un certain Jean-Gabriel Pageau. Plus accrochée, la série sera néanmoins remportée en six rencontres par Saint-Jean, qui s’offrit tout de même quelques sueurs froides lors de son ultime déplacement dans la Belle Province.
Menés 2-1 à 23 secondes du terme, les Sea Dogs s’en remirent à Jonathan Huberdeau pour égaliser et envoyer le match en prolongations. Le but gagnant fut ensuite inscrit par l’attaquant Alexandre Beauregard, après deux périodes en surtemps. Huberdeau, lui, reçu logiquement le titre joueur par excellence des Séries, après avoir cumulé 30 points, dont 16 buts, en seulement 19 matchs.
Sous la houlette de Gallant, le jeune québécois semble d’ailleurs en passe de se développer en véritable joueur-étoile. Auteur de seulement 35 points lors de sa première campagne dans le Nouveau-Brunswick, le natif de St. Jérôme est devenu l’un des acteurs majeurs de l’alignement dès la saison suivante. Une éclosion couvée avec attention par le technicien, qui gère parfaitement son poulain:
« Gerard a reconnu le type de talent particulier qu’était Jonathan » explique Leland. « Il a travaillé avec lui soigneusement, patiemment, en le plaçant dans des situations où il était en mesure de réussir. Cela lui a permis de gagner en confiance et à l’entame des Séries, il était l’un de nos meilleurs éléments, si ce n’est le meilleur. »
Une réussite d’autant plus remarquable lorsque l’on sait que les Sea Dogs ont d’abord dû batailler pour l’attirer sur les rives de l’Atlantique:
« Jonathan ne s’était pas engagé à venir à Saint John lorsque nous l’avons repêché » note Leland. « Malgré son talent, sa famille donnait une grande importance à l’éducation. Certes, il avait été choisi en première ronde (18ème en 2009), mais il a fallu s’impliquer pour le convaincre de se rapporter aux Sea Dogs. Puisque j’étais en charge du programme d’éducation au sein de l’équipe, et comme ma femme est originaire de Montréal, enseignante et bilingue, nous sommes naturellement devenus sa famille de pension. Il pouvait parler français tout en apprenant l’anglais, et il pouvait recevoir du soutien scolaire en cas de besoin – ce qui n’était jamais le cas. »
Dans cet environnement adapté, Huberdeau brille et ses Sea Dogs font office de prétendants sérieux à la Coupe Memorial 2011. Avec un bilan de 2 victoires (contre Mississauga et Owen Sound), pour 1 défaite (face à Kootenay), les représentants de la LHJMQ arrivent en tête de la ronde préliminaire, validant ainsi leur ticket pour la finale.
Opposés St. Michael’s Majors (aujourd’hui connus sous le noms de Steelheads), dans leur antre du Centre Hershey, les joueurs de Gerard Gallant maîtrisent alors le rythme de cet ultime rencontre. C’est d’abord Simon Després qui donne l’avantage aux siens, sur un but inscrit à 4-contre-5. Le deuxième filet est ensuite l’œuvre de Zack Phillips: placé dans l’enclave, l’ailier profite de l’excellent travail de ses deux partenaires, Michael Kirkpatrick et Jonathan Huberdeau, pour tromper le portier adverse. Enfin, c’est Huberdeau qui vient signer le troisième et dernier but des siens dans la dernière période (sur un 2-contre-1), mettant fin aux espoirs de Mississauga, qui avait pourtant réduit la marque plus tôt par l’intermédiaire de Riley Brace.
Alors, la pression pouvait retomber, et les Sea Dogs contempler leur œuvre. En ce soir de mai 2011, Saint John devenait la première équipe des Maritimes à avoir remporté la Coupe Memorial. Le capitaine, Robert Thomas, ainsi que son fidèle lieutenant Michael Kirkpatrick, finirent tous les deux leur longue carrière de junior majeur avec le trophée tant convoité entre les mains. Tomas Jurco (6 pts) et Zack Phillips (5 pts) se firent une place dans le top-10 des meilleurs pointeurs du tournoi. Quant à Huberdeau, il obtint une nouvelle fois le titre de joueur par excellence des Séries, en glanant le Trophée Stafford Smythe.
