Paul Maurice, un entraîneur sous pression
S\’il n\’est pas le technicien le plus médiatique de la Ligue Nationale, Paul Maurice n\’en est pas moins, depuis de nombreuses années, une figure constante du hockey nord-américain. Promu coach des défunts Whalers de Hartford en 1995, à l\’âge de 28 ans, plus jeune entraîneur-chef de l\’histoire à avoir atteint la barre de 1000 rencontres dirigées sur le circuit Bettman (à 43 ans, en 2010) et fort d\’un passage d\’un an à la tête du Metallurg Magnitogorsk, en KHL, il possède derrière lui 20 ans d\’expérience au plus haut-niveau, à la tête d\’effectifs variés aux caractéristiques très diverses. Cependant, alors qu\’il s\’apprête à entamer sa quatrième campagne sur le banc des Jets de Winnipeg, Paul Maurice semble plus que jamais être un homme sous pression…
Depuis leur relocalisation dans le Manitoba, les anciens Trashers sont immergés dans un processus de reconstruction qui, enfin, pourrait porter ses fruits. Classée comme la seconde meilleure organisation sur le plan des espoirs par Hockey\’s Future et en passe d\’enregistrer l\’arrivée d\’un marqueur hors-pair via le repêchage de Patrik Laine, la franchise dirigée par Kevin Cheveldayoff semble à la fois prête à s\’inscrire dans la durée et à s\’améliorer à court-terme. Toutefois, les doutes établis par un exercice 2015/16 décevant viennent noircir le tableau pour les pensionnaires du MTS Centre. Relégués au fin fond de l\’impressionnante division centrale et enregistrant une chute de -21 points en comparaison de leur saison régulière 2014/15, les Jets ont ainsi rapidement perdu l\’espoir de parvenir à rallier les séries éliminatoires pour une seconde année de suite. Au cœur des difficultés de l\’équipe durant la dernière campagne, les unités spéciales ont été grandement questionnées au fil des mois précédents. Pire formation de la ligue en supériorité numérique (14,8% de conversion à 5 contre 4, selon sportingcharts.com), 25ème équipe au classement du « Penalty Kill » (78,4% de réussite en désavantage numérique, toujours d\’après sportingcharts.com), Winnipeg a été plombé au long de l\’année par ces statistiques désastreuses.
Mais qui donc en est la cause ? Paul Maurice ? C\’est en tous cas ce que soutient lui-même le coach des Jets, en entrevue avec Ken Wiebe du Winnipeg Sun :
« Je suis responsable pour tout ce qui ne fonctionne pas » expliquait-il en avril dernier, tempérant par la suite « Je me suis impliqué plusieurs fois auprès des unités spéciales, avec un degré de succès assez variable. J\’apprécie la direction vers laquelle notre infériorité numérique se dirige, nous y plaçons des jeunes. L\’an passé (en 2014/15) nous y alignions plus souvent des gars de nos premières lignes et d\’après moi, ceux-ci manquaient d\’énergie car ils jouaient durant de nombreuses minutes. »
Les analyses de la banque d\’espoir des Jets étant exaltantes, Maurice en profiterait donc dès maintenant pour amener ses unités spéciales vers une phase de transition, en y impliquant des joueurs moins expérimentés afin de les y préparer pour l\’avenir. Au-delà d\’une certaine incapacité à tenir face à un adversaire en surnombre, le technicien ontarien met également l\’accent sur l\’importance de réduire le total de pénalités encaissées. De fait, un jeu mêlant robustesse et intelligence fait figure d\’objectif visé par Maurice afin de sortir son groupe de l\’ornière :
« C\’est vrai que nous étions indisciplinés, notamment avec nos bâtons. » détaille-t-il à Wiebe, poursuivant « Nous devons apprendre à devenir une équipe physique et agressive, sans pour autant prendre un tas de pénalités […] C\’est une compétence à acquérir. »
Parallèlement, d\’autres problématiques, plus spécifiques, ont émergé. L\’apport de Jacob Trouba, toujours sans contrat, est par exemple questionné. Malgré un rôle clé au sein de la brigade arrière de Winnipeg, le défenseur n\’en demeure pas moins un contributeur modeste offensivement parlant (6 buts, 15 assistances, 21 points). Cela demeure une tare pour un joueur amené à figurer comme le leader de son équipe à la ligne bleue, dans une ère où des joueurs tels que Drew Doughty et Erik Karlsson, tout deux excellents pointeurs, restent dominants sur l\’ensemble des premières paires en LNH. Au sein d\’une ligue où la préférence vient maintenant à des défenseurs rapides, capables d\’apporter beaucoup en attaque, les chiffres postés par Trouba interrogent son véritable statut. Nul doute que la vraie valeur de ce joueur, peut-être altérée par les standards désormais recherchés pour les arrières d\’élite, est actuellement au cœur de l\’impasse contractuelle entre Trouba et sa direction.
