Retour sur la grosse signature de l\’été à Vancouver : Eriksson et les Sedin, un voyage dans la matrice du hockey suédois
Au jour du 1er Juillet dernier, et dans un amas d\’informations anticipé mais toujours aussi impressionnant, les Canucks se sont illustrés en mettant sous contrat l\’ailier suédois Loui Eriksson. L\’entente, six ans pour 36 M$, fait débat lorsque l\’on parle de la signature d\’un vétéran venant de célébrer ses 31 ans. Mais dans l\’esprit des dirigeants, Trevor Linden et Jim Benning, ce choix obéit à une logique sportive, celle qui a trait aux deux visages de la franchise de Vancouver, les jumeaux Sedin. Depuis leur entrée dans la ligue au tout début des années 2000, Henrik et Daniel ont parcouru ensemble le chemin qui les a amené à devenir les deux icônes de leur formation, en assumant les premiers rôles au sein d\’une équipe articulée autour de leur fameux tandem. Logiquement, lorsqu\’un profil aussi Sedin-compatible qu\’Eriksson s\’est retrouvé sur le marché des agents libres, la haute-direction de la franchise a tenté d\’acheminer l\’ailier à Vancouver aussi rapidement que possible. À la clé, l\’alignement d\’un trio inédit en LNH, mais bien connu des amateurs de hockey IIHF. Jumelé aux Sedin, le néo-canuck a accompli un superbe parcours en sélection nationale, la fameuse ligne conduisant d\’ailleurs l\’équipe aux trois couronnes vers un succès aux championnats du monde 2013, à domicile. Concrètement, il apparaît que l\’alchimie déjà existante entre les trois équipiers demeure l\’une des principales raisons qui ont amené les Canucks à mettre 36 M$ sur la table pour attirer Eriksson.
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Ainsi, Kevin Woodley de nhl.com nous rapporte les propos du suédois concernant ses nouveaux partenaires, tenus juste après sa signature : « Ce sont des joueurs qui sont tellement intelligents. Ç\’a été facile pour moi, à mes débuts avec eux, de trouver une chimie parce que nous jouons un peu de la même façon. Nous aimons donner la rondelle pour la recevoir aussitôt. Il a peut-être fallu un certain apprentissage dans les quelques premiers matchs, question de voir comment ils jouaient et comment ils pensaient ». Une entente précieuse, qui se base sur la vision du jeu partagée par ces hockeyeurs à la technique similaire, tous issus du système de formation suédois, les Sedin ayant fait leurs classes au MODO Hockey alors qu\’Eriksson a, de son côté, parachevé son apprentissage à Frölunda. À l\’échelle de la Suède, la volonté d\’assurer le développement des nouvelles générations de joueurs est constamment guidée par les mêmes leitmotivs. En passant par des légendes comme Peter Forsberg ou Nicklas Lidström, on ne compte plus les joueurs d\’impacts incroyablement habiles arrivés de leurs petits coins de Scandinavie pour distiller leurs tours de virtuoses sur les patinoires nord-américaines. Une fierté nationale, dont la recette est résumée par l\’ambassadeur du pays aux États-Unis, l\’honorable diplomate Björn Lyrvall, dans une entrevue réalisée avec le blogue d\’info hockey LGBT puckbuddys.com: « je pense que notre hockey se caractérise par son côté polyvalent, un bon patinage, un bon jeu de passe » note Lyrvall, qui enchaîne « nos joueurs se comportent bien sur et hors de la glace, ce sont des joueurs d\’équipe très disciplinés, à leur aise dans le jeu de passe, pas forcément dans l\’initiative de tir, mais vraiment très très bons dans le jeu de passe. » Cette prédominance de l\’échange du disque entre équipiers semble ainsi parfaitement cadrer avec les propos d\’Eriksson repris plus tôt, qui rappelle que son entente avec les Sedin est littéralement conditionnée par ce secteur de jeu.