Pour Gallant aussi, le bilan était flatteur. En plus d’avoir mis la main sur un précieux titre national, le technicien de Saint John s’était également vu décerné, pour la deuxième fois d’affilée, le titre de coach de l’année en LCH. Après cette saison spectaculaire, »Turk » rempila pour une troisième et dernière campagne chez les Sea Dogs. Toujours aussi redoutables, ses hommes remportèrent une deuxième Coupe du Président, sans parvenir à confirmer lors du tournoi de la Coupe Memorial 2012, soldé par une élimination en demi-finale contre les Cataractes de Shawinigan (7-4).
Au bout du compte, le passage de Gallant à Saint-Jean se résumera en une formidable aventure humaine. Une époque que Greg Leland n’est pas prêt d’oublier:
« Lorsque j’ai récupéré un poste à temps plein avec les Sea Dogs en 2010/11, nous étions dans la seconde année d’un incroyable parcours de trois ans. Nous avons posté trois campagnes d’affilée à plus de cinquante victoires, ce qui est assez fort au niveau junior majeur » avance-t-il. « Il y a tellement de joueurs avec lesquels on développe des affinités, jusqu’à rester en contact, encore aujourd’hui. C’est très réjouissant de voir autant d’anciens joueurs […] atteindre leur rêve et rejoindre la LNH. C’est tout aussi gratifiant de voir […] d’autres gars partir à l’université et devenir des athlètes-étudiants à succès. D’autres deviennent de bons ambassadeurs pour leur communauté. Ils deviennent pères, fondent une famille et parce qu’ils sont de bonnes personnes… ils ont un impact en transformant les gens autour d’eux pour le meilleur. »
Le genre d’héritage que chaque coach espère laisser après son passage dans une organisation…
De la Floride à Las Vegas, que retenir du style Gallant?
Les succès de Gallant à Saint John ne sont pas passés inaperçus à travers la LNH. En 2012, le tacticien des Sea Dogs fini par valider son retour sur le circuit Bettman, en obtenant le rôle d’assistant aux côtés du nouveau coach montréalais, Michel Therrien. Bien qu’en quête d’un poste d’entraîneur-chef, Gallant est forcé de se résoudre à rejoindre une équipe des Canadiens où il possède quelques connections, comme il l’explique à l’époque au journal Acadie Nouvelle:
« Marc (Bergevin) et moi avons joué deux saisons à Tampa Bay et nous habitions sur le même parcours de golf, alors nous nous rendions ensemble à l’aréna » avance-t-il. « Peut-être mon nom a-t-il glissé dans une discussion qu’il a eue avec Michel ? »
Fort de ce contact avec le DG du Canadien, Gallant pose donc ses valises aux abords du Centre Bell et récupère, entre autres, la charge d’organiser le jeu de puissance des Habs. Après deux années de bons et loyaux services, le technicien fini toutefois par voir une nouvelle opportunité s’offrir à lui. En Floride, le haut-dirigeant Dale Tallon cherche à embaucher un coach pour succéder à Peter Horachek, sur le départ après avoir lui-même remplacé Kevin Dineen en cours de saison.