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Un doute de plus pour Paul Maurice, qui doit également composer avec la complexe situation de son groupe de gardiens. Comme nous vous l\’exposions il y a quelques jours, l\’incertitude entourant les performances d\’Ondrej Pavelec est, là encore, source d\’interrogations. Non-content d\’avoir eu à composer avec des unités spéciales médiocres, le technicien ontarien a ainsi également été mis à l\’épreuve par le manque de constance de son gardien numéro 1.
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Malgré tout, il semble qu\’une partie de ces questions aient été sérieusement prises en main cet été par Kevin Cheveldayoff. Sur NHL.com, le rédacteur Patrick Williams note ainsi que deux embauches pourraient solidement inverser la tendance sur le plan des unités spéciales. Tout d\’abord, l\’apport de Patrik Laine, doté d\’un superbe tir sur réception, devrait participer au retour en grâce de la désastreuse supériorité numérique des Jets. Parallèlement, l\’embauche sur le marché des agents libres de Shawn Matthias vient, de son côté, répondre aux besoins d\’affermissement sur les situations à 4 contre 5. Fort de solides statistiques dans ce domaine, l\’attaquant se distingue par son aptitude à bloquer et limiter les tirs adverses, mais aussi et surtout via son incroyable capacité de retourner le jeu en la faveur de son équipe en ramenant le danger dans le camp adverse. De facto, Matthias est une arme précieuse afin de créer des revirements et des opportunités de tirs en phase d\’infériorité numérique. L\’avant semble donc capable d\’apporter un peu de folie et de compétence dans une phase de jeu où Winnipeg a affiché un déficit certain au cours de la dernière régulière.
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Du côté de l\’équipe technique, Paul Maurice et Kevin Cheveldayoff ont également fait le choix de renforcer le staff du technicien originaire de Sault-Sainte-Marie avec l\’arrivée de deux adjoints pour combler le départ Pascal Vincent, parti diriger le Moose du Manitoba en LAH. Tout d\’abord, les Jets ont mis la main sur Jamie Kompon un technicien passé, à titre d\’assistant, sur le banc de Los Angeles entre 2008 et 2012, puis du côté de Chicago de 2012 à 2014, et donc, multiple vainqueur de la Coupe Stanley. Depuis deux saisons, notre homme s\’est illustré en tant qu\’entraîneur-chef des Winterhawks de Portland emmenant notamment son équipe en finale de conférence lors de la saison 2014/15. Durant cette même campagne, le tacticien est également parvenu à maintenir le jeu de puissance des Hawks parmi les 5 plus performants de la WHL (22,6% de conversion d\’après le site officiel de la ligue). Une embauche qui fait donc sens, d\’autant plus que Kompon a, durant une saison, dirigé l\’un des meilleurs espoirs des Jets au poste de centre, Nicolas Petan. Autre recrue de l\’équipe technique manitobaine, Todd Woodcroft, ancien analyste vidéo du Wild et auparavant chef du dépistage pour les Flames et du dépistage européen chez les Kings. Bon connaisseur du hockey international, rompu aux méthodes de « scouting », ce profil expérimenté pourrait parfaitement prendre en charge le développement de certains espoirs des Jets au sein de l\’effectif professionnel, en particulier pour des jeunes joueurs venus du Vieux Continent tels que les défenseurs Jan Kostalek et Sami Niku ou les ailiers Marko Dano, Nikolaj Ehlers et Joel Armia.
