La KHL : la meilleure option pour les espoirs russes ?

Parmi les 10 meilleurs pointeurs russes cette saison, seulement 5 étaient d’anciens choix de premier tour, un ratio inférieur à celui observé pour le Canada, les États-Unis, la Suède, la Finlande, et même la Tchéquie.

En effet, très peu d’attaquants russes repêchés au premier tour semblent être en mesure de répondre aux attentes dans la LNH. Comment peut-on expliquer les insuccès de ceux-ci au cours des dernières années ? 

Arrivée hâtive 

Bien qu’il n’y ait pas de science exacte derrière cette hypothèse, les équipes de la LNH semblent régulièrement précipiter l’arrivée de leurs choix de premier tour russes en Amérique du Nord.

D’une part, leur arrivée rassure les dirigeants qui les ont sélectionnés. Bien que ce cas soit rare, la crainte généralisée que les Russes ne traversent jamais l’Atlantique pour rejoindre le circuit Bettman est bien documentée.

D’autre part, les statistiques démontrent que les attaquants russes ont tendance à mieux performer dans la LNH après avoir gagné en confiance et en responsabilité dans la KHL. Depuis 2002, Andrei Svechnikov est le seul attaquant russe à avoir fait le saut dans la LNH à 18 ans et à y avoir consolidé sa place à long terme. 

Échecs

Nail Yakupov, Mikhail Grigorenko, Alexander Burmistrov, Nikita Filatov et Viktor Tikhonov n’ont pas fait long feu dans la LNH après s’être taillé un poste dans la grande ligue quelques mois après avoir été repêchés. 

Nikolai Zherdev avait connu des débuts intéressants avec les Blue Jackets à 18 ans, mais sa carrière dans la LNH a été marquée par trois allers-retours en KHL, avant de quitter définitivement pour l’Europe à seulement 26 ans.

Valeri Nichushkin s’était lui aussi taillé un poste avec les Stars de Dallas à 18 ans, mais ses performances en montagnes russes, sans faire de mauvais jeux de mots, l’ont conduit à retourner dans la KHL après trois saisons en Amérique du Nord. C’est à son deuxième séjour dans la LNH que sa carrière a pris son envol.

La KHL : l’option gagnante ?

D’après ces observations, il semble préférable de ne pas précipiter les attaquants russes dans la LNH. Le désir des dirigeants d’amener rapidement leurs choix de premier tour en Amérique du Nord pourrait donc en partie expliquer les déboires rencontrés par ces joueurs.

Tous les attaquants russes repêchés au premier tour entre 2005 et 2019 ont joué en Amérique du Nord au plus tard à 19 ans, à l’exception de Vladimir Tarasenko et Evgeny Kuznetsov. Parmi les Russes sélectionnés au premier tour au cours de cette période, Tarasenko et Kuznetsov se distinguent comme les plus productifs en carrière. Dans leur cas, il a été payant de faire leurs preuves en Russie avant de graduer vers le circuit Bettman.

Pour étayer cet argument, 9 des 10 meilleurs pointeurs russes en 2023-24 avaient disputé au moins une saison en KHL après leur année de repêchage avant d’éclore dans la LNH. Le lock-out de 2004-05 avait même contraint Alex Ovechkin et Evgeni Malkin à demeurer en Russie à 18 ans. Peut-être que dans un univers parallèle, les deux prodiges n’auraient pas connu autant de succès s’ils avaient été précipités dans le circuit Bettman dès leur première année d’éligibilité.

Toutefois, le simple fait de rester en KHL après avoir été repêché au premier tour n’est pas une panacée : ça serait beaucoup trop simple. Plusieurs joueurs ayant évolué en territoire européen après leur sélection n’ont pas réussi à devenir des joueurs d’impact dans la grande ligue pour autant.

En revanche, un joueur qui produit en tant que jeune adulte en KHL indique qu’il possède potentiellement les outils pour performer en sol nord-américain. Voici la liste des 10 choix de premier tour russes entre 2010 et 2019 qui ont évolué en KHL après leur sélection au repêchage de la LNH.