Préféré à Dan Bylsma, Gallant s’embarque donc, à l’été 2014, dans sa deuxième aventure à titre d’entraîneur-chef dans la LNH, près de sept ans après son départ de Columbus. Rapidement, le coach commence à imprimer sa marque sur l’organisation. Toujours en poste à Saint John, son ancien collègue Mike Kelly est débauché par les Panthers, qui lui confient une place dans l’équipe technique du nouveau coach. Quant aux joueurs, ils découvrent un tacticien toujours aussi proche de ses hommes:
« J’ai dit au gars l’autre jour que ce que je veux, c’est avoir des bonnes personnes au sein de l’équipe » explique Gallant à The Hockey News, peu après sa nomination. « Je ne veux pas venir ici chaque jour sans être heureux. On est là pour gagner et travailler dur… mais il faut savoir être soit-même. Personnellement, j’aime venir à la patinoire pour prendre du plaisir, bien travailler et faire en sorte que l’équipe soit compétitive. Je veux que ce soit pareil pour les joueurs. Je suis un coach avec qui il est facile de s’entendre. »
La suite, vous la connaissez. À Sunrise, Gallant hérite d’un effectif jeune et prometteur, au sein duquel il retrouve son ancien poulain Jonathan Huberdeau. Manquant les tournoi printanier pour sept points durant sa première saison, les Panthers se reprennent l’année suivante et arrivent en tête de la Division Atlantique. Le Séries 2016 se termineront néanmoins sur une note amère, la troupe floridienne se faisant éliminer en première ronde par les Islanders d’un énorme John Tavares.
Puis, la campagne 2016/17 démarre, et si Gallant reste aux commandes, il n’en est pas moins fragilisé par les ruptures internes qui tourmentent la direction de la franchise. Minés par les blessures, ses joueurs postent un début de saison décevant, qui conduira finalement au renvoi brutal de l’entraîneur-chef, accompagné de son adjoint, Mike Kelly. Ce choix polémique, pris sur fond de débat concernant l’utilisation des statistiques avancées dans le hockey, enflammera rapidement la planète LNH.
Alors que le nouvel état-major des Panthers semble souscrire à cette approche analytique, Gallant, lui, est vite érigé en symbole d’une vieille garde plutôt hostile à ce nouveau mouvement. Pourtant, le natif de Summerside reconnaît lui-même que les stats lui sont d’une certaine utilité dans son travail d’entraîneur:
« Pour moi, cela fait assurément partie du travail de coach, mais ce n’est pas tout non plus. Dans mon esprit, si j’accepte un poste, les analytiques en font bien-sûr partie, je dirais 25 à 30% du temps, peu importe le pourcentage que vous souhaitez mettre sur ça » expliquait-il quelques mois plus tôt à Pierre LeBrun, pour ESPN. « C’est un outil, sans aucun doute. Si on récupère la bonne information, on en est très heureux. Tous les coachs utilisent les analytiques, on passe tous par les mêmes choses. »
Une vision des choses soutenue par son ex-adjoint Greg Leland:
« Turk serait le premier à vous dire que cette nouvelle tendance visant à incorporer les analytiques dans le jeu peut contribuer à l’amélioration d’une équipe ou d’un joueur » nous indique-t-il. « Mais en même temps, il existe des qualités telles que l’éthique de travail, la détermination, la solidarité entre coéquipiers ou la culture de vestiaire, qui ne peuvent pas être quantifiées par des chiffres. »
Ces qualités, défendues par Gallant depuis ses débuts d’entraîneur, restent, encore aujourd’hui, au cœur de ses récents succès. Depuis son arrivée à Las Vegas au printemps dernier, le coach a trouvé le discours juste pour fédérer un vestiaire créé de toute pièce durant la saison morte.