Avec de nouveaux apports au sein de son effectif, mais également du côté de son équipe technique, Paul Maurice attaque la prochaine saison mieux pourvu que l\’an passé. Sur le plan de l\’alignement offensif, l\’entraîneur-chef pourra même composer avec un « problème de riche » quant à la futur place octroyée au joyau Patrik Laine sur ses premiers trios. Du côté du site SB Nation arcticicehockey.com, Andy Rolfe expose ainsi les différentes options qui pourraient être étudiées afin d\’insérer le finlandais sur l\’aile gauche des Jets. Après avoir consulté ses lecteurs via sondage, Rolfe place finalement Laine sur un deuxième trio pivoté par Bryan Little et flanqué de Drew Stafford sur le côté droit. Autre possibilité, conserver l\’espoir sur la même ligne que le centre vétéran en y ajoutant cette-fois ci le jeune Joel Armia au détriment d\’un Stafford qui glisserait sur le troisième trio.
En compagnie d\’un solide joueur de centre tel que Little, l\’arrivée de Laine sur cette ligne offre visiblement une bonne chance de remonter le niveau du Top-6 à Winnipeg. Il est clair que le talent et les habilités du finlandais pourraient aussi bien être optimisées par l\’aide d\’un équipier expérimenté (Stafford) sur l\’autre aile que par l\’apport d\’un jeune joueur (Armia) qui bénéficierait potentiellement de son association avec Laine pour gonfler ses statistiques. En cela, l\’attaque des Jets n\’en est que rigoureusement améliorée, car si les performances individuelles de la recrue sont supposées grandement booster l\’offensive locale, c\’est son influence sur l\’ensemble de ses partenaires de jeu qui risque également de lancer une dynamique positive sur les deux premières lignes de Winnipeg.
Le tableau statistique eliteprospects de Patrik Laine
Concernant le poste de gardien, Paul Maurice possède également un atout supplémentaire à faire valoir en comparaison de l\’automne dernier. Si Pavelec et Hutchinson demeurent des cas incertains au titre de gardiens titulaires, la poussée du jeune américain Connor Hellebuyck fort, l\’an passé, de ses 26 apparitions sous la tunique des Jets pour un solide pourcentage d\’arrêts de .918 est un réel motif d\’espoir. Avec une saison bien remplie derrière lui, et la Coupe du Monde en ligne de mire au sein de l\’Équipe Amérique du Nord, le cerbère pourrait débarquer dans le Manitoba en octobre avec un jeu renforcé, et ainsi se poser comme une option crédible pour suppléer voir même concurrencer un Ondrej Pavelec sur le départ.
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C\’est ainsi que, sur de nombreux points, le travail estival de Kevin Cheveldayoff (mis à part le flop du dossier Jacob Trouba), couplé à ses accomplissements antérieurs concernant la banque d\’espoirs, place actuellement Paul Maurice dans une situation complexe. Avec un effectif enrichi, notre homme semble avoir toute les cartes en main pour créer un élan collectif suffisant afin de ramener les Jets sur le chemin de la victoire. La haute-direction semble ainsi miser sur une saison régulière solide, avec l\’intention de rallier les séries pour la deuxième fois depuis le retour de l\’équipe à Winnipeg. Or, c\’est en cela que Maurice se retrouve avec une large pression sur les épaules. Malgré les améliorations apportées l\’alignement, reste qu\’il sera difficile pour les Jets de prendre de vitesse des formations aussi solides que ne peuvent l\’être les organisations de la division centrale. Chicago, Saint-Louis, Dallas, Nashville sont autant d\’adversaires pouvant prétendre à un long parcours en séries, là-où seuls Minnesota et Colorado semblent à la portée de Maurice et de ses hommes.
Bloqué entre les attentes de sa direction, qui par l\’entremise d\’un bon travail de préparation est en droit d\’attendre mieux de son équipe, et la réalité d\’une concurrence impressionnante, il semble que le poste de Paul Maurice soit en sursis. Si, à nouveau, les Jets devaient commencer l\’année sur un rythme trop faible, nul doute que des décision seraient prises par les membres de l\’état-major de la franchise afin de redresser la situation. L\’entraîneur demeurant la première soupape lors de ces crises internes, un départ de l\’ontarien ne serait pas à exclure. Voilà donc pourquoi le technicien devra impérativement valoriser les bonifications apportées à son effectif, en trouvant un moyen de ramener à la vie ses unités spéciales tout en favorisant l\’intégration progressive des espoirs à la rotation du groupe professionnel. Auquel cas, sa nouvelle saison à Winnipeg pourrait tourner court.
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