Quoique les résultats ne sont pas étincelants, on remarque que les joueurs qui peinaient à produire en Russie ne se sont pas métamorphosés en moteur offensif dans la meilleure ligue de hockey au monde. Les 5 espoirs qui n’ont pas franchi la barre d’un demi-point par match en tant que jeunes adultes dans la KHL n’ont pas connu beaucoup de succès par la suite, tandis que la majorité de ceux ayant excédé cette moyenne de production a réussi à faire carrière dans la LNH.

Pour les partisans du CH qui s’interrogent peut-être sur le sujet, Alexei Kovalev, repêché 15^e en 1991, trônerait au sommet de la liste avec une moyenne de 1,05 point par match. Matvei Michkov quant à lui, a récolté 41 points en 48 matchs en KHL cette saison à l’âge de 18 ans, affichant un ratio de 0,85 point par match. Reste maintenant à voir comment un certain Ivan Demidov se comportera l’an prochain avec le SKA de Saint-Pétersbourg.

Le monstre à trois têtes

Depuis quelques années, trois attaquants russes se démarquent de leurs pairs. Cette saison, Kirill Kaprizov, le troisième meilleur pointeur russe de la LNH, affichait un écart de 29 points avec Evgeni Malkin, qui se classait au quatrième rang. Nikita Kucherov et Artemi Panarin se retrouvaient en tête de liste.  

Vous serez peut-être surpris d’apprendre que ces trois joueurs trônent également au chapitre des points par matchs parmi tous les joueurs russes dans l’histoire de la LNH. Toutefois, aucun membre du trio n’a été sélectionné en première ronde dans la LNH. Du lot, Kucherov a été le joueur repêché le plus tôt à son année de repêchage, soit 58^e en 2011. Kaprizov a été sélectionné en 5^e ronde en 2015, tandis que Panarin n’a jamais entendu son nom être appelé.

Après être passés sous le radar des équipes nord-américaines, Panarin et Kaprizov sont demeurés en KHL jusqu’à 23 ans. Entre 18 et 21 ans, ils ont respectivement moyenné 0,60 et 0,78 point par match en KHL, dépassant ainsi chacun la barre d’un demi-point par match évoquée précédemment.

Kucherov a emprunté un parcours plus atypique, en s’exilant vers la LHJMQ après une saison moyenne en KHL à 18 ans. Il a ensuite fait le saut chez les professionnels à 20 ans. Le hockey junior canadien représente une option intéressante pour les espoirs russes, mais il ne constitue pas une solution miracle. Certains partisans se souviendront, par exemple, du cas de Nikita Scherbak, ancien choix de premier tour du Tricolore, ainsi que de German Rubstov et Mikhail Grigorenko, qui n’ont pas réussi à s’imposer dans la LNH après leur passage dans la LHJMQ.

Selon les statistiques

En conclusion, l’empressement des directeurs généraux à faire venir leurs espoirs russes (particulièrement ceux choisis au premier tour du repêchage de la LNH) en Amérique du Nord semble souvent nuire à la progression des joueurs. Ceux-ci connaissent davantage de succès dans la grande ligue après avoir pris leurs aises en KHL, selon les plus récents exemples.

 En retournant avec le SKA de Saint-Pétersbourg cette saison, Ivan Demidov semble actuellement suivre la voie la plus favorable à son épanouissement dans la LNH. Comme démontré, la production en KHL à son âge est primordiale. Il sera donc important pour lui de gagner la confiance de ses entraîneurs afin qu’il puisse noircir la feuille de pointage avec régularité dès cette saison en Russie. 

« La vérité est que Montréal et moi avons un plan commun pour le développement de Demidov. Notre tâche est qu’Ivan réalise sa meilleure saison dans la KHL », expliquait récemment Roman Rotenberg, entraîneur-chef du SKA, dans une entrevue accordée à Match TV,  dont les propos furent repris par Kevin Dubé du Journal de Québec.

Si on se fie à cette affirmation, Demidov obtiendra toutes les chances de se faire valoir cette saison.