Motivateur accompli, il a su puiser dans son parcours personnel pour parvenir à tirer le meilleur d’une équipe désavantagée sur le papier. En misant sur la fierté de ses joueurs, et sur leur envie de donner tort à leurs détracteurs, le coach est parvenu à faire des Golden Knights la grande surprise de l’exercice actuel. Une expérience qui en rappelle d’autres dans sa carrière:
« Turk a bien utilisé le côté »outsiders » avec notre équipe » se souvient Mike White, qui a joué sous ses ordres à Summerside. « Il nous a motivé avec ça, ainsi qu’avec le fait que les observateurs nous avaient mésestimé en ne nous incluant dans aucun classement national avant la Coupe Royal Bank. Je l’imagine bien utiliser le même type de motivation avec les joueurs de Vegas. Leurs anciennes équipes les ont blessé en les laissant partir, donc pourquoi ne pas jouer pour leur donner tort? Les joueurs performeront mieux s’ils ont quelque chose à prouver. »
Mais le cœur du style Gallant, au-delà d’un simple exercice de motivation, réside aussi dans sa faculté à gérer individuellement chaque joueur, en faisant preuve d’une psychologie appréciable:
« Le meilleur attribut de Turk en tant que coach, selon moi, c’est sa capacité à exploiter les talents de ses joueurs en les plaçant dans des rôles qui leurs conviennent, en en sachant quels leviers actionner pour le faire » ajoute White. « Il était respecté de manière unanime par chaque joueur de l’alignement, de l’attaquant de premier trio au septième défenseur. »
Impliquer tous les membres de l’équipe, leur permettre de se sentir essentiels au groupe… Des principes qui semblent coller à ce que l’on voit actuellement à Vegas, où la formation de Gallant mise sur une attaque équilibrée et une défensive solidaire pour inquiéter sans cesse l’ennemi. L’implantation de cette stratégie, plutôt payante, est également facilitée par la personnalité de l’ancien Red Wing, qui reste ce leader clément, proche de ses hommes:
« Je suis sûr que ses joueurs rejoignent chaque jour la patinoire pour travailler dur, en appréciant l’ambiance » indique Greg Leland. « Turk cherche vraiment à utiliser tous ses joueurs, en trouvant à chacun le rôle qui convient le mieux à son jeu et au jeu de l’équipe. Ainsi, les joueurs sentent tous qu’ils ont pu contribuer collectivement, les egos sont mis de côté et Turk parvient à leur instiller cette idée qu’un groupe avec une vraie éthique de travail aura chaque soir une chance de gagner. »
C’est donc cette mentalité qui semble être à l’origine des succès de Gallant, mais aussi de l’impact qu’il a pu laisser sur les personnes ayant travaillées avec lui. Aujourd’hui, Mike White occupe le poste de coordinateur technique pour l’organisation « Hockey PEI », où il est en charge des différents programmes de développement (joueurs, coachs, etc…). Plus de vingt ans après son titre glané sous les ordres de Gallant, l’ancien joueur des Western Capitals ne cache toutefois pas l’influence que son ex-coach conserve sur sa vision des rapports professionnels:
« L’une des choses que j’ai apprise de Turk, c’est d’être toujours direct et honnête avec les gens » confesse-t-il. « Ils finiront par vous respecter pour ça. C’est comme ça qu’il était en tant que coach et que personne. Et c’est certainement quelque chose que j’essaie d’apporter dans mon rôle à Hockey PEI. »
Greg Leland, lui, dirige désormais sa propre équipe de Junior A, du côté de Campbellton, Nouveau-Brunswick. Toujours en contact avec Gallant, il ne fait aucun secret concernant l’impact de son ancien collaborateur sur son aventure personnelle:
« Nous faisons petit à petit de Campellton un endroit où les jeunes voudront venir. Cela prend du temps, de l’énergie et de l’engagement pour réussir, mais nous sommes sur la bonne voie. Cette année, il y a une vraie cohésion dans notre groupe, tout le monde contribue et prend du plaisir. Ça ne vous rappelle rien? » lance-t-il.
« Et pour en dire davantage sur le type de personne que Turk peut être, il appelle régulièrement et on prend des nouvelles l’un de l’autre » ajoute-t-il. « Il n’a jamais oublié d’où il venait, et il ne s’est jamais fait plus important que le jeu, ou que les gens avec lesquels il a pu travailler. C’est comme ça qu’on gagne le respect des autres, et j’en ai une abondance pour lui. »
C’est donc ce respect, teinté de communication et d’honnêteté, qui semble caractériser la méthode Gallant, quelle que soit l’époque. Nul doute qu’à Vegas, la troupe des Golden Knights aura été plus que réceptive au discours de ce coach pas comme les autres, qui aura fini, non sans efforts, par s’imposer comme l’un des profils les plus intrigants de sa profession.
Note: Je tiens à adresser un remerciement particulier à nos témoins Mike White et Greg Leland, pour leur patience, leur amabilité et leur disponibilité.
Source Additionnelle: sjseadogs.com, pour les résumés de matchs de la saison 2010/11 de Saint John.
Commentaires