Chronique vintage | Plus de 200 points en une saison en LHJMQ et ne jamais percer
Le parcours d’un joueur de hockey est habituellement parsemé d’embûches. Que ce soit pour les joueurs d’exception ou pour un hockeyeur qui doit encore plus pousser pour accéder à la grande ligue, de nombreux obstacles se retrouvent sur leur route. Blessures, problèmes personnels, mésadaptation au plus haut niveau… Les facteurs qui expliquent pourquoi un joueur n’offre pas le rendement attendu sont infinis. Chez les joueurs juniors, on le sent encore plus puisque de nombreux jeunes hommes dominent entre 16 et 20 ans, pour ensuite être freiné à la porte des professionnels.
Des carrières impressionnantes en LHJMQ, mais…
Dans cette chronique, nous observerons ce phénomène par le biais des carrières juniors de cinq joueurs ayant dominé les rangs de la LHJMQ. Alors qu’ils ont établi des records de ligue pour le plus grand nombre de points dans une saison, ces hockeyeurs n’ont malheureusement pas connu la carrière qu’on leur présageait à la fin de leur passage chez les juniors. Si Mario Lemieux, Pat Lafontaine et Guy Lafleur ont connu des carrières grandioses dans la LNH, ce ne fut pas le cas pour Michel Déziel, Jacques Cossette, Jacques Jr. Locas, Marc Fortier et Patrice Lefebvre, qui partagent tous une place parmi les meilleures productions offensives en une saison avec les trois étoiles mentionnées ci-haut.
Michel Déziel(227 points en 1973-1974)
Déziel se classe présentement 4e dans le livre des records pour la meilleure production offensive en une saison, tout juste derrière Pat Lafontaine (234). L’attaquant natif de Sorel s’est aligné pendant quatre saisons avec la formation locale après avoir demandé lui-même à l’entraîneur s’il pouvait participer au camp à 14 ans, avant d’être choisi à l’âge de 16. C’est ce qu’il expliquait dans un quotidien sorelois en 2008 lorsqu’il fut intronisé au Temple de la renommée de la LHJMQ. Son trio au sein des Éperviers de Sorel était composé de Pierre Larouche et de Jacques Cossette, qu’on parlera plus loin. Larouche est le seul de cette unité redoutable à avoir eu une carrière en LNH. Lors de la saison 1973-1974, Larouche a conclu l’exercice avec 251 points, pour se placer au deuxième rang des meilleures productions en une saison, derrière Mario Lemieux. Pour Déziel, c’est une marque de 227 points qu’il établit.
Du côté de Déziel, ce fut un parcours différent de son coéquipier Larouche. Repêché par les Sabres lors du 3e tour en 1974, il est également choisi au deuxième tour de la World Hockey Association par les Whalers de la Nouvelle-Angleterre. Après son passage junior, il s’aligne avec les Bears d’Hershey et y connait une belle saison. Malheureusement, ce ne semble pas suffisant pour les Sabres, qui le laisse en LAH malgré trois bonnes saisons productives. Il faut dire qu’à l’époque, les Sabres avaient tout un club avec en tête, Rene Robert, Gilbert Perreault et Rick Martin, communément surnommé »The French Connection ». Lors de la saison 1978-1979, Déziel ne joue tout simplement pas pour ensuite retourner dans la IHL la saison suivante chez les Admirals de Milwaukee. Il y joue neuf rencontres puis accroche ses patins du hockey professionnel. Opérateur de carrière dans une usine à Sorel, il a tout de même continuer de joueur dans les ligues de garage jusqu’à 41 ans. Il est maintenant âgé de 65 ans et son nom est immortalisé dans le Temple de la renommée de la LHJMQ.
