Le vol du repêchage
Pour les recruteurs amateurs qui regardent une quantité phénoménale de hockey, tous les moyens sont bons afin de faire valoir son point de vue. Que ce soit avec des statistiques avancées ou des analyses vidéos poussées, l’important est de partager ses observations et de se faire comprendre. Le vocabulaire utilisé est ainsi capital, car même si une image vaut mille mots, il faut savoir comment diriger le lecteur afin que ce dernier comprenne l’essence du message véhiculé. Deux expressions que l’on voit énormément ces temps-ci sont les vols au repêchage et les « boom or bust ». Bien que ce soit des termes appliqués par tous, il faut faire attention à ne pas en exagérer l’utilisation. Parlons-en un peu.
Chaque année, les partisans des formations de la LNH clament haut et fort que leur équipe favorite a effectué les meilleures sélections au repêchage. Tous se renseignent comme ils le peuvent sur les jeunes et un rien suffit souvent à électriser les amateurs concernant les espoirs. C’est toujours risqué de se fier aux dires des autres sans avoir vu évoluer les espoirs, mais le tout demeure un exercice enrichissant pour ceux qui n’ont pas le temps de se taper des centaines d’heures de visionnement.
Pour décrire une sélection, tous les termes sont bons afin d’imager vos propos. Deux des expressions qui reviennent le plus souvent sont les vols et les « boom or bust ». C’est connu, on voit toujours des joueurs glisser pour diverses raisons tandis que d’autres jeunes trouvent une équipe beaucoup plus tôt que ce que la masse croyait.
Lorsqu’une équipe jette son dévolu tardivement sur un individu qui était vu beaucoup plus haut, la toile s’enflamme et les partisans clament le vol qualifié. C’est un phénomène qu’on voit beaucoup à Montréal, mais il est très commun partout dans la ligue. Espérer un meilleur futur n’est pas nécessairement maladif pour une communauté, mais quand le tout crée des attentes complètement irréalistes envers la relève, ça demeure un problème. C’est le risque qu’entraînent les journalistes, les pseudo-experts et autres médias qui aiment trop un joueur ou qui se fient sur les listes d’autrui. Le jeune est encensé, les espérances montent et, lorsqu’elles ne sont pas atteintes, les vagues négatives se déferlent.
Comme vous le savez assurément, je suis un grand amateur de recrutement et de tout ce qui entoure le repêchage. Je construis mes analyses sur mes visionnements, mais parfois, sur ce qui se dit ailleurs (toujours en avertissant quand je n’ai pas vu le joueur évoluer). Ainsi, j’ai mes préférés et également ceux que je ne toucherais pas avec un bâton. C’est normal, il s’agit de la nature humaine. Ceci est vrai pour moi, mais également pour tous les autres intervenants entourant le repêchage. Alors, l’ensemble des informations sur la toile concerne surtout les qualités des joueurs, tandis que les défauts sont souvent amoindris ou carrément mis de côté. Je n’ai pas besoin d’élaborer plus que cela pour vous faire comprendre que ça crée un biais chez le lecteur qui entraine par le fait même une augmentation des attentes et de la pression de performance.
Dans un petit marché ou une ville aux États-Unis où il y a quatre sports professionnels, l’espoir ne ressent pas nécessairement la pression. Ici, à Toronto ou autres grosses villes de hockey, le fanatisme amène un lot d’émotions souvent contradictoires étant lourd pour certains et encourageant pour d’autres. Le dernier exemple de cette pression non nécessaire à Montréal est Jan Mysak.
Personnellement, je l’adore depuis le début de l’année. Dans les listes sur la toile, on le voyait du milieu de la première ronde jusqu’en fin de deuxième. Lors de la séance, j’étais très étonné de le voir glisser autant et vous pouvez imaginer ma joie de le voir repêcher par le Tricolore. Toutefois, dès les minutes qui ont suivi sa sélection, le Tchèque est devenu le vol de la séance. On en parle partout et les médias s’arrachent la nouvelle pour le « hyper ». Ce phénomène arrive chaque année, alors il ne devrait pas m’étonner, mais c’est assez malsain de voir l’ampleur que ça prend.
J’adore le jeune, vraiment. Néanmoins, on doit tous se calmer. Ce n’est pas pour rien qu’il a glissé autant. Il y a quelque chose que la masse ne sait pas contrairement aux équipes de la LNH qui a entrainé sa dégringolade au classement. Certains diront que l’échantillonnage en Amérique du Nord a été court, que Mysak est un fameux « boom or bust » ou qu’il n’a pas le gabarit qu’on voudrait qu’il aille, mais le fait demeure qu’on ne sait pas réellement pourquoi il a chuté.
C’est facile d’affubler le titre de « boom or bust » à un jeune talentueux qui a été repêché après la première ronde. Peu importe son développement, vous n’aurez jamais tort. S’il devient une vedette, vous allez dire que vous aviez raison. S’il ne touche pas à la LNH, vous allez également pouvoir dire que vous aviez raison et que son développement n’a pas été adéquat. Il faut toujours faire attention aux pseudo-experts qui lancent ce terme à tout vent. Je ne dis pas ici que je ne l’utilise pas, car je le fais, mais le dire pour chaque espoir est surtout pratiqué pour ne pas se tromper.
Pour Jan Mysak, on ne doit pas oublier que c’est en deuxième ronde qu’il a été choisi et non pas en première, alors les journalistes (surtout eux) qui ont une portée beaucoup plus grande que la mienne ou le commun des mortels ne doivent pas le traiter comme s’il était un choix du top 10. Malgré son talent, l’attaquant possède des défauts et il y a beaucoup de facteurs qui entreront en compte pour faire de lui un joueur de la LNH. La première étape sera la saison prochaine et vous pouvez compter sur moi pour vous faire le maximum de rapport de match au cours de la saison afin qu’on ait une idée du déroulement de son développement. Le tout s’applique aussi aux autres espoirs, il faut relativiser leur arrivée dans la relève du CH. On ne doit jamais oublier qu’il y a toujours une raison à leur présence dans les rondes tardives. Alors, on respire et on attend une coupelle d’année avant de dire que tel ou tel espoir est un vol.
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