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Cette marque de fabrique technique et offensive semble parfaitement s\’accorder aux besoins montrés par des Canucks en grand manque de talent dans ce domaine à l\’issue de l\’exercice 2015/16. Avec 191 buts inscrits, Vancouver n\’est autre que la deuxième plus mauvaise attaque de LNH, juste derrière les Devils du New Jersey. Dans ce contexte désertique, l\’arrivée d\’un renfort de choix aux postes avants, qui plus est apprécié par les deux leaders de l\’équipe, est particulièrement positive. Eriksson devrait logiquement permettre aux Canucks de se montrer plus dangereux devant la cage adverse, en particulier si le coach Willie Desjardins parvient à exploiter le potentiel qu\’offre l\’ailier. Du point de vue suédois, c\’est l\’ancien sélectionneur Pär Mårts qui a, à plusieurs occasions, dirigé Eriksson et les Sedin sous le chandail de la \ »Tre kronor\ ». Comme le notait en 2014 le journaliste Larry Lage (wintergames.ap.org), le style local était globalement tourné vers l\’attaque, privilégiant les mouvements de passes rapides d\’une bande à l\’autre, dans l\’optique de créer les espaces suffisants pour prendre des lancers. Comme Mårts l\’expliquait lui même, dans des propos repris par le chroniqueur: « Nous devons jouer pour gagner, et non pas pour ne pas perdre ». L\’art de combiner, passer, et décocher des tirs frappés, ou du poignet, est ainsi parfaitement résumé sur plusieurs actions létales de l\’attaque suédoise, notamment ici lors de la confrontation finale des mondiaux 2013 (en particulier sur le deuxième but inscrit par Henrik Sedin à 0.27 de la vidéo) remportée 5 buts à 1 face à la Suisse.
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Dernier point clé du succès de l\’association, qui va au-delà de l\’aisance technique instinctive des compatriotes : la récupération et la défense. Comme le rappelle Thomas Drance, de sportsnet.ca, l\’implantation récente ayant eu le plus de succès aux côtés des jumeaux scandinaves se trouve être celle du québécois Alexandre Burrows. Doté d\’un bon tir du poignet, lançant du gauche, et fin spécialiste des tâches défensives, il a ainsi apporté un parfait contrepoids à la flamboyante production offensive des Sedin. Drance note ainsi qu\’Eriksson semble solidement soutenir la comparaison en termes de profil technique, lui qui s\’est classé l\’an dernier comme le quatrième meilleur avant des Bruins dans le domaine des rondelles récupérés en zone offensive, un secteur où seul Daniel Sedin et Jake Virtanen le devancent au sein de sa nouvelle franchise. Dans un sens, cet ajout fera également du bien à l\’infériorité numérique des Canucks, périodes dans lesquelles Eriksson excelle.
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Statistiquement, le chroniqueur de sportsnet reconnaît également l\’excellent niveau du jeu de passe de l\’ami Loui, troisième meilleur attaquant LNH dans le domaine des passes réussies dans le camp adverse, juste derrière les étoiles Aleksander Barkov et Anze Kopitar. En somme, c\’est une nouvelle confirmation du potentiel magique offert par le trio de trentenaires, qui risque de produire une circulation du disque parmi les plus excitantes de la Ligue Nationale l\’an prochain.
Finalement, c\’est au coach Willie Desjardins de parachever l\’analyse sur cette future entente. Le technicien, qui en définitive sera le garant de l\’ultime choix concernant les trios des Canucks alignés les soirs de match, se réjouit de retrouver l\’ailier qu\’il a dirigé en tant qu\’assistant de Glen Gulutzan, lorsque tout ce petit monde évoluait encore aux Stars. Dans une déclaration rapportée par Ben Kuzma sur theprovince.com, Desjardins explique : « à chaque fois que nous avions une ligne qui ne jouait pas très bien à Dallas, nous l\’y affections car il est très polyvalent […] Cela en dit beaucoup. Il peut jouer à droite ou à gauche et il a évolué dans tous les systèmes. Il ne connaîtra pas de gêne avec nous, non seulement car il sait s\’adapter, mais aussi car il a ses habitudes avec les Sedin. Ça ne changera pas. »
Si des doutes pouvaient subsister sur la détermination de l\’entraîneur-chef des Canucks à tenter l\’expérience 100% suédoise sur les rives du Pacifique, cette déclaration risque bien de les dissiper. Vancouver va faire cet essai l\’an prochain, en s\’appuyant sur les certitudes acquises par le trio en sélection, sous la houlette de Pär Mårts. Ils se retrouveront d\’ailleurs à l\’automne qui vient, à l\’occasion de la Coupe du Monde, où la Tre Kronnor, désormais dirigée par Rikard Gronborg devrait à nouveau assembler cette ligne prolifique, avant que les hommes qui la composent ne regagnent la Colombie-Britannique. Pour combien de temps ? Au minimum deux ans, date à laquelle les contrats des jumeaux expireront. Henrik et Daniel seront alors agents libres sans restriction et âgés de 37 ans. Loui Eriksson aura de son côté atteint les 33 printemps, à quatre ans de l\’issue de son entente. Clairement, l\’âge demeure la plus grosse inquiétude quant à l\’avenir de l\’éventuel trio, et une des raisons qui pourrait pousser Desjardins à choisir une autre direction que celle étudiée en amont dans cet article. Mais si le technicien souhaite se reposer sur de l\’expérience, une efficacité éprouvée et une belle alchimie pour gonfler les performances offensives de ses protégés, il aura, via sa nouvelle recrue, un très bel atout en main pour débuter la saison 2016/17.
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