En LNH: 0 match
En LAH: 151 points en 218 matchs
En LHJMQ: 457 points en 241 matchs
Jacques Cossette (214 points en 1973-1974)
On se retrouve en terrain connu lorsqu’on parle du parcours de Jacques Cossette. En effet, ce dernier était le troisième élément de l’unité dévastatrice des Éperviers de Sorel, composée de Déziel et de Larouche. Lors de la campagne 1973-1974, Cossette termine avec 214 points, qui lui vaut le 6e rang des meilleures productions de la LHJMQ en une saison. Contrairement à Larouche, Cossette n’a pas connu une longue carrière en LNH. Ses performances chez les juniors ont tombé dans l’oubli lorsqu’il fut limité à 64 matchs en carrière dans la LNH. Ces rencontres, il les a disputé avec l’organisation qui en avait fait son choix de 2e ronde en 1974, les Penguins de Pittsburgh.
Au sein de l’organisation, il avait un rôle de »journeyman », étant rappelé et rétrogradé à de multiples reprises entre la LNH et la LAH. Après quelques bonnes saisons en LAH et devant le fait accompli qu’il ne serait jamais régulier dans la LNH, il tire sa révérence après la campagne de 1979-1980. En LAH, il a tout de même cumulé 252 points en 327 matchs, un résultat satisfaisant, mais semblerait-il pas suffisant pour monter à l’autre étape. C’est donc un autre joueur qui, après avoir littéralement marqué l’imaginaire de la LHJMQ, s’est retrouvé devant une porte fermée à son arrivée chez les professionnels.
En LNH: 14 points en 68 matchs
En LAH: 252 points en 327 matchs
En LHJMQ: 341 points en 132 matchs
Jacques Jr. Locas (206 points en 1973-1974)
Décidément, la saison 1973-1974 était synonyme de record dans la LHJMQ. S’alignant pour les Remparts de Québec, Jacques Jr. Locas laisse son empreinte dans le livre des records de la ligue cette saison-là avec une performance de 206 points, se plaçant ainsi au 8e rang pour les meilleures productions offensives en une saison dans l’histoire de la ligue. En 1974, la classe de repêchage de la LHJMQ pour la LNH comptait donc Déziel, Cossette, Locas et sans oublier, Real Cloutier (1er choix des Nordiques), tous des marqueurs de 200 points minimum cette saison-là. Dans le lot, seul Cloutier a eut une carrière en LNH. C’est tout de même impressionnant.
Pour Locas, avoir Réal Cloutier à ses côtés chez les Remparts l’aura certes aidé. Capitaine de l’équipe lors de la saison où il a inscrit ses 206 points, Locas est repêché en 11e ronde par les Kings de Los Angeles. Dès la saison suivante, il se promène entre la WHA et la SHL.sr, une ligue senior canadienne. Son excellente campagne de 1975-1976 en WHA n’aura toutefois pas su attirer les regards pour lui permettre d’accéder à la grande ligue et malgré ses 21 matchs en LAH en 77, sa carrière prend fin.
En LNH: 0 match
En LAH: 6 points en 21 matchs
En WHA: 119 en 187 matchs
En LHJMQ: 558 points en 226 matchs
Marc Fortier (201 points en 1986-1987)
On fait maintenant un bond temporelle pour se rapporter à la saison 86-87 en LHJMQ afin d’observer le parcours d’une figure connue dans le paysage du hockey québécois. En effet, Marc Fortier affiche une après carrière bien remplie après avoir coaché chez les Saguenéens de Chicoutimi pour ensuite se joindre à Philippe Boucher chez les Remparts de Québec. Après quelques saisons comme adjoint à Boucher, Fortier a dû laisser sa place à Martin Laperrière au retour de Patrick Roy. Pour Fortier, sa carrière en LHJMQ avait atteint son apogée lors de la saison 86-87 alors qu’il cumula 201 points, bon pour le 9e rang des meilleures productions en une saison dans le livre des records de la ligue.
