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Scott Darling, ou la belle histoire du \ »Chicago Kid\ »

Mercredi dernier, le traditionnel gardien auxiliaire des Blackhawks prenait le départ de la pré-saison dans les buts en l\’absence du titulaire Corey Crawford, parti remporter la Coupe du Monde à titre de remplaçant au sein d\’Équipe Canada. Plutôt en forme, le cerbère a conservé sa cage inviolée pendant deux tiers-temps, stoppant 23 tirs au cours de la seconde période. Malheureusement pour Chicago, la solide prestation de l\’américain n\’a guère suffi à maintenir l\’équipe à flot et les Penguins, adversaires du jour, ont fini par tromper la vigilance de Darling pour aller chercher un gain de 2-0 en fin de rencontre. Peu importe cependant pour notre ami Scott, déjà heureux de pouvoir récupérer de longues minutes de temps de glace en l\’absence de Crawford :

« Oui, évidemment Corey me manque mais c\’est assez marrant d\’être le mec qui compte en ce moment » explique-t-il à Charlie Roumeliotis de CSN Chicago, « Je prends autant de départs que je peux. Je me fiche que ce soit de la régulière ou de la pré-saison, je souhaite juste jouer autant que possible. C\’était sympa de me mettre le premier match en poche. »

Avec 33 arrêts sur l\’ensemble de la confrontation face à Pittsburgh, Darling peut s’enorgueillir d\’un galop d\’essai réussi, notamment illustré par sa grande résistance en infériorité numérique. Laissé de côté vendredi au profit de Lars Johansson et Mac Carruth, il a cependant pris part à l\’intégralité de la rencontre d\’hier face à Saint-Louis. Réalisant 18 arrêts, l\’américain a blanchi les Blues dans une victoire 4-0. De part ce démarrage impeccable, Scott Darling semble donc, une nouvelle fois, s\’imposer comme l\’option numéro 1 pour suppléer Corey Crawford cette saison.

Une vraie fierté pour ce fidèle partisan des Blackhawks ayant passé son enfance à Lemont, dans la banlieue de Chicago. C\’est dans cette petite ville bordant la Cité des Vents que notre homme a ramené, en 2015, la Coupe Stanley, célébrant durant 24 heures son succès soudain dans les rangs de son équipe favorite. Une vraie mise en lumière pour un gardien jusque-là plutôt anonyme, bien résumée alors par la déclaration du principal intéressé à Paul Skrbina du Chicago Tribune :

« Pour moi, c\’est déjà tout simplement fou de voir que les gens me connaissent » déclarait-il « Je me balade dans la ville et ils savent que je suis d\’ici, ils m\’appellent le \’\’Chicago Kid\’\’. C\’est comme un film de Disney. C\’était impossible d\’écrire une meilleure version de ce qui a pu se produire cette année. »

De la Louisiane au United Center, un parcours singulier avant de faire cauchemarder les Prédateurs

Il faut l\’avouer, Scott Darling n\’a pas vraiment eu ce qu\’on pourrait appeler une trajectoire linéaire. Sélectionné en sixième ronde lors du Repêchage 2007 par les Coyotes de Phoenix, il passe d\’abord un an dans les rangs juniors américains avant de rejoindre la NCAA pour deux saisons. Au sortir de ses années universitaires, écoulées chez les Black Bears du Maine, il débarque en 2010 du côté de Lafayette, Louisiane et se joint à l\’équipe locale des Icegators, membres de la modeste « Southern Professionnal Hockey League ». Dès lors, les deux campagnes qui suivent vont ressembler à une odyssée sans fin à travers le sud des États-Unis, Darling passant, pour des piges plus ou moins longues, dans des localités du Mississippi, de la Floride, du Kansas et de la Virginie-Occidentale. Le tout au sein de trois ligues différentes…

Finalement, à force d\’efforts, le cerbère réussit à se faire une place dans la LAH en 2013. Ironie du sort, c\’est à Milwaukee, chez les Admirals, que Scott Darling parvient à s\’affirmer, disputant 26 matchs avec la franchise affiliée aux Prédateurs de Nashville, une équipe qui, bientôt, serait amenée à croiser sa route. L\’été suivant, Darling capte enfin l\’attention des dirigeants du circuit Bettman. Au sortir de son exercice abouti dans le Wisconsin, il paraphe une entente d\’un an avec les Blackhawks. Réassigné à la Ligue Américaine, il est néanmoins propulsé sur le devant de la scène dès l\’entame de la saison en LNH, remplaçant au pied levé Corey Crawford quelques semaines seulement après la reprise. Le 26 octobre 2014, Scott Darling dispute ainsi à 25 ans son premier match dans la grande ligue. Et c\’est à Chicago, là où tout a commencé, qu\’il termine son long périple à travers les mineures américaines.

« Les gardiens prennent habituellement un certain temps pour se développer » expliquait alors Joel Quenneville dans des propos repris par Teddy Greenstein du Chicago Tribune « Certaines organisations possèdent plus de profondeur à ce poste et l\’ont laissé derrière au niveau inférieur. Il s\’est accroché, il a persévéré, il s\’est amélioré et nous en sommes les bénéficiaires. »

Malgré son éclosion sur le tard, Darling s\’est donc finalement ouvert les portes de la LNH.

Et si l\’histoire aurait pu s\’arrêter à un simple passage devant le filet des Blackhawks, la saison du cerbère américain va en fait prendre un tournant encore plus féerique. Arrivés au premier tour des séries éliminatoires, les équipiers de Jonathan Toews se retrouvent confrontés à Nashville. Rapidement, la question du poste de gardien devient primordiale pour Chicago : en difficulté, Corey Crawford semble incapable de contenir les assauts des Preds. Ceux-ci marquent notamment 3 buts lors du tout premier tiers-temps de la série. Remplacé dès la seconde période, le québécois assiste du banc à la superbe performance de son auxiliaire alors que Scott Darling, en état de grâce, repousse 42 tirs. Les Blackhawks remporteront finalement la première confrontation 4-3, d\’un but de Duncan Keith au terme d\’une double-prolongation. Dans la foulée, ce cher Scott est propulsé titulaire pour les matchs 3 et 4, après une nouvelle sortie en demi-teinte de Crawford lors du second affrontement. Au cours du quatrième round, Darling et Rinne se livrent une bataille incroyable, tous deux intraitables après avoir encaissé deux buts chacun. Lancés en triple-prolongation, les Hawks sont à nouveau les mieux armés dans les ultimes minutes et au bout de la nuit, Brent Seabrook délivre le United Center. Ce soir-là, Scott Darling bloque 50 tirs.

Prenant part à cinq matchs des séries éliminatoires 2015, le joueur recrue obtient un pourcentage d\’arrêts .936. Une superbe performance, qui prend pourtant en partie racine au centre d\’entraînement de Milwaukee, du fait de techniciens membres de l\’organisation des Prédateurs. Comme le relevait à l\’époque Josh Cooper, de Yahoo Sports, le travail combiné de Mitch Korn et Ben Vanderklok fut primordial dans la trajectoire de Darling. Ces deux entraîneurs des gardiens l\’ont clairement aidé à passer un cap, apportant une expertise de haut-niveau jusque-là jamais rencontrée par notre homme, habitué aux ligues de seconde zone durant la plus large partie de sa carrière.

Une Coupe Stanley en poche et des tas de souvenirs derrière lui, Darling entame la campagne 2015/16 dans le rôle de doublure officielle de Corey Crawford, après avoir définitivement poussé Antti Raanta vers la sortie. En 29 rencontres de saison régulière, il maintient son taux d\’arrêts à .915, allouant en moyenne 2,58 buts à l\’adversaire. Des standards à la baisse, au cours d\’une deuxième année traditionnellement plus poussive pour les joueurs ayant découvert la LNH durant de l\’exercice précédent. Ni impérial, ni désastreux, le gardien auxiliaire des Blackhawks a plutôt répondu aux attentes et semble a priori assuré de conserver sa place durant les prochains mois.

Un émule venu d\’Outre-Atlantique

Reste que derrière lui, la concurrence pourrait rapidement s\’endurcir. David Tews, de The Hockey Writers, nous rappelle ainsi que le cerbère suédois Lars Johansson s\’est entendu avec les Blackhawks durant la dernière saison morte et pourrait éventuellement s\’avérer être un beau rival pour Darling. À 29 ans, ce gardien expérimenté sort d\’une solide saison de SHL sous la tunique du Frölunda HC, ponctuée d\’un pourcentage d\’arrêts de .927. En 8 matchs de séries, Johansson a même réussi à maintenir ce taux à .947. Avec sa formation de Göteborg, le scandinave a pu faire le plein de confiance en 2016, remportant le championnat élite de Suède et la Ligue des Champions de hockey. Dans les rangs de ce qui est peut-être la meilleure équipe européenne hors-KHL, il a ainsi su se mettre au niveau d\’une grosse cylindrée, en maintenant un vrai niveau d\’excellence sur l\’ensemble d\’une campagne maîtrisée de bout en bout. Avec l\’ambition d\’ajuster son jeu au circuit nord-américain, Johansson sera probablement un facteur de motivation supplémentaire pour Darling, qui voit arriver derrière lui un outsider à la fois respecté sur le Vieux Continent et potentiellement armé pour bousculer la hiérarchie.

Concurrencé certes, mais serein à l\’aune d\’une pré-saison exemplaire, l\’ami Scott n\’est pour l\’heure guère dans l\’urgence. Il savoure, entouré d\’un groupe de joueurs d\’exception, le fait de revêtir chaque jour les couleurs de sa franchise de cœur. C\’est aussi ce supplément d\’âme, produit d\’un parcours atypique étalé sur 8 ans et ayant abouti à une incroyable année 2015, qui caractérise la marque de Darling sur l\’identité de ces Blackhawks. À l\’entame de cette nouvelle campagne, il devra donc se montrer capable de tenir, voir hausser, son niveau de jeu, afin de préserver son rôle dans le sillage de Corey Crawford. Et demeurer, aussi longtemps que possible, le même « Chicago Kid » que celui qui aura fait vibrer le United Center face à Nashville.

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