De tous les joueurs abordés jusqu’ici, Fortier fut celui qui aura joué en LNH le plus longtemps. En effet, sans avoir été repêché, le natif de Windsor fait le saut immédiatement après sa saison de 201 points chez les professionnels au sein des Nordiques de Québec. Par contre, il joue les »journeyman » alors qu’il cumule plus de matchs joués dans la LAH que dans la grande ligue. Ce rôle, il le conserve pendant toute sa carrière chez les Nordiques, soit entre 1987 et 1992 avant de se retrouver à Ottawa puis à Los Angeles. À ces deux endroits, il demeure un joueur de soutien. Un court passage en IHL et puis s’en est terminé pour l’Amérique du nord. Fortier a ensuite connu une superbe carrière sur l’Autre continent, se promenant entre la Suisse et l’Allemagne. Il y connait un franc-succès, mais rien pour lui ouvrir les portes de la LNH de façon définitive. Il prend sa retraite après la campagne 2006-2007, où il s’aligne pour cinq rencontres avec la formation du Lac-Mégantic dans le semi-pro québécois. Fait impressionnant, il y récolte tout de même 23 points !
En LNH: 102 points en 212 matchs
En LAH: 200 points en 171 matchs
En Europe: 534 points en 493
En IHL: 113 points en 98 matchs
En LHJMQ: 478 points en 271 matchs
Patrice Lefebvre (200 points en 1987-1988)
L’attaquant Patrice Lefebvre a donné une belle entrevue en 2018 avec le réseau Radio-Canada. Il expliquait qu’il n’était pas né dans la bonne époque et après mes recherches dans le cadre de cette chronique, je comprends bien cette analyse. Lefebvre mesurait 5 »6, pesait à peine 160 livres lorsqu’il s’alignait pour les Cataractes de Shawinigan. À cette époque, le hockey était encore rude et les petits joueurs n’avaient pas vraiment leur place une fois chez les professionnels. En LHJMQ, ce problème n’empêchait pas Lefebvre de cumuler plusieurs saisons de plus de 100 points avant d’atteindre son apogée en 87-88 pour un total de 200 points, le plaçant à la conclusion du top 10 des meilleures productions en une saison dans le livre des records.
Lefebvre est d’ailleurs le meilleur marqueur de toute l’histoire de la LHJMQ (595 points), bien avant Mario Lemieux (5e) et Mike Bossy (9e). Pourtant, non seulement il ne fut jamais repêché, mais il n’aura joué qu’un seul match en carrière dans la LAH et trois dans la LNH. À sa sortie du junior, alors qu’aucun club ne voulait d’un joueur de sa taille, il se rend en France pour jouer 40 matchs dans la ligue française et sa domination est réelle. 90 points, c’est le cumulatif pour Lefebvre cette année-là. Il attire les regards des recruteurs suisses, mais pas de la LNH. Il s’aligne en LNA pour encore une fois terroriser les gardiens adverses. Après une nette domination à son retour en Amérique du nord en IHL, Lefebvre obtient une première chance chez les Capitals en 1998. Il y joue trois matchs, puis son aventure est terminée.
En LNH: 0 point en 3 matchs
En LAH: 0 point en 1 match
En Europe: 745 points en 480 matchs
En IHL: 576 points en 458 matchs
En ECHL: 43 points en 26 matchs
En LHJMQ: 595 points en 276 matchs
En conclusion
On remarque donc que ce n’est clairement pas parce qu’on domine les juniors qu’une belle carrière nous attend une fois chez les professionnels. Même à l’époque, la marche était incroyablement haute, même plus qu’aujourd’hui, car il y avait beaucoup moins de franchises dans la LNH que de nos jours. Ce qu’on observe également, c’est que toutes ses saisons de 200 points et plus ont été récoltées lors de leur dernière saison en LHJMQ. Si la marche entre la LHJMQ et les professionnels est haute, celle entre les joueurs de 16 ans et de 20 ans dans le »Q » l’est tout autant. C’est pour cette raison que des fois, il ne faut pas trop s’emballer envers les joueurs dominants à 20 ans dans le circuit Courteau, car peu d’entres eux connaissent du succès dans la grande ligue par la suite. Un joueur junior doit être évalué efficacement entre 16 et 18 ans. Passer cet intervalle d’âge dans la LHJMQ, c’est un adulte qui joue contre des »kids » et cela doit être pris en considération par les amateurs de hockey qui aimerait voir son équipe offrir des contrats à des joueurs de 20 ans qui cumulent 100 points après 4-5 ans dans la ligue.
